Actualités of Thursday, 27 July 2023

Source: www.camerounweb.com

REVELATION : voici comment Paul Biya utilise le football pour endormir les Camerounais

Paul Biya est le premier supporter des Lions Paul Biya est le premier supporter des Lions

Le livre intitulé « Au Cameroun de Paul Biya » de Fanny Pigeaud démontre comment le président Paul Biya a utilisé le football à son avantage pour renforcer son pouvoir et détourner l'attention des difficultés du quotidien des Camerounais. En l'absence de politique culturelle, le football est devenu presque la seule source de distraction pour de nombreux Camerounais, le rendant extrêmement populaire.

Le président Biya a compris que le football pouvait servir ses intérêts de plusieurs façons. Tout d'abord, les matchs de l'équipe nationale, les « Lions indomptables », ainsi que les performances de la star camerounaise Samuel Eto'o Fils avec son club européen, attirent l'attention du peuple et créent une euphorie collective, détournant ainsi l'attention des problèmes politiques et économiques du pays.

L'utilisation du football n'est pas nouvelle dans la politique camerounaise, car même le prédécesseur de Biya, Ahmadou Ahidjo, avait déjà utilisé le sport pour renforcer son pouvoir. En 1972, Ahidjo a organisé la 8e édition de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) au Cameroun pour promouvoir l'unité nationale et renforcer sa mainmise sur la vie publique et politique.

Biya lui-même s'ingère régulièrement dans les affaires du football, notamment en intervenant dans le choix des entraîneurs et des équipes nationales. Il sait que les résultats du football peuvent influencer l'humeur du peuple et conduire à des troubles sociaux s'ils sont décevants. Par conséquent, il essaie de contrôler certains aspects du football pour éviter des situations politiquement préjudiciables.

Cependant, malgré son utilisation opportuniste du football, le président Biya n'a pas investi dans le développement du sport ou des infrastructures sportives au Cameroun. Le championnat national a perdu de sa valeur, et la gestion du football dans le pays est marquée par l'amateurisme et la corruption.

Dans l'ensemble, l'utilisation du football par Paul Biya est symbolique de la mentalité du régime au pouvoir, qui vise à empêcher les Camerounais de réfléchir, de se forger une culture politique ou de s'informer. Le président cherche à maintenir sa domination en empêchant toute remise en question de son autorité, en utilisant le football comme un moyen de diversion et de contrôle de l'opinion publique.



Et le football triompha...



La réduction du champ intellectuel a essentiellement profité au football: devenu, en l’absence de toute politique culturelle, presque l’unique source de distraction pour beaucoup de Camerounais, il est aujourd’hui extrêmement populaire. Chaque match de l’équipe nationale, les « Lions indomptables », est un événement au Cameroun, tout comme ceux joués par la vedette camerounaise Samuel Eto’o Fils13 avec son club européen. À ces occasions, la plupart des Camerounais se rassemblent derrière leur téléviseur, accueillant chaque but de leurs héros avec des cris de joie. Les défaites et les victoires des Lions indomptables, les réussites ou les échecs de leurs entraîneurs successifs, les carrières des joueurs évoluant à l’extérieur, les relations entre la Fédération camerounaise de foot (Fécafoot) et le ministère des Sports, tout dévoué au ballon rond, mais aussi les évolutions des championnats européens sont devenus le centre des conversations de beaucoup de Camerounais de toutes les catégories sociales. Au double bénéfice de Biya : le président a compris que le foot permettait à la fois de détourner l’attention des Camerounais des difficultés du quotidien et de renforcer son pouvoir. Les nombreux matchs joués par Samuel Eto’o et les évènements émaillant la carrière de la star comblent ainsi le vide de l’actualité culturelle, politique et économique du pays.



