Actualités of Friday, 3 June 2022

Source: Kalara N°429

Révélations : voici les offres indécentes de Amougou Belinga à la Régionale des impôts

Amougou Belinga Amougou Belinga

Vendeur d’armes, vendeur de diamant, homme-lige de certains chefs d’Etat… L’homme d’affaires a tout dit à Mme Mvogo pour ramener à la portion congrue les arriérés des impôts de plus de 11 milliards de francs constatés par le contrôle fiscal. Le DG de la Crtv et le chef de la division des officiers de police judiciaire du TCS appelés à la rescousse par le PDG. Pour bluffer les impôts ? Exploitation des échanges WhatsApp entre certains protagonistes.


Mme Aïssatou Adamou, juge d’instruction au Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé – centre administratif (CA), a programmé de poursuivre cette semaine l’instruction de la plainte de M. Amougou Belinga contre huit hauts cadres du fisc, une dizaine de jours après avoir fait incarcérer l’un d’entre eux à la prison centrale de Yaoundé – Kondengui. Jeudi dernier, la magistrate a en effet émis un nouvel «avis d’interrogatoire» à l’attention de trois inspecteurs des impôts. Selon les termes de cette convocation, M. Amia Mounamba Gérard, chef de la cellule du contentieux du centre régional des impôts du Centre 1 (Cric 1), Mme Dai-Awe épouse Tabouli, le chef du centre spécialisé des impôts des professions libérale et de l’immobilier (Csipli) de Yaoundé, ainsi que M. Mohamadou Tidiani, inspecteur vérificateur dans ledit centre, sont attendus ce mardi, 31 mai 2022 à 11h, au cabinet de ce juge d’instruction.

Ces trois inspecteurs des impôts, comme du reste Mme Mvogo Emelyne épouse Biyina, le chef du Cric 1 incarcéré le 19 mai au pénitencier de Kondengui, avaient été inculpés le 19 avril 2022 pour des faits supposés de tentative d’extorsion de fonds, d’abus de fonction, de chantage, de concussion et de corruption en même temps que quatre autres de leurs collègues. Ces derniers restent pour leur part dans l’expectative en attendant ce qui se passera ce mardi. Ils redoutent tous de subir le même sort, surpris que le juge d’instruction ait pu trouver des «indices graves» de nature à laisser penser qu’ils se seraient rendus coupables des accusations alléguées par leur adversaire.

La convocation du trio des inspecteurs des impôts pour ce mardi a été notifiée à leurs avocats quatre jours après que ces derniers ont formellement sollicité la remise en liberté d’office du chef du Cric 1. Mme Aïssatou Adamou, qui dispose de cinq jours selon la loi pour répondre, devrait le faire en principe ce lundi. Selon des sources proches de l’enquête, les conseils des huit fonctionnaires demandent également que le juge d’instruction leur délivre «une copie du dossier de l’information judiciaire» sur le fondement de l’article 165 du code de procédure pénale. Les avocats espèrent prendre possession du contenu complet du dossier judiciaire pour se faire une idée propre des éléments qui justifieraient la mise en détention provisoire de Mme Mvogo Emeline.

Tapage médiatique

Les demandes formulées par les avocats de la DGI ne sont guère surprenantes, si l’on s’en tient à un compte-rendu d’audience adressé à leur client au lendemain de l’incarcération du chef du Cric 1. Dans ce document qui a fuité la semaine dernière, les avocats écrivent que «cette mise en détention n’est pas justifiée sur le plan légal, [Mme] Mvogo étant inculpée de simples délits et ayant un domicile connu comme le prévoient les dispositions de l’article 218 al1 du code de procédure pénale». Et que, sur le plan factuel, les «agents des impôts [ont] de manière concordante dans leurs dépositions respectives battu en brèche les allégations de [M.] Amougou Belinga Jean Pierre qui n’a produit au demeurant aucune preuve pour soutenir ses affirmations». Dans sa plainte, le PDG de Vision 4 prétend avoir remis aux mis en cause un pot de vin d’une valeur de 50 millions de francs après avoir résisté à une demande, de leur part, d’un pourboire de 500 millions de francs pour lui éviter un redressement fiscal.

Pour les conseils des mis en cause, le plaignant et ses deux témoins n’ont jamais pu confondre Mme Mvogo Emeline au cours de la confrontation. M. Sida, conseil fiscal de M. Amougou Belinga, et Mme Olgane, directeur des affaires financières du Groupe l’Anecdote, auraient tous les deux déclaré séparément au juge d’instruction, en présence du représentant du parquet, n’avoir pas été témoins de la remise de l’enveloppe de 50 millions de francs tel qu’alléguée par M. Amougou Belinga. Les avocats précisent que «malgré le tapage médiatique orchestré par Vision 4, [M.] Amougou Belinga n’a produit aucune pièce pour corroborer ses déclarations». Ils signalent que le prestataire de services a remis en tout au juge, «une suite de messages qu’il aurait échangés avec Mme la régionale du Cric 1 […] dont la lecture permet aisément de se rendre compte qu’en aucun moment cas, il n’y a eu sollicitation de somme d’argent, encore moins la remise».

