Actualités of Thursday, 4 February 2016

Source: L’Oeil Du Sahel

Révélations sur la mort du commissaire de Dabanga

Photo utilisée juste à titre d’illustration Photo utilisée juste à titre d’illustration

Quelques heures après la lecture du communiqué du gouvernement sur les ondes de la radio nationale, le 25 janvier 2016, annonçant la découverte des corps du commissaire spécial de Dabanga, Ousmaïla Sagou et de l’inspecteur de police à la retraite Adam Hassan, en territoire nigérian, à quelques kilomètres de la frontière, des membres de la famille des deux policiers se sont rendus à la délégation régionale de la Police de l’Extrême-Nord à Maroua, pour reclamer leurs dépouilles.

Il leur a été opposé un refus poli. «L’on attend des instructions de Yaoundé», leur a argué le maître des lieux, à en croire un membre de la famille de l’officier de police décédé dans des conditions plus que troubles.

Les dépouilles des deux policiers, officiellement, sont à la morgue de l’hôpital régional de Maroua. Elles y sont au moins depuis vendredi, 22 janvier 2016, selon des sources proches de la famille de l’officier de police principal à Afadé, son village. Qui les a transportées pour Maroua ? Un hélicoptère de l’armée, si l’on s’en tient à des hauts responsables de l’opération Emergence, l’un des deux dispositifs mis en place par le Cameroun pour combattre Boko Haram. Cependant, de sources sécuritaires introduites, aucun policier ne se trouvait à bord de l’appareil militaire censé avoir récupéré les corps de leurs camarades pour les ramener à Maroua.

Autre zone d’ombre, les dépouilles qui, à ce jour, n’ont été soumises à aucune autopsie, restent sous le contrôle de l’armée. «Il ne nous a pas été autorisé de voir la dépouille de notre frère. Nous l’avons reclamé parce qu’il faut déjà être certain que c’est bien lui qui est dans cette morgue. S’il a été tué par Boko Haram, pourquoi sommes-nous alors interdits de le voir ? Cela nous intrigue», lâche un membre de la famille du commissaire spécial. Une volte-face étonnante, alors que vendredi, 22 janvier 2016, le sultan d’Afadé, oncle d’Ousmaïla Sagou, avait été invité à Maroua pour récupérer le corps de son neveu…

En rendant public son communiqué, plusieurs observateurs qui suivent cette affaire de près, pensent que le gouvernement emprunte, inutilement, un chemin sinueux. Pour plusieurs raisons, Boko Haram, si tant est vrai que cette secte détenait les deux otages, n’avait aucun intérêt à les tuer. Ils constituaient une monnaie d’échange si précieuse qu’ils auraient été classés dans la catégorie d’otages à entretenir afin qu’ils demeurent en vie le plus longtemps possible.

MODE OPÉRATOIRE

En route pour Dabanga, Ousmaïla Sagou a été enlevé en compagnie de l’inspecteur à la retraite Adam Hassan, dans la journée du 4 janvier 2016, alors qu’il revenait de Kousseri où il était rendre visite à une de ses trois épouses. Votre journal est en mesure de dire aujourd’hui que l’inspecteur de police à la retraite, ancien subordonné d’Ousmaïla Sagou à Dabanga, est monté dans la voiture de ce dernier à Maltam. Le retraité faisait de l’auto-stop quand son destin a croisé celui du commissaire spécial de Dabanga. A Tildé, la voiture de l’officier de police, une Toyota de marque Carina, a été prise en filature par trois véhicules d’une unité de l’armée camerounaise, selon des témoins oculaires.

«Lorsque nous avons interrogé les paysans qui ont assisté à leur interpellation, cachés dans leurs champs, ils nous ont déclaré que deux véhicules avaient rebroussé chemin après qu’ils aient été interceptés et que c’est dans le dernier véhicule qu’ils ont été embarqués et que ledit véhicule a pris la direction de Waza», explique une source proche de la famille d’Ousmaïla Sagou. Et de poursuivre : «Nous n’avons pas baissé les bras. Nous avons activé nos connaissances dans le secteur de la téléphonie mobile, et deux jours après son enlèvement, le signal de son numéro de téléphone était toujours présent dans le secteur de Waza. Si le gouvernement le veut, il dispose de toutes les ressources pour mener son enquête, car nous refusons de croire que le gouvernement, jusqu’ici irréprochable dans la guerre contre Boko Haram, essaye de dissimuler la vérité».

Autres pièces à verser au dossier : ces mystérieux appels passés au lendemain de l’enlèvement des deux policiers. Mme Abbo, la soeur du commissaire spécial, a été appelée au téléphone deux ou trois jours après l’enlèvement de son frère, pour se voir proposer sa libération contre paiement d’une rançon. L’intéressée, selon des sources concordantes, a dit niet ! «Mon frère n’a pas été enlevé par Boko Haram, mais par des militaires», a-t-elle rétorqué. Même tentative auprès d’Abdourahman, fils de l’inspecteur de police à la retraite, Adam Hassan. «Il a reçu un appel masqué, comme la soeur du commissaire. Il a essayé de rappeler le numéro, sans succès.

Mais la rumeur s’est propagée auprès de certains membres de la famille comme quoi, Adam Hassan avait été libéré et se trouvait à Yaoundé. Tous ceux à qui il était demandé si Adam Hassan avait donné signe de vie répondaient oui, guidés sans doute par l’énergie de l’espoir. Mais personne n’avait eu au bout du fil notre «vieux» Adam», explique aujourd’hui un des proches du défunt inspecteur de police retraité. Il apparaît de plus en plus évident aujourd’hui que cette manoeuvre ne visait qu’un but : maquiller les pistes. Car, l’affaire se délitant peu à peu, les concepteurs de l’opération, des militaires selon des témoins, entendaient visiblement faire porter les enlèvements à d’autres services de sécurité. «Dire qu’Adam et Ousmaïla étaient à Yaoundé, revenait à dire qu’ils étaient soupçonnés de collusion avec Boko Haram, et qu’à partir du moment où ce n’était pas la police qui les avaient interpellés, il ne pouvait alors s’agir que de la Direction générale de la Recherche extérieure (Dgre). Ce qui est une aberration et une tentative malsaine», explique une source introduite.