Avant Biya, Ahidjo avait lui¬même vu le profit qu’il pouvait tirer du foot: il l’avait mis au service de son projet « d’unité nationale », qui, même s’il était en partie sincère, servait de prétexte à sa mainmise sur toute la vie publique et politique. Il mettait ainsi tout particulièrement le foot en avant: en 1972, il avait fait en sorte que le Cameroun reçoive la 8 e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Il avait pour l’occasion fait construire deux stades à Yaoundé et à Douala. Après chaque trophée continental remporté par un club camerounais, Ahidjo recevait avec beaucoup de publicité les joueurs au palais présidentiel et mettait un point d’honneur à décréter fériée et chômée la journée suivante. Le football national avait alors de très bons résultats, plusieurs clubs s’illustrant dans des compétitions continentales: la Coupe d’Afrique des clubs champions a été remportée par le Canon de Yaoundé en 1978 et 1980 et par l’Union de Douala en 1979. Ces deux clubs ont aussi gagné la Coupe des coupes: en 1979 pour le Canon de Yaoundé, et en 1981 pour l’Union de Douala, tandis que le Tonnerre de Yaoundé l’a remportée en 1975. C’est à partir de 1982 que l’équipe nationale a commencé à s’illustrer: baptisée en 1972 par un décret présidentiel « Lions indomptables », elle a réussiàse qualifier au Mondial joué en Espagne. Bien qu’elle ne soit pas parvenue à gagner un seul match, Ahidjo a reçu les « Lions » au palais présidentiel, à leur retour d’Espagne, pour les féliciter publiquement et glorifier à cette occasion la « nation camerounaise ». « Dans une compétition, entre les meilleurs footballeurs du monde, une compétition à laquelle vous participiez pour la première fois, vous avez inscrit dans l’histoire et la mémoire des hommes, la marque de l’Afrique renaissante et montante, la marque du Cameroun, le Cameroun dont le football est une autre de ses plus belles cartes d’identité. (...) Vous n’avez pas vaincu mais vous n’avez pas été vaincus, car vous aviez au fond du cœur cette conscience fortifiante et cette assurance réconfortante que vous êtes des Lions indomptables, des Camerounais engagés, des Africains intrépides », a déclaré le président.

En 1984, Biya était depuis deux ans à la tête de l’État, quand l’équipe nationale a remporté la CAN avant de réitérer l’exploit en 1988. L’année 1990 a été celle de la consécration, avec la Coupe du monde jouée en Italie : non seulement les Lions indomptables ont remporté le match d’ouverture contre la tenante du titre, l’Argentine de Diego Maradona, mais ils sont devenus la première équipe africaine à atteindre les quarts de finale d’une Coupe du monde. Coup de chance, Biya était dans les tribunes lors de la victoire face à l’Argentine, ce qui pouvait donner l’illusion qu’il y était associé. L’histoire a par la suite dit que c’est à la demande du président que Roger Milla, grand artisan de l’exploit des Lions14, avait intégré la sélection nationale pour cette Coupe du monde, alors qu’il avait cessé d’évoluer dans le circuit professionnel depuis quelques mois. Biya, en pleine tempête politique, a pu en tout cas respirer grâce au Mondial, la mobilisation de l’opposition étant retombée comme un soufflé grâce à lui. Hypnotisés par le foot, les Camerounais étaient restés euphoriques pendant quelques semaines après la fin de la compétition. Fort de cette expérience, le chef de l’État a par la suite tenté à plusieurs reprises de surfer sur la popularité du football.

Lors de la campagne pour l’élection présidentielle très disputée de 1992, il s’est fait appeler, en allusion au nom de l’équipe nationale, « L’homme lion », espérant ainsi séduire les Camerounais. En 2002, Biya, se souvenant très probablement de la liesse de 1990 et de la manière dont le foot avait fait diversion, a programmé les élections municipales et législatives en pleine Coupe du monde de football à laquelle participaient les Lions indomptables. En 2008, le chef de l’État et son épouse ont fait envoyer avec beaucoup de publicité un avion spécial avec à son bord plusieurs tonnes de nourriture pour les Lions, alors au Ghana pour jouer la CAN. En cas de bons résultats de l’équipe nationale, le gouvernement en profite pour mettre en œuvre des mesures risquées en temps ordinaire : alors que les Camerounais fêtaient la qualification du Cameroun pour la finale de la CAN 2008 au Ghana, il a majoré le soir même le prix de l’essence à la pompe.



