Cela fait près d'un quart de siècle que je n'ai pas assisté à un match international de l'équipe nigériane au Nigeria, mais il semble que peu de choses aient changé depuis lors - en fait, si l'on ose dire, certaines choses ont peut-être empiré.
Mardi 29 mars au soir, j'étais présent lorsque des centaines de supporters ont pris d'assaut la pelouse du Moshood Abiola National Stadium d'Abuja, après que le Ghana a éliminé leur pays de la Coupe du monde 2022.
Le Nigeria avait demandé que le stade de 60 000 places soit entièrement rempli pour le match de barrage de la Coupe du monde, mais la Confédération africaine de football n'avait autorisé que 39 000 personnes - pour des raisons liées au Covid-19 - à assister au match, qui s'est déroulé sous la supervision de la FIFA. Le stade était plein à craquer, ce soir-là.
Les officiels avaient exhorté les supporters à assister au match, tandis que la Fédération nigériane de football et le ministère des Sports ont conjointement distribué 20 000 billets gratuits, une initiative qui pourrait s'être retournée contre eux, étant donné que certains de ces supporters pourraient avoir participé à cette violence.
Ces événements soulèvent des questions familières sur la sécurité et le maintien de l'ordre lors des matchs en Afrique - et l'absence de réponse sérieuse des instances dirigeantes à ces incidents - malgré les événements très médiatisés de la Coupe d'Afrique des nations de cette année au Cameroun, notamment la tragédie du stade Olembe.
L'expérience que j'ai vécue cette semaine m'a ramené aux scènes qui ont suivi la finale de la Coupe d'Afrique des nations en 2000.
À cette occasion, après la défaite du Nigeria aux tirs au but face au Cameroun, une pluie de pierres s'était abattue sur le terrain de Lagos - l'une d'entre elles avait laissé un homme se tenant à côté de moi, au bord du terrain, le visage ensanglanté.
Au moment de quitter le stade après cette défaite, les joueurs nigérians ont utilisé un bus banalisé - craignant que le leur ne soit attaqué par leurs propres supporters - pour s'assurer un passage en toute sécurité.
Derrière eux, une phalange de policiers anti-émeutes, armés de leurs gilets pare-balles et de leurs casques de protection, a fait de son mieux pour disperser la foule et endiguer tout incident majeur, toute violence ou toute perte de vie humaine éventuelle.
Pourtant, mardi 29 mars, dans la capitale nigériane, malgré l'ampleur du match, je n'ai vu aucune police anti-émeute, avant la ruée du public vers la pelouse, à la suite du coup de sifflet final du match nul, 1-1, qui a permis au Ghana de se qualifier grâce aux buts inscrits au match aller.
Le calme a été brièvement interrompu lorsqu'un officiel a lancé une grenade lacrymogène sur le terrain, dispersant les hordes de supporters sur le terrain comme un banc de poissons devant une pierre qui tombe, mais ils sont vite revenus.
"C'est de la folie"
Les fans ont renversé le banc de touche nigérian, brisant le plexiglas, tandis que des dizaines de personnes ont pris des chaises comme armes - un collègue de la BBC m'a dit avoir vu un fan avec un couteau sur le terrain.J'ai été brièvement menacé par un supporter brandissant une chaise après que j'ai recueilli les réactions du groupe de supporters ghanéens, au nombre d'une centaine, qui ont choisi de traverser le terrain - heureusement indemnes - pour se mettre à l'abri, plutôt que de prendre le risque de sortir d'un stade très mal éclairé en de nombreux endroits.
"Ils nous traitent très mal", a déclaré à BBC Sport Africa un supporter ghanéen, qui dit avoir vécu au Nigeria pendant plus de trente ans.
"C'est de la folie. C'est le football, qui se termine toujours une victoire, un match nul ou une défaite. Vous devez savoir cela", a réagi un autre supporter ghanéen.
Alors que les Ghanéens - dont beaucoup ont pris peur - se serrent les coudes pour tenter de se mettre à l'abri, les services de sécurité n'étaient visibles nulle part.
La même chose s'était produite lorsque les joueurs des Black Stars du Ghana avaient dû se recroqueviller et se couvrir la tête avec leurs bras, alors qu'ils couraient vers le tunnel pour échapper à la grêle de bouteilles et à la foule qui chargeait derrière eux.
Neuf joueurs de Premier League, ainsi que plusieurs footballeurs de haut niveau basés en Italie, en Espagne, en France et au Portugal participaient à ce match de barrage.
À l'instar des supporters, qui ont également été bombardés de bouteilles, la délégation ghanéenne était si pressée de quitter le stade qu'elle a manqué la conférence de presse obligatoire d'après-match (tandis que le refus du Nigeria de faire face aux médias avait moins d'excuse).