Les échanges WhatSapp entre M. Amougou Belinga et Mme Mvogo, dont Kalara a obtenu copie du script, montrent que c’est bien l’homme d’affaires qui prend l’initiative, le 16 mars 2022, d’entrer en contact avec la Régionale des impôts du Centre 1. C’est la veille d’une séance de travail de rattrapage entre le patron du Groupe l’Anecdote et l’équipe des impôts. Cette séance de travail contradictoire devrait en principe se dérouler initialement dans les locaux du fisc. Les premiers rendez-vous avaient avorté du fait de l’absence de l’homme d’affaires, officiellement en déplacement.

Depuis le début du contrôle fiscal, disent les sources de Kalara, le Groupe l’Anecdote n’a présenté aucune pièce pour justifier l’usage des fonds important qui sont tracés dans les comptes bancaires de ses diverses entreprises. Un «constat de carence» est envisagé par le fisc au moment où le conseiller technique N°3 (CT3) du ministre des Finances entre dans la danse. Selon les sources de Kalara, il aurait pris contact avec Mme Mvogo Emeline en lui déclarant que le Minfi lui a personnellement confié le suivi du dossier. C’est ce CT3 qui aurait convaincu Mme Mvogo de répondre aux appels de M. Amougou Belinga et de se rendre dans les locaux de Vision 4 avec ses collaborateurs pour la séance de travail du 17 mars 2022 à midi…


Ce qui est sûr, au regard des messages lus par Kalara, c’est que le PDG du Groupe l’Anecdote a usé de tout pour s’assurer que le chef du Cric 1 allait prendre part, en personne, à la réunion de travail du 17 mars. «Vous savez que je ne peux rien sans vous merci», lui écrit-il de façon elliptique à quelques minutes de la rencontre, alors qu’elle lui annonce son retard… Les sources de Kalara indiquent que Mme le chef du Cric 1 est finalement arrivée sur les lieux. Et le PDG aurait tenté de l’avoir en aparté, lui parlant «en langue éwondo»…

350 millions de F…

De toutes les façons, révèlent les sources concordantes, il va rapidement expliquer à Mme Mvogo qu’il n’a pas de justificatifs pour l’usage des fonds tracés dans les comptes de ses entreprises. Ces fonds, qui sont pour beaucoup sans rapport avec les activités réelles de son groupe, proviendraient selon ses propres déclarations tantôt des «ventes d’armes», tantôt aussi des «ventes de diamant», voire seraient des avoirs de certains «amis» de l’homme d’affaires parmi les chefs d’Etat de la sous-région… L’homme d’affaires fera rapidement savoir au chef du Cric 1 qu’il ne peut verser au Trésor public plus de 350 millions de francs au titre de ses arriérés des impôts qui lui sont réclamés. La séance de travail, qui s’annonçait longue, va s’achever plus tôt que possible au regard de la situation.

En quittant le siège de Vision 4, Mme Mvogo annonce à son interlocuteur qu’elle va rendre compte de ses propositions à sa hiérarchie et le tenir informé de ce qui sera décidé. Ce qui se fait finalement le lundi, 21 mars, comme en témoigne un message adressé au PDG à 13h34. Et à 15h15, ce dernier vient aux nouvelles : «Et la suite c’est quoi ?». Il n’y aura plus jamais de réponse. En fait, la régionale des impôts a reçu instruction du DGI de faire notifier l’Avis de mise en recouvrement des 11 milliards de francs des arriérés fiscaux et pénalités mis en relief à la suite du contrôle, afin d’éviter que l’administration ne soit prise au piège du non-respect des délais qui la guette déjà. Et elle s’est immédiatement exécutée. C’est de là que naît manifestement le courroux du «patriarche» contre le chef du Cric 1.

Selon les sources de Kalara, lors de la confrontation du 19 mai, Mme Mvogo aurait réitéré cette version des faits, contestant catégoriquement les accusations du PDG de Vision 4 et lui demandant de décrire comment elle aurait transporté l’enveloppe de 50 millions de francs et de remettre au juge d’instruction les vidéos annoncées pour prouver ses dires. Mais elle a redis avoir reçu plusieurs fois des pressions du CT3 du Minfi pour aider l’homme d’affaires. Ce dernier, toujours en mal de reconnaissance de sa toute puissance, aurait lui-même révélé au cours de la confrontation qu’il avait obtenu que le DG de la Crtv, M. Charles Ndongo, se déplace en personne pour le siège de Vision 4, afin de lui donner le contact téléphonique de Aimé Robert Biyina, l’époux de Mme Mvogo.

De même, M. Amougou Belinga aurait révélé avoir retrouvé Mme Mvogo au bureau du CT3 sans lui adresser la parole, après la notification de l’AMR au Groupe l’Anecdote, confirmant l’interventionnisme du collaborateur du ministre des Finances dans le dossier. Le PDG de Vision 4 aurait encore révélé qu’en arrivant au siège de Vision 4 le 17 mars 2022, le chef du Cric 1 y avait trouvé le commissaire divisionnaire Oko Petis, le chef du corps spécialisé des Officiers de police judiciaire du Tribunal criminel spécial (TCS). Ce sont des fréquentations manifestement mises en scène par M. Amougou Belinga, en plus de l’étroitesse de sa relation avec le Garde des Sceaux, pour expliquer le sort actuel de Mme Mvogo. En attendant celui de ses autres coaccusés.