Biya intervient régulièrement dans le choix des entraîneurs et des équipes nationales. Lors de la Coupe du monde de 1994, il a fait en sorte que Ndip Akem et Louis Paul Mfede, « ignorés » par le sélectionneur français Henri Michel, soient retenus dans l’équipe des Lions indomptables. En 2004, la presse a rapporté qu’il s’était de nouveau ingéré dans les affaires du football pour imposer la présence de Patrick Mboma dans la sélection choisie par l’entraîneur Winfried Shäfer pour la CAN. Mboma, alors extrêmement populaire au Cameroun, avait dans un premier temps été écarté, à la demande du ministre de la Jeunesse et des Sports (Minjes), mais au grand dam de beaucoup de Camerounais. Les chroniqueurs de l’époque avaient vu dans l’intervention du chef de l’État un lien direct avec l’élection présidentielle qui devait avoir lieu quelques mois après.

« En infligeant un véritable camouflet au Minjes, en fin politicien, Paul Biya donne l’impression d’être à l’écoute du peuple. Un peuple constitué de millions d’électeurs dont il aura besoin pour se faire réélire au scrutin présidentiel d’octobre prochain. Le président de la République ne pouvait plus prendre le risque de se taire ou de rester indifférent face aux frasques et aux conduites désobligeantes du Minjes en ce début d’année 2004. Année électorale par excellence, car une mauvaise prestation des Lions indomptables à la Coupe des nations en Tunisie peut avoir des répercussions politiques non négligeables », soulignait La Nouvelle Expression15 . Biya a en effet beaucoup, voire de plus en plus, à craindre des défaites de l’équipe nationale, celles-ci pouvant conduire à des troubles très graves. Fin 2005, un penalty manqué du défenseur camerounais Pierre Womé, qui a empêché le Cameroun de se qualifier pour le Mondial¬2006, a conduit à des violences urbaines de la part de supporters à Yaoundé. En 2008, s’il n’y avait pas eu tout de suite de réaction à l’augmentation des prix du carburant décidée en pleine CAN, les transporteurs avaient lancé, moins de trois semaines après, un mouvement de protestation. Celui-ci avait été l’un des éléments déclencheurs des troubles socio¬économiques de la fin du mois de février qui ont fait trembler le régime. Entre temps, et ce n’est sans doute pas un hasard, les Lions indomptables avaient perdu leur finale contre l’Égypte. Plus récemment, des émeutes ont éclaté le 4 juin 2011 à l’issue d’un match joué contre le Sénégal au stade Omnisports de la capitale camerounaise. Le capitaine des Lions indomptables, Samuel Eto’o, aàson tour raté, en fin de partie, le tir d’un penalty, compromettant les chances de qualification du Cameroun pour la CAN-2012. Policiers et supporters, qui voulaient en découdre avec les Lions indomptables et Eto’o en particulier, se sont affrontés pendant plusieurs heures aux alentours du stade. L’équipe nationale a dû quitter les lieux dans un bus banalisé pour échapper aux jets de pierre des jeunes en colère. Des groupes de manifestants ont fait aussi la chasse à ceux qui portaient des tee¬shirts à l’effigie d’Eto’o. « Alors qu’il est environ 20 heures, les raisons de la contestation populaire changent: “le pays va mal”, scandent les jeunes. La répression se fait plus forte. Des coups de feu sont tirés en l’air. Le gaz lacrymogène est jeté dans la foule. Des éléments des équipes spéciales d’intervention rapide (Ésir) vont jusqu’à pourchasser des jeunes dans les domiciles »,arapporté le quotidien Le Jour. Les échauffourées se sont poursuivies tard dans la nuit, faisant plusieurs blessés. Des journaux de la presse privée ont évoqué quatre morts, dont un par balles, sans donner cependant plus de détails. Ayant l’élection présidentielle de 2011 dans sa ligne de mire, Biya s’est particulièrement mobilisé pour le football à l’occasion de la CAN de janvier 2010 et du Mondial de juin 2010. Quelques mois avant ces compétitions, l’équipe nationale était en mauvaise posture, accumulant les mauvais résultats. Sa qualification pour le Mondial comme pour la CAN apparaissait très mal engagée.

