Depuis la pose des bornes le long des frontières entre le Cameroun et le Nigeria à la suite de l’arrêt de la Cour internationale de justice de la Haye en octobre 2002, les populations de Mogodé et de Tourou dans le Mayo-Tsanaga observent avec étonnement les déplacements desdites bornes. Elles estiment que le tracé a été modifié. Certains champs, édifices publics, maisons d’habitations, sites touristiques qui étaient censés se trouver en territoire camerounais se trouvent désormais en territoire Nigérian, soutiennent-ils. En plus des modifications du tracé, certains villages jadis coté Nigérian et rétrocédés au Cameroun, continuent de refuser cet état de fait. Il en est ainsi des habitants des villages Sinagali et Wade, officiellement relocalisés dans le canton de Tourou, dans l’arrondissement de Mokolo, mais qui se considèrent toujours comme nigérians. « On se sent à l’aise au Nigeria. Il y a trop de taxes et autres tracasseries des autorités administratives et militaires au Cameroun », explique Marius Youhana, riverain de Sinagali qui, comme d’autres ignorent l’autorité du Cameroun sur ces villages. C'est sans doute pour lever ces équivoques qu'une mission de contrôle et de suivi de l'implémentation des résolutions de la Cour internationale de justice de la Haye est arrivée dans le département du Mayo-Tsanaga le 4 juillet dernier.
La délégation, conduite côté camerounais par le Pr Jean Louis Atangana Amougou et Bachiru Abubakar Ismaila, côté Nigérian, comprenait également un représentant de l'ONU, en la personne d’Abdouraman. Il y avait également comme membres de la délégation, Wonkna Djona, le colonel Ibrahima Mbaye, Sidiki Koné et Aristide Takougang Nague. La mission avait entre autres objectifs d'œuvrer au retour du calme et de la sérénité en sensibilisant les populations à accepter le travail effectué par la commission tripartite CamerounNigéria-ONU. Elle a eu des séances de travail et de sensibilisation avec les chefs traditionnels des villages concernés par ledit tracé, notamment Karantchi, Yelle, Rhumsiki, Amsa, Mogodé centre et Gouria. Avant de quitter le MayoTsanaga le 5 juillet 2023, la délégation a eu une séance de travail avec les autorités du département, alertées sans cesse par les populations des violations du tracé de la frontière. Ce n’est pas la première fois que des tensions apparaissent entre les populations riveraines des deux pays à cet endroit de la frontière, depuis le verdict rendu le 10 octobre 2002 par la Cour internationale de justice de la Haye, rétrocédant au Cameroun la péninsule de Bakassi et redéfinissant le tracé frontalier du lac Tchad à la mer, comme l’avait souhaité le Cameroun dans sa requête additionnelle du 06 juin 1994. Plusieurs descentes ont déjà été effectuées de part et d’autre de la frontière. Il reste toutefois que les populations frontalières dans le Mayo-Tsanaga souhaitent que le différend se règle au plus vite. En attendant, elles ne peuvent que constater que le Nigeria marque de plus en plus sa présence à travers la construction des édifices publics et autres structures étatiques alors que le Cameroun peine encore à viabiliser ses zones rétrocédées.