Un Premier ministre aussi discret qu’efficace
Dès sa nomination comme Premier ministre en 2019, Joseph Dion Ngute a dû s’attaquer à deux dossiers prioritaires : la relance de la machine économique suite à la pandémie de Covid-19 et, surtout, la résolution de la crise sécuritaire qui touche notamment les régions anglophones.
Depuis sa prise de fonctions le 4 janvier 2019 comme Premier ministre, Joseph Dion Ngute a dû prendre à bras le corps deux priorités inscrites sur sa feuille de route : la relance de l’économie du pays (lire l’encadré ci-contre) et l’actuelle crise sécuritaire qui sévit dans les régions anglophones. Ce dernier dossier délicat, il le connaît à plus d’un titre puisque la veille de sa nomination, sa propre résidence du village de Bongongo 1, situé dans le département du Ndian, région du Sud-Ouest, a été vandalisée par des individus armés non identifiés. Au registre de la bataille politique, Joseph Dion Ngute a démontré en décembre 2020, près de deux ans après sa nomination, sa capacité à affronter ses premières élections régionales: le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) a réussi à remporter neuf régions sur dix. Á l’issue de ce scrutin, M. Dion Ngute a également entamé le processus de décentralisation prévu dans la loi constitutionnelle de 1996. En outre, son gouvernement a veillé au bon déroulement des élections des nouveaux conseillers régionaux appelés à travailler avec le ministère de la Décentralisation et du Développement local dans l’optique de transférer de manière progressive aux régions le pouvoir et les fonds nécessaires. Certes, sur instruction du président Paul Biya, ce processus de décentralisation a été temporairement suspendu du fait de la pandémie de Covid-19, mais il a désormais repris et suit son cours.
Octroyer une autonomie accrue aux régions anglophones devrait enterrer le sujet tabou du fédéralisme.
Par ailleurs, Joseph Dion Ngute est engagé dans la résolution de la crise sécuritaire qui secoue son pays depuis quelques années, notamment dans les zones anglophones. En effet, le Cameroun a fait l’objet d’attaques du groupe Boko Haram dans l’extrême nord du pays ainsi que d’un mouvement séparatiste dans les régions anglophones, ce qui engendre depuis septembre 2017 un véritable drame humanitaire. À ce jour, le pays compte plus d’un million de déplacés internes auxquels viennent s’ajouter 6000 Centrafricains ayant fui leur pays pour trouver refuge dans la région orientale du Cameroun. Inquiet de cette situation qui menace la stabilité du pays, le président Paul Biya a mandaté son Premier ministre en octobre 2019 afin qu’il organise un grand dialogue national permettant de trouver des voies de sortie de crise. Á cet effet, plusieurs lois ont été adoptées par le Parlement: celle relative à la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, ou encore celles liées au statut des élus locaux, au fonctionnement des assemblées locales et à l’attribution de ressources financières aux régions. A également vu le jour pour les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest un nouveau «statut spécial» qui prend en compte les spécificités des systèmes éducatif et juridique anglophones. Enfin, la mesure porte aussi sur la création d’une Assemblée régionale composée d’une Chambre des représentants et d’une Chambre des chefs traditionnels ainsi que d’un Conseil exécutif régional. Ce nouveau régime, indique le gouvernement, devrait permettre aux régions anglophones de participer aux choix des politiques nationales relatives à l’éducation, au développement et aux problèmes des chefferies dans les territoires qui les concernent. Une autonomie accrue qui devrait aussi conduire, espèrent les autorités, à enterrer le sujet tabou du fédéralisme que rejette catégoriquement le président Paul Biya.