Fin juillet 2009, Biya a alors fait recruter un nouvel entraîneur, le français Paul Le Guen, pour coacher les Lions indomptables. Afin de montrer aux Camerounais la sollicitude du chef de l’État pour leur sport préféré, l’événement a été largement médiatisé : autorités sportives, anciens ministres des Sports, ex-capitaines des Lions indomptables, journalistes et supporters ont été invités à assister au palais des sports de Yaoundé à la signature du contrat de l’entraîneur. Beaucoup d’argent a aussi été dépensé : l’opération a coûté plus de 100 millions de FCFA (152 000 euros), selon la presse. Cherchant tout à la fois à créer un lien avec ses concitoyens et à profiter de l’aura des Lions, le président a par la suite invoqué ces derniers dans une lettre écrite à ses concitoyens, à l’occasion du 27e anniversaire de son accession au pouvoir, en novembre 2009 : « Je voudrais vous faire une confidence, si vous le voulez bien. Lorsqu’il m’arrive de m’interroger sur nos enjeux nationaux et notre destin commun, comme c’est certainement le cas pour chacun d’entre vous, je pense aux Lions indomptables qui ne sont jamais aussi forts qu’en période de doute et qui savent se relever à chaque fois de chaque faux pas perpétré. C’est ce que j’appelle “l’esprit des Lions”, autrement dit “the fighting Lions spirit”. Nous devrions nous en inspirer en toutes circonstances pour déjouer toutes les manœuvres funestes, éviter les nombreux pièges qui nous sont tendus, en particulier ceux du découragement et de la démobilisation, mais surtout pour relever les multiples défis qui nous sont lancés », a expliqué Biya. Le « fighting spirit » n’a cependant pas aidé les Lions à gagner la CAN en janvier 2010: ils ont été éliminés en quart de finale. Biya n’a pas renoncé pour autant à utiliser de nouveau le foot pour parler aux jeunes lors de la « fête de la jeunesse », le 11 février: il leur a annoncé son projet de « mettre à l’étude la création d’une École supérieure de formation au football qui (...) aura pour mission d’encadrer et de perfectionner les jeunes qui manifesteront des dispositions exceptionnelles pour notre “sport-roi” ». Son discours ne contenait aucune autre proposition concernant l’avenir des jeunes Camerounais. S’il cherche régulièrement à récupérer à son profit le succès du football, l’intérêt du président pour le ballon rond est en réalité très limité. En témoigne la gestion calamiteuse dont ce dernier est depuis très longtemps l’objet. C’est toujours au dernier moment, sans aucun plan à long terme, que les autorités se mobilisent pour lui. Le recrutement des différents coachs des Lions, notamment, se fait sans répondre à une politique sportive. En 2009, Le Guen a ainsi été embauché en catastrophe. La préparation des Lions indomptables pour les compétitions donne aussi lieu à beaucoup d’amateurisme et de confusion, d’où des résultats de plus en plus décevants.

