Actualités of Friday, 16 December 2022

Source: www.camerounweb.com

Rebondissement : l’enquête explosive de Romain Molina sur la pédophilie s'écroule après une rétractation inattendue

C'est un écroulement du dossier C'est un écroulement du dossier

Il y a quelques heures, le sulfureux journaliste d’investigation français Romain Molina avait publié après plusieurs mois d’enquête, un article sur la pédophilie dans le monde du football camerounais. Il a notamment mis le grappin sur Kamdem Guy Alain, dit « Capello » qi serait un prédateur sexuel.

Dans la foulée, une des supposée victime a commenté la publication. Sauf que quelques heures après, ce dernier se rétracte. Certains pensent qu’il y a eu des coups de pression sur lui.

« Le premier témoin contre Capello se rétracte. Les méthodes de Biya à l’œuvre
C’est ce jeune homme qui a fait une vidéo publique où il racontait sa propre expérience de victime de pédophilie avec Capello. Aujourd’hui il se rétracte. Voilà pourquoi les criminels opèrent pendant longtemps. Mais nous allons continuer cette bataille », a pesté Boris Bertolt.


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Soupçons de pédophilie : voici l’enquête de Romain Molina sur l’affaire Kamdem Guy dit “Capello”



« Sport, ton univers impitoyable : Enfants, prostituées et fétichisme, l’autre visage de l’académie Capefoot ». Voilà le titre de l’enquête que le journaliste Romain Molina vient de publier via blast-info.fr. Une enquête réalisée sur Kamden Guy Alain dit Capello, le fondateur de Capefoot qui depuis une vingtaine d’années, est suspecté d’abus sur mineurs.
Voici l’intégralité de l’enquête

