«C’est le moment !» Sʹil fallait choisir une phrase pour résumer le texte signé par Paul Biya le 09 décembre 2015, ce serait celle-là. Selon un communiqué publié par Jean Nkueté un jour plus tard, le président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) a procédé à la nomination des chefs de délégations, membres et chargés de mission des délégations permanentes régionales du Comité central. Le secrétaire général du «parti des flammes» a par ailleurs ajouté que ces instances ont été créées il y a un peu plus d’un an (le 11 septembre 2014 précisément) et elles «relèvent des structures chargées de la supervision et de l’encadrement des organes de base en vue d’une synergie d’action et d’une plus grande efficacité du parti».
Le texte prévoit que la mise en service des «promus» vise le «renforcement du maillage du terrain dans le but de consolider la position de parti leader du RDPC sur l’échiquier politique national». Et du coup, pour certains militants, cela surgit après plusieurs jours de charge ininterrompue et sonne comme une ultime piqûre de rappel à l’ordre. Mais, «il faut avoir la naïveté de mauvais membre du RDPC pour imaginer que c’est pour rien. Le renouvellement des organes de base a été une aventure ratée parce que mal conduite, et politiquement mal analysée. Il y a de la matière tant sur le fond que sur le moment choisi par le président national, avec la mise en place des délégations régionales. Avec le désordre qu’il y a eu, on s’attendait à voir d’autres visages», analyse Claude Epangué, candidat malheureux lors des opérations de renouvellement des organes de base dans le Moungo-nord. Possible donc de comprendre que dans les plans de Paul Biya, retaper du sol au plafond la boutique RDPC est impossible. Tout au plus, il n’a repeint que l’enseigne. Dedans, les mêmes figures.
Stratégie
A la vérité, ce qui est en jeu avec la nomination des responsables politiques régionaux est moins le renforcement dʹune élite politique que la constitution dʹun réseau à la fois durable et productif. C’est du moins l’avis de ceux qui soulignent surtout le dévolu jeté sur des «caïds» qui croient davantage à la pérennité du régime qu’à la rectitude de leur ligne politique. Certains analystes retrouvent ainsi dans certains aspects du plan Biya, les préoccupations qui sont depuis longtemps les siennes. Il les a donc soutenues au nom des principes de cohérence et d’efficacité au sein de son parti.
Au risque de nʹavoir pas su prévoir lʹampleur du mouvement social que le renouvellement des organes de base a entraîné, le président national du RDPC a juste gommé les clivages. Pour servir, au moins symboliquement, une «ouverture » qu’il juge propice à ses intérêts politiques, avec la conviction que, le moment venu, le dispositif ainsi mis en place ne peut se réorganiser quʹautour de lui. Ce qui tend à faire croire que durant les opérations de renouvellement des organes de base du RDPC, Paul Biya, en spectateur inquiet des errances de son camp, a compris que la démarche de beaucoup parmi ceux qu’il a dépêché sur le terrain est régentée par le protocole de la trahison et des coups bas.