En 1990, le gardien de but titulaire, Joseph-Antoine Bell, a ainsi été mis sur la touche par les dirigeants du football camerounais quelques heures seulement avant le coup d’envoi de la Coupe du monde. En 1994, le processus de sélection de l’équipe pour la Coupe du monde disputée aux États-Unis a été désastreux : « Certains joueurs professionnels intervenaient pour d’autres. Omam Biyick avait déclaré que si son frère Kana Biyick n’était pas dans la liste des retenus, Roger Milla partirait aussi. Et que si Roger Milla était retenu, son frère le serait aussi. Il yamême eu des bagarres par rapport à cela. Il y avait des gens qui jouaient alors qu’ils ne le méritaient pas. André Kana Biyick sortait d’une opération et avait encore des points de suture au pied. On a barré Patrick Mboma, Roger Feutmba, Misse Misse. On a fait revenir Victor Ndip Akem et Louis-Paul Mfede alors qu’ils ne méritaient plus de jouer », se souvenait en 2010 l’un des joueurs, Jean-Pierre Fiala. L’équipe n’est pas allée au-delà du premier tour de la compétition. Le ministère des Sports et la Fécafoot sont de manière générale surtout préoccupés par les revenus générés par le foot et se disputent en permanence pour leur contrôle. De sempiternels problèmes autour des primes défraient la chronique à chaque tournoi: en 2002, pour la Coupe du monde en Corée du Sud, les Lions indomptables ont pris deux jours de retard sur leur programme à cause d’un conflit portant sur le versement de leurs primes. Ils avaient ensuite menacé de ne pas disputer leur premier match, toujours à cause du même problème : ils ne se sont résolus à s’échauffer que cinq minutes avant le début de la partie. La leçon n’a pas été retenue par les dirigeants: le montant de la prime de participation et de matchs a été discuté quelques jours seulement avant le début de la Coupe du monde 2010. En 2006, la préparation de la CAN avait été perturbée de la même manière : le sélectionneur Artur Jorge avait fait savoir qu’il ne se rendrait pas en Égypte s’il ne recevait pas six mois de salaires impayés, tandis que la non-sélection de Pierre Womé avait été l’objet d’une polémique et que des problèmes d’organisation et de... primes avaient considérablement gêné la préparation de l’équipe nationale. La mauvaise gestion du foot camerounais se traduit aussi par de nombreuses affaires de corruption et de détournements de fonds. Déjà à l’occasion de la CAN de 1972 qui s’était déroulée au Cameroun, un scandale financier avait conduit à l’inculpation pour abus de confiance, malversations et escroquerie d’une trentaine de responsables, dont le ministre des Sports de l’époque. En 2010, rien n’avait vraiment changé au ministère des Sports, comme l’expliquait l’ancien champion de tennis franco-camerounais Yannick Noah : « J’ai été préparateur psychologique des Lions en 2005. C’est mon cousin qui était ministre des Sports. Il décidait du staff. Je voulais bien venir sur certains matchs et je lui avais dit: je viens bénévolement, je paye mon avion, mon hôtel. On manque la qualif pour le Mondial 2006 sur un penalty raté. Là-dessus, il yala Coupe d’Afrique des nations. J’étais en concert. Il yaun truc qui sort comme quoi, pendant la CAN, j’avais eu pour 125 000 euros de frais. Je n’y étais pas. En fait, mon cousin avait pris de l’oseille sur mon dos. Il n’est plus ministre... » 17. Les fonds qui passent par la Fécafoot semblent tous faire l’objet de malversations, tandis que les contrats passés avec l’équipementier Puma sont gérés dans la plus grande opacité. Surtout, alors que le football lui a beaucoup donné, Biya n’a fait à son égard aucun geste en retour: au cours des trente dernières années, aucune infrastructure n’a vu le jour. Celles qui existaient avant le « Renouveau » sont toujours là mais en mauvais état. Des deux stades construits en 1972 pour accueillir la 8 e CAN, seul celui de la capitale est encore aux normes internationales.

