Ces dernières années, les pratiquantes du plus vieux métier du monde ont investi la toile.
L’avènement du numérique a multiplié les possibilités d’utilisation de l’internet. Au-delà de la montée en puissance de start-ups, l’on assiste à l’apparition de nouveaux réseaux de prostitution et de proxénétisme. Autant les sites d’annonces et les agences matrimoniales se modernisent, autant les groupes se forment dans les réseaux sociaux et d’autres créent des blogs. Le vocabulaire d’annonce varie selon les filles et est voilé. Il est parfois question de « courtoisie » et d’« hygiène de rigueur », de mensurations ou encore d'horaires.
« Bonsoir, moi c'est Yvette. Je suis une jolie jeune femme joviale et entreprenante, et qui aime bien s'amuser. Si tu veux me rencontrer, appelle-moi pour les modalités. » Cette annonce postée par Yvette, une étudiante de 24 ans, s'accompagne d’une adresse email, d'un numéro de téléphone et de trois photos suggestives. La présentation de cette jeune fille côtoie des milliers d'autres sur le site Afribaba dans la rubrique Rencontres-Echanges. La prostitution 2.0 a investi la toile grâce à des supports de petites annonces comme Afribaba, weemovo, celibatoo, jecontacte.com et les réseaux sociaux tels que whatsapp, facebook et twitter ne sont pas en reste. La pratique a pris une proportion inquiétante au Cameroun, car le site Afribaba à lui seul héberge environ 1500 annonces de rendez-vous galants. L’achalandage des rayons virtuels de la prostitution 2.0 est fait pour contenter tous les goûts. On y retrouve des brunes, noires, métisses de toutes les tailles, de toutes les corpulences.
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Cette technique de prostitution, en forte hausse, concerne des étudiantes, des mères de famille en situation de précarité, des femmes qui travaillent ou sans emploi dont l’âge varie entre 20 et 31 ans. Le prix du rendez-vous galant est fixé après l’approbation des deux parties. 20 000 FCFA pour la sieste et 60 000 FCFA pour la nuitée voir plus. Les clients choisissent les filles sur le catalogue proposé par le site et passent leur commande par téléphone. Un rendez-vous est pris, puis confirmé par SMS dans un hôtel ou un appartement.
Pour plus de discrétion, d’autres filles préfèrent créer des blogs qu’elles recommandent aux hommes nantis. D’après les témoignages recueillis, ces call-girls révèlent que, pour avoir leurs clients à travers le blog, des recommandations pour le visiter tombent dans les boîtes de messageries électroniques de plusieurs internautes sous forme de spams. Ainsi elles font les propositions de leurs services via les boîtes électroniques, notamment un mail par lequel elles invitent les hommes pour un échanger des plaisirs. Quant au client, le sentiment de s'adresser à une prostituée par le biais d'Internet facilite la démarche, notamment dans la fixation du rendez-vous.
Natacha, la trentaine révolue, fait de la prostitution 2.0, toute une industrie à Yaoundé. Elle gère la communication et les relations publiques de son réseau via Snapchat, Instagram, Twitter, Whatsapp, Facebook et Sarahah (un nouveau venu). Dans un entretien accordé à « Smart magazine », elle justifie son activité par le fait qu’ « il y a beaucoup de filles qui ont besoin d’argent pour leurs études et leurs activités. Il y a également des filles qui sont dans une situation précaire qui n’ont personne pour les aider financièrement ».
Dans l’univers de Natacha, pour bénéficier de l’entretien d’une fille, il faut débourser entre 10 000 et 500 000 FCFA, avec une possibilité d’abonnement hebdomadaire ou mensuel à la fourniture de vidéos et des photos pour adultes produites et fabriquées au Cameroun. Ce proxénétisme est géré par une sorte de secrétariat qui s'occupe de l'agenda des prostituées, organise leurs passages avec les clients, réserve les hôtels. Un service qui rapporte à son gestionnaire environ 50 % des gains de la prostituée. Chaque prostituée fait en moyenne 05 clients par jour.
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Les gains sont démultipliés lorsque les prestations incluent trois ou quatre prostituées par client ou lorsqu'elles passent la nuit avec le même client. Les profiles des personnes qui sollicitent le service de Natacha se recrutent parmi des cadres, des hommes d’affaires, des directeurs d’entreprises publiques et privées, des ministres… « Deux ont déjà sollicité les services de mes filles et un magistrat a pris une de mes filles comme secrétaire juste pour sa beauté » argue-t-elle.
SOIRÉES PRIVÉES
Souvent organisées les week-ends dans les principales villes du Cameroun telles que Yaoundé et Douala, les soirées privées attirent du beau monde. Pour participer à ces orgies, il suffit de s’inscrire à 5 000 FCFA via un compte mobile money ou orange money dont le numéro est indiqué sur la page et débourser une somme de 10 000 à 15 000 FCFA par soirée de plaisir. Des séances de plaisir qui se déroulent dans une stricte confidentialité. Si les séances d’orgies se déroulent dans un lieu secret, les pimentières-bio comme elles se font appeler, promeuvent leur activité au vu et au su de tous. La particularité de ces soirées, est que les femmes contribuent aussi bien que les hommes pour consommer goulument du sexe sans modération.
LES RISQUES
Comme dans tous les métiers, la prostitution 2.0 expose les parties prenantes à beaucoup de risques. Les filles peuvent être violentées ou abusées. Comme avec l’affaire du groupe WhatsApp dénommé « Golden Group WahatsApp », qui avait pour rôle d’attirer les jeunes filles et procéder à des séances de partouzes géantes qui a éconduit à l’assassinat de la jeune Gaëlle Tatiana Medjo, le 23 juin 2015, à Yaoundé. Pendant les soirées privées, le risque de transmission d’infections sexuellement transmissibles est élevé tant les participants ne se contrôlent et ne se protègent pas après avoir consommé de l’alcool et des drogues.
Autre risque que prennent les adeptes de ces partouzes, c’est celui de retrouver quelques séquences vidéo de ces séances sur les réseaux sociaux, certains participants les ayant filmés en cachette. Et c’est le début d’un chantage qui ne finira jamais. Surtout que, parmi les participants à ces séances dites de « deux-zéro », se recrutent de hauts cadres de l’administration publique, des hommes politiques et des opérateurs économiques à la renommée établie qu’ils n’aimeraient pas voir bafouée. A leurs dépens, ils apprennent que la prostitution 2.0, ce n’est pas toujours la discrétion.