Dans un article que Jeune Afrique a consacré à Laurent Esso, le tout puissant ministre de la Justice qui n’est manifestement pas sorti d’affaire dans le dossier Martinez Zogo, a été caricaturé. Un magistrat a livré aux confrères le vrai visage de ce proche de Paul Biya. Il est décrit comme quelqu’un qui s’immisce régulièrement dans les affaires judiciaires.
« Sous anonymat, un magistrat le décrit en homme « froid et méchant ». Cette réputation peu flatteuse le poursuit jusque dans les prisons camerounaises, où plusieurs hommes politiques embastillés lui attribuent directement la responsabilité de leurs malheurs. Il tient les parquetiers d’une main de fer. Mais aussi les juges des cours et tribunaux dont la carrière dépend du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). C’est cette instance qui décide des mutations des magistrats, de leurs promotions et des passages de grade sur des critères totalement aléatoires.Plusieurs justiciables ont dénoncé – sans preuves – de graves immixtions de la chancellerie dans l’énoncé des décisions de justice. À les croire, certaines affaires sensibles sont tranchées en dehors des tribunaux, les décisions rédigées au ministère et lues in extenso par les juges du siège. Esso, lui, ne fait rien pour démentir ses détracteurs. Pire, il conforte cette légende noire. Ainsi a-t-il été capable d’éconduire sans prendre de gants un ex-haut responsable de l’appareil sécuritaire, qui avait demandé à le voir pour plaider la relaxe de sa fille, fonctionnaire au ministère des Finances, en détention provisoire dans une procédure au long cours. « Qu’est-ce qu’un père ne ferait pas pour sa fille », lui a répondu le garde des Sceaux », rapporte Jeune Afrique.
« Au Cameroun, les magistrats n’ont pas le droit de se syndiquer. La moindre velléité d’indépendance est réprimée. Les avocats ne sont pas mieux considérés. La crise anglophone a commencé par une grève des avocats. Ceux-ci avaient essayé de le rencontrer. Il n’a pas voulu. Et lorsqu’ils sont descendus dans la rue, la manifestation a été chargée par les gendarmes. On connaît la suite.La presse n’a pas davantage ses faveurs. Quelques mois après le lancement de Kalara, un hebdomadaire spécialisé dans la couverture de l’actualité judiciaire, le ministre de la Justice a convoqué l’initiateur du projet, le journaliste Christophe Bobiokono, pour lui demander d’y renoncer. Refus du journaliste, qui est parvenu à développer l’hebdomadaire malgré l’hostilité ambiante. Le 20 décembre 2019, Christophe Bobiokono et deux journalistes de Kalara ont été condamnés à deux ans de prison avec sursis, assortis de lourdes peines pécuniaires (10 millions de francs CFA de dommages et intérêts et 2,5 millions d’amende). S’opposer au tout puissant ministre de la Justice n’est pas sans risque. Mais lui aussi en a pris en liant son destin à celui d’Amougou Belinga. Esso a trébuché. Va-t-il tomber ? », conclut Jeune Afrique .