Une enquête de la FIFA ?
À l'intérieur du stade, les autorités n'ont guère tenté d'endiguer les envahisseurs, bien au contraire parfois.Dans certaines parties du stade, j'ai vu des portes empêchant les supporters d'accéder au terrain s'ouvrir sans raison apparente. Cela résume le niveau de l'intendance, alors que le maintien de l'ordre était également quasi inexistant.
Même entrer dans le stade, ce que j'ai fait plus de trois heures avant le coup d'envoi à 17 h 00 GMT était difficile.
Il n'y avait pas d'ordre, les supporters se pressant contre les tourniquets. A tel point que, parfois, trois ou quatre personnes se trouvaient devant un tourniquet qui, curieusement, ne bougeait pas si vite qu'il restait bloqué à plusieurs reprises.
Au milieu de ce désordre, je me suis fait voler mon téléphone et mon portefeuille en essayant de protéger mon sac à dos.
Il convient de poser des questions aux autorités nigérianes chargées du football et de la sécurité, à la Confédération africaine de football (CAF) et à la FIFA aussi, pour savoir comment une telle scène a pu se dérouler lors d'un événement aussi important - un match sous les auspices de l'instance dirigeante du football mondial.
Était-il vraiment exagéré de prévoir le risque de troubles à la suite d'une éventuelle élimination du Nigeria face à ses plus proches rivaux ?
Qu'en est-il de la présence apparemment invisible de la sécurité ?
Il appartient à la Fédération nigériane de football de veiller à la sécurité du stade, avec l'aide des autorités locales. La CAF et la FIFA doivent envoyer des agents de sécurité chargés de conseiller et de superviser.
La FIFA a déclaré à BBC Sport Africa qu'elle analysait les rapports officiels du match et qu'elle déciderait ensuite des mesures disciplinaires à prendre contre le Nigeria, le cas échéant.
Des incidents à répétition
C'est la troisième fois en deux mois que j'assiste à un match en Afrique où le maintien de l'ordre et de la sécurité sont malheureusement en deçà des normes. Des supporters ont envahi le terrain à la suite d'un match de l'Algérie contre la Côte d'Ivoire à la Coupe d'Afrique des nations, peu avant la catastrophe du stade Olembe en janvier.Dans la capitale camerounaise, huit supporters sont morts à la suite d'une bousculade à l'extérieur du stade, dont l'origine réside en grande partie dans l'incroyable décision des autorités locales de canaliser la plupart des supporters présents dans une arène construite pour 60 000 personnes vers une seule entrée principale, un portail à peine plus large qu'une porte de garage.
Pourquoi, en 2022, les responsables de la sécurité des spectateurs laissent-ils encore se produire de tels incidents ?
À sa décharge, la CAF a suspendu les stades internationaux de plusieurs pays en raison de leur incapacité à accueillir des matchs, mais la sécurité des stades reste une équation à résoudre dans le continent.
Malheureusement, il ne se passe pas grand-chose après ce type d'événements. Il s'agit souvent d'une petite sanction financière, souvent moins importante que les amendes que les instances dirigeantes du football infligent pour les choses "importantes", comme la violation des règles de la publicité.
En 2008, j'ai assisté à un match de qualification pour la Coupe du monde 2010 entre le Sénégal et la Gambie, au cours duquel des supporters ont non seulement mis le feu à certaines parties du stade, mais aussi saccagé les espaces VIP près desquels les équipes s'étaient réfugiées. La punition ? Rien.
La même inertie face à la surpopulation était également présente dans le stade d'Abuja lui-même, où les allées et chaque centimètre de béton disponible étaient occupés par des spectateurs.
Il s'agit là d'un danger énorme, mais qui est constant lors des matchs joués en Afrique - pourquoi autorise-t-on cela ?
Les conséquences du match du mardi 29 mars ont éclipsé un affrontement inoubliable entre deux pays d'Afrique de l'Ouest dont la rivalité historique s'étend au football, à la musique, aux films et, entre autres, au badinage joyeux sur le fameux Jollof rice.
Les plaisanteries sont souvent bon enfant, mais dans la zone de presse, certains journalistes nigérians ont menacé de mort leurs confrères ghanéens, qui avaient imprudemment fait la fête à l'approche du coup de sifflet final, alors que la folie frénétique se répandait.
Ce n'est un secret pour personne que le football peut susciter une tempête d'émotions incroyables. Alors pourquoi les autorités sont-elles toujours incapables ou, pire, réticentes à prendre les mesures appropriées pour mettre fin à cette situation ?