Cavayé Yeguié Djibril n’est plus à présenter. Le tout puissant président de l’Assemblée nationale camerounaise est loin d’avoir dit son dernier mot. Malgré une santé fragile, il tient le bon bout et ne veut pas se laisser compter les évènements. Il a fait la Une de l’actualité ces derniers jours poussant le Magzaine Jeune Afrique à lui consacrer un article.
« La maladie l’a parfois affaibli mais les années ne l’ont pas adouci. Président de l’Assemblée nationale depuis 28 ans, Cavayé Yeguié Djibril, 80 ans, n’hésite pas à poursuivre ses rivaux au-delà des frontières. Sa dernière cible ? Un député, Kamssouloum Abba Kabir, pharmacien de son état, installé à Kousseri, chef-lieu du Logone-et-Chari dans l’Extrême-Nord, tout près de N’Djaména. Que s’est-il passé pour que l’ombrageux octogénaire le dénonce auprès de Mahamat Deby Itno, le président du Conseil militaire de transition (CMT) du Tchad ? « J’ai l’insigne honneur de porter à votre connaissance que nous avons reçu des informations précises selon lesquelles le député camerounais Kamssouloum Abba Kabir, questeur au bureau de l’Assemblée nationale, se livre à des activités de trafic d’armes de guerre le long des frontières Cameroun-Tchad », écrit Cavayé Yeguié Djibril dans une correspondance en date du 16 septembre dernier. La suite du courrier est tout en nuances… « Membre de l’ethnie arabe Choa, qui se trouve tant au Tchad qu’au Cameroun, [il] profite de la complicité de l’ethnie à laquelle il appartient pour se livrer à ces activités criminelles qui menacent notre frontière commune », poursuit-il », a repris Jeune Afrique.
« En s’adressant à deux chefs d’États étrangers, Cavayé Yeguié Djibril a-t-il dépassé les bornes ? Pour tenter de circonscrire l’incendie, son chef de cabinet, Boukar Abdourahim, a publié le 4 octobre un communiqué ambigu dénonçant « des individus sans foi ni loi qui font circuler des informations sans fondement sur les réseaux sociaux pour ternir l’image du Très Honorable président de l’Assemblée nationale ». Il se garde toutefois bien de se prononcer sur l’authenticité des documents publiés.Vrais ou fake ? Joint par Jeune Afrique, un membre du bureau de la Chambre prend le parti d’en rire. « Ce sont de vrais-fake ou des fake-vrais, s’amuse-t-il. La vérité, c’est que le président et son directeur de cabinet sont en guerre contre leurs adversaires régionaux de l’Extrême-Nord pour le contrôle politique de la province et, partant, de la présidence de l’Assemblée nationale, que la géopolitique camerounaise en vigueur leur attribue. » Et sans doute Cavayé Yeguié Djibril a-t-il peu apprécié de voir Kamssouloum Abba Kabir avoir l’impudence de solliciter, à plusieurs reprises, l’investiture du RDPC pour briguer le perchoir », précise par contre Jeune Afrique.
« Le Directeur de Cabinet du Président de l'Assemblée Nationale porte à la connaissance de l'opinion nationale et internationale que, depuis un certain temps, des individus sans foi ni loi font circuler des informations sans fondements, dans les réseaux sociaux pour ternir l'image du Très Honorable Président de l'Assemblée Nationale, son entourage et ses collaborateurs dans le but inavoué de déstabiliser ladite personnalité. Aussi convient-il de souligner pour le déplorer que ces mises en scène ont franchi un nouveau palier, depuis la publication d'une correspondance mettant en cause un personnage soupçonné des pratiques mafieuses tant à l'intérieur qu'a l'extérieur du Cameroun. Sous ce rapport, il tient à rappeler qu'au regard de la gravité des faits sus évoqués, les instances appropriées viennent d'être saisies pour faire toute la lumière sur ces allégations mensongères à l'effet de mettre hors d'état de nuire ces criminels tapis dans l'ombre afin que force reste à la loi », a évoqué le communiqué de l’assemblée nationale.
« En août dernier, avec une égale délicatesse, le président de l’Assemblée nationale s’en prenait déjà à un autre député ayant, cette fois, ses entrées à Bangui. « J’ai l’honneur de vous faire connaitre, pour transmission à son haut destinataire, que le député camerounais d’opposition Salmana Amadou Ali ne bénéficie d’aucun mandat de notre institution lui permettant de mener des activités politiques et commerciales en République centrafricaine », écrivait-il au président Faustin-Archange Touadéra, ajoutant que « ce député de moralité douteuse agit pour son propre compte et ne saurait se prévaloir d’un quelconque soutien de notre part ».Les deux députés « à la moralité douteuse » sont pourtant très en vue au Cameroun. Le premier, Kamssouloum Abba Kabir, est membre du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) et questeur au bureau de la Chambre. Salmana Amadou Ali est, lui, élu d’un parti « ami » (le Front pour le salut national du Cameroun – FSNC – du ministre Bakary Tchiroma) et vice-président de la Commission des Finances. Avec autant de personnalités peu recommandables à des postes-clés, il y aurait lieu de s’inquiéter de la moralité de cette chambre basse… », a rappelé Jeune Afrique.
« Les deux courriers ont fuité sur les réseaux sociaux, suscitant des commentaires indignés, mais le gouvernement reste muet. Il faut dire qu’à Yaoundé, personne ne sous-estime Cavayé Yeguié Djibril. Élu député en 1970 mais peu disposé à prendre sa retraite, il s’en prend généralement à tous ceux qui montrent des velléités de briguer la présidence de l’Assemblée nationale. Son fauteuil étant remis en jeu en mars de chaque année, il fait feu de tout bois pour neutraliser ses rivaux. Et Paul Biya semble lui pardonner tous ses excès. Le chef de l’État sait bien qu’en presque 30 ans de perchoir, l’opposition n’est jamais parvenue à déposer la moindre proposition de loi. Il sait aussi que jamais aucune demande de commission d’enquête parlementaire n’a abouti. », précise le Magazine.