Véritable institution au Cameroun, Capefoot est une des plus importantes et prestigieuses académies de football d’Afrique de l’Ouest. La voilà ébranlée par un scandale : elle est suspectée d’avoir laissé commettre depuis le tournant des années 2000 des abus sexuels sur mineurs. Son fondateur, Kamdem Guy Alain, dit « Capello », est accusé par plusieurs victimes présumées d’en être le principal instigateur. Alertée en mars 2022, la fédération camerounaise de football (la FECAFOOT) n’a pris aucune disposition.
« Après un match, nous sommes rentrés chez lui. J’étais dans le salon et il m’a dit d’attendre car il allait chercher une prostituée. J’ai trouvé ça bizarre car je n’avais que 12 ans… » Cet ancien pensionnaire de la Capefoot poursuit son récit. Ce qu’il évoque ici, il ne l’avait jusqu’alors raconté qu’à une poignée de personnes – cachant même ces souvenirs douloureux à sa famille. Il a depuis arrêté le football.
« Capello est revenu en me disant qu’il n’avait pas trouvé de prostituée. Il m’a dit :’Viens, je vais te montrer comme on fait pour se masturber !’ Je ne comprenais rien, je ne voulais pas, il insistait. J’ai prétexté avoir besoin d’aller aux toilettes pour sortir de la maison. Il est venu à côté de la porte des toilettes :’Je vais rentrer pour te montrer comment on se masturbe !’ Plusieurs fois, il a répété ça. Ensuite, j’ai pu fuir. J’ai eu de la chance car je n’ai pas été agressé ou violé mais ça m’a bien traumatisé. Je n’étais qu’un gamin… »
Des histoires similaires, Blast en a recueillies une dizaine. « Il a caressé mon sexe pour m’apprendre à me masturber, témoigne l’un de ces témoins. Il me disait de me masturber devant lui ensuite, il me promettait que cela m’aiderait pour ma carrière, qu’il pouvait m’envoyer chez les Blancs (sic) comme il disait (sous-entendu en Europe, pour un contrat professionnel, ndlr). C’était son marché : tu te masturbes devant lui en échange de son aide pour le football. »
En milieu scolaire aussi
Chef-lieu de la région de l’Ouest, Bafoussam abrite une multitude d’équipes et de centres de formation. « Il y a énormément d’académies pour jeunes », confirme Christian, qui a témoigné publiquement de son expérience avec Capello dans un Space (un direct sur le réseau Twitter) organisé par le média camerounais La Tanière 237.
« Je viens d’un milieu défavorisé, comme beaucoup, mais j’ai eu la chance de recevoir une bonne éducation avec des parents très vigilants. Les coachs comme Capello ciblent particulièrement les jeunes défavorisés. Ils savent qu’une paire de godasses ou qu’un maillot représente quelque chose d’inaccessible pour beaucoup. Capello proposait ça en échange d’une masturbation. Il exploitait la misère des jeunes. »
Connu de tout le milieu footballistique de la région de l’Ouest, Kamdem Guy Alain, dit Capello ou Capi, a travaillé pour plusieurs clubs comme entraîneur des équipes de jeunes (au Panthère FC, au Racing club de Bafoussam, au Fovu de Baham ou au Feutcheu FC), tout en lançant son propre centre de formation, la Capefoot. Également ancien professeur d’éducation physique au collège la Confiance de Bafoussam – également aussi Colaco -, Capello était chargé de l’équipe de football scolaire.
« Il m’a promis une place si je disais oui à la masturbation, confirme un ancien élève. Il était intéressé par mon sperme. Il voulait le garder. » Une pratique dénoncée par plusieurs témoignages recueillis par Blast. Demandes qui auraient également été adressées à de potentielles recrues d’un des clubs qu’il entraînait (le Panthère FC).
« Qu’est-ce qu’il en faisait après, je ne sais pas, mais c’était ce qu’il cherchait : nous voir nous masturber devant lui jusqu’à récolter notre sperme. » Pour en faire quoi ? Personne ne sait vraiment même si certains jeunes passés par la Capefoot évoquent l’hypothèse de rites ésotériques avec d’autres personnes.
Un Capello derrière l’autre…
Son ascension dans le foot camerounais, Capello la doit principalement à un homme : ancien capitaine de l’armée de l’air, Joseph Feutcheu, son parrain, a présidé la ligue régionale de l’Ouest et plusieurs équipes, où il a embauché Capello (comme à la Panthère Sportive du Ndé) et côtoyé un autre… Capello, lui aussi entraîneur.
Alain Wabo a lui aussi hérité de ce surnom, choisi en hommage à Fabio Capello, le technicien italien qui a guidé le Milan AC vers plusieurs titres majeurs en Europe au cours des décennies 90 et 2000. Sous la direction de Feutcheu, les Capello camerounais ont collaboré ensemble sur le terrain, mais aussi en dehors selon plusieurs anciennes recrues. « C’est un système, tranche Christian. Le Capello de Bafoussam n’était pas le seul dans cette pratique. Ils se protégeaient les uns et les autres dès qu’il y avait un souci : si des familles voulaient porter plainte, on les dissuadait et leur disait que le coach partait. C’est comme ça qu’il retrouvait ensuite un autre club, sans aucun problème. »
Pourchassé après des agressions sur mineurs, Alain Wabo a dû fuir le Cameroun pour trouver refuge au Gabon où sévissait un… troisième Capello – Patrick Assoumou Eyi. C’est au Gabon également où a éclaté en décembre 2021 un retentissant scandale révélé par The Guardian. Les révélations du quotidien britannique sur ce qui reste l’un des plus grands réseaux pédocriminels de l’histoire du sport ont débouché sur plusieurs incarcérations. Le Camerounais est également passé par la Guinée équatoriale, où il a été sacré champion avec le club de Renacimiento FC.
Il fallait coucher
Parti de rien, Alain Wabo, décédé en octobre 2010 à 38 ans, avait grimpé tous les échelons, obtenant même le poste d’entraîneur de l’équipe des juniors du Cameroun. « C’est dire à quel point la pédophilie est répandue dans notre milieu, souffle un ancien international. Je ne peux pas trop parler publiquement car nous vivons dans l’omerta mais Capello m’avait fait des propositions sexuelles, pour intégrer la sélection. J’avais 16, 17 ans… On en parlait entre nous, c’était normal : si tu voulais jouer avec lui, il fallait coucher. »
Promotion fédérale
Secret de polichinelle au Cameroun, les comportements dénoncés et attribués aux Capello n’ont jamais trouvé de traduction par des peines de justice, ni même entraîné de suspension sportive. Prévenu le 1er mars 2022 à la demande d’une des victimes, Samuel Eto’o, devenu président de la FECAFOOT, avait pourtant semblé vouloir prendre le sujet à bras-le-corps : « Si vous avez les preuves de ce que vous dîtes, vous venez ