C’est par une déclaration choc qu’il s’est il- lustré cette semaine,
dans les colonnes de Le Monde Afrique. Interrogé sur le lourd bilan humain (officiel- lement 17 morts) qui a soldé la journée du 1er octobre 2017, date choisie par certains sécessionnistes pour clamer l’indépendance du Southern Cameroons, John Fru Ndi s’est défaussé sur Paul Biya. Pour lui, « Au palais d’Etoudi, en février, lorsque Paul Biya m’a salué, j’ai tiré sa main vers moi. Je lui ai parlé : « Monsieur le Président, si tu peux payer de l’argent, faire libérer les otages et négocier avec Boko Haram, tu peux aussi pardonner à ton propre peuple. » Mais il ne m’a pas écouté.
Au lieu de cela, j’ai été accusé de vouloir empêcher que les « criminels » [anglo- phones] qu’ils avaient arrêtés soient jugés ». Le 1er octobre ayant été particulièrement meurtrier dans les zones anglophones, le leader de l’op- position camerounaise déclare : « Monsieur Biya doit être amené à la Cour pénale internationale et on doit le juger pour crimes contre l’hu- manité ». Une posture qui n’a certainement pas fait sourire au sein du régime. D’autant que, l’homme de Ntarikon donne l’impression de se laver les mains. « Tout est entre les mains de Monsieur Biya. Il est déterminé, tout comme les membres du RDPC, à détruire ce pays », dit-il.
Rétropédalage
Ainsi, la crise anglophone ainsi que la tournure qu’elle a prise seraient du seul fait du chef de l’Etat. Même si l’on ne peut pas décliner la responsa- bilité de Paul Biya qui a œuvré à la construction de ce mal-être et qui, face à la radicalisation a choisi de laisser pourrir la situation, il serait aussi trop facile de balayer d’un revers de la main, la part de responsabilité du chairman dans l’édification de la mal gouvernance dont la crise anglophone est le corollaire.
En effet, alors que Fru Ndi donne l’impression aujourd’hui de vouloir se désoli- dariser de la politique du renouveau, il a par le passé souvent accompagné ses manœuvres et ses pratiques. Par exemple, On se rappelle qu’en
2013, alors que Paul Biya vient d’annoncer la tenue des séna- toriales, John Fru Ndi menace de pousser les Camerounais dans la rue et de sortir les ma- chettes. Il estimait alors, et avec raison, qu’on ne pouvait parler de sénatoriales qu’après l’érection des conseils régionaux. Puis, sans raison apparente, il sera le premier à appeler ses partisans à aller voter. De même, dans le cadre de cette crise anglophone, le député du Sdf, Joseph Wirba, l’a accusé de trahison.
« Votre silence total sur cette question capitale (la crise anglophone ndlr) que j’ai évoquée et qui tient à cœur à tous les west cameroonians, encourage les oppresseurs à me donner la chasse impunément. Votre silence me fait comprendre que j’étais seul. Seul le peuple m’a soutenu, défendu, protégé et mis en sé- curité», mentionnait alors la correspondance de Wirba datée du mars 2017.
Wirba avait-il tort, quand sait qu’on a également assisté à un dés- aveu du député Jean Michel Nintcheu qui voulait organiser une marche de protestation à Douala ? Le 20 juillet 2017, alors que la crise est déjà prégnante, on découvre le chairman et le sénateur Rdpc, Simon Ashidi Ashu se tenant presque la main et esquissant quelques pas de danse lors de la réouverture officielle de l’aéroport de Bafut et la ligne aérienne Yaoundé-Bamenda.
Fru Ndi avait oublié que les anglophones réclamaient autre chose qu’un vol inaugural en leur terre.
Même si contre toute attente, le 20 mai dernier, il prendra la décision de ne pas participer aux festivités encore moins au défilé pour cause de mau- vaise gestion par le pouvoir central de la crise anglophone, il ne convaincra per- sonne. Il n’a pas su prendre ses distances quand il le fallait. Et aujourd’hui, il veut tout mettre sur le dos de Paul Biya. Pourquoi donc vouloir se désolidariser d’un homme avec qui a toujours fait cavalier ? On a toujours clamé qu’il existe entre le régime et lui un pacte secret. Voilà pourquoi le chairman a sou- vent brillé par son inconsistance.
A la réalité, sachant que les anglophones lui en veulent et que beaucoup le considèrent comme un traitre, il tente de se sauver. C’est à qui mieux-mieux, mais, personne n’est dupe. Après avoir accompagné Paul Biya dans sa politique, il doit assumer. N’oublions pas que pour prouver sa relation incestueuse avec le régime, certains journaux dans une expédition punitive savam- ment orchestrée au lendemain du désistement de Fru
Ndi de participer à la fête du 20 mai, mettront en évidence des révélations dont les Camerounais n’avaient pas jusqu’alors eu échos. Selon ces journaux, le Sdf et John Fru Ndi coûterait à l’Etat 6,4 milliards de frs cfa par an.
Cette semaine, nous avons posé à nos experts les ques- tions suivantes : Que penser de la phase suivante : « Paul Biya doit être traduit devant la CPI pour crimes contre l’humanité » ? Fru Ndi lui- même, pendant son parcours politique a souvent brillé par son manque de constance, donnant l’impression qu’un pacte l’unissait au pouvoir central. Est-ce que lui-même n’est pas comptable de la tournure qu’a prise la crise anglophone aujourd’hui ? Peut-on dire qu’il n’a pas été complice de ce système qui a mis l’ensemble du Cameroun à genoux ?
Aujourd’hui, comme certains thuriféraires du régime, chacun donne l’impression de vouloir se laver les mains comme Ponce Pilate, face à la dégradation que l’on connaît. Ce serait Paul Biya le seul fautif. N’est-ce pas trop facile ?