En outre, le championnat national a peu à peu perdu sa valeur et est aujourd’hui totalement déprécié. Biya a montré l’importance qu’il lui accordait en 2010, au moment de la finale de la Coupe de football du Cameroun, à laquelle il est de tradition que le président de la République assiste. Initialement prévu en juin, l’événement a été plusieurs fois reporté, officiellement à cause de « l’agenda chargé » du président. Finalement, le match, auquel les supporters, déroutés, ne s’intéressaient plus, s’est tenu le 31 octobre après avoir au passage bloqué le démarrage de la nouvelle saison sportive. Mais alors que divers communiqués officiels annonçaient sa présence, le président Biya n’a en réalité pas quitté Genève où il séjournait. La finale s’est déroulée sans lui, « en dépit du décor planté, qui laissait croire jusqu’au matin même de la finale à son arrivée au stade Ahmadou Ahidjo » 18 . Cette utilisation opportuniste du foot est très significative de la mentalité du régime : elle traduit, tout comme l’absence de politique culturelle ou le manque d’intérêt patent pour la qualité de l’enseignement universitaire, la volonté des autorités d’empêcher les Camerounais de réfléchir, de se forger une culture politique ou tout simplement de s’informer. C’est volontairement que Biya, lors de son discours du Nouvel An ouvrant l’année 2010, a fait référence à ceux qui s’étaient battus cinquante ans plus tôt pour obtenir l’indépendance du pays, sans évoquer un seul nom: « Souvenons-nous qu’avant l’indépendance, certains en avaient rêvé, ont combattu pour l’obtenir et y ont sacrifié leur vie. Notre peuple devra leur en être éternellement reconnaissant », a-t-il simplement dit. Les dirigeants came rounais ne veulent pas entretenir la mémoire de Ruben Um Nyobè, de Félix Moumié ou de toute autre personnalité qui a dans le passé poussé les Camerounais à s’interroger sur leur condition et à réclamer égalité et justice : ce serait mettre en péril leur système de domination. C’est cette logique qui a poussé le préfet de Yaoundé à interdire en avril 2011, quelques minutes seulement avant son ouverture, un « Festival international du film des droits de l’homme » à Yaoundé. Deux cars anti-émeute de la police ont même accompagné son message d’interdiction. Celui-ci a invoqué divers prétextes administratifs, parlant notamment « d’atteinte à l’ordre public », mais il est apparu évident que le régime ne voulait pas que des Camerounais puissent débattre de la question des droits de l’homme et faire le lien avec la situation prévalant dans leur pays. De même, les médias publics n’ont que très peu évoqué la crise postélectorale en Côte d’Ivoire de fin 2010¬début 2011, qui passionnait pourtant les Camerounais, et les révolutions populaires qui ont secoué le monde arabe à la même période : le gouvernement craignait visiblement que ces événements ne donnent des idées aux Camerounais. Pour un universitaire membre du RDPC mais critique, il n’y a aucun doute : « L’objectif de la petite élite dirigeante est de préserver ses privilèges » et pour ce faire elle a besoin que les Camerounais réfléchissent le moins possible. C’est dans ce but que sont promus dans tous les domaines « les plus cancres », explique-t-il. À la radio nationale, le phénomène est flagrant: elle met systématiquement en avant des artistes qui n’ont aucune aptitude musicale, aucun talent d’écriture et aucune culture. Même chose dans le système éducatif: à l’école publique de journalisme de Yaoundé, on fait croire aux étudiants qu’ils sont compétents une fois leur diplôme en poche, ce qui est pourtant rarement le cas, d’après leurs aînés. Une fois sortis de l’école, la plupart d’entre eux n’ont pas le souci de chercher à progresser, persuadés qu’ils savent déjà tout. La stratégie suivie par les gouvernants pour abrutir et asservir les Camerounais pourrait bien aller plus loin encore que ce nivellement intellectuel par le bas. L’absence de développement économique n’est pas seulement le résultat de la cupidité et de l’incompétence des gouvernants, assure le même universitaire encarté au RDPC: « Il y a un complot pour bloquer tout ce qu’il yade bon pour la croissance : l’élite dirigeante sait que plus de richesses signifie plus de libertés pour les Camerounais » et fait donc tout pour qu’il n’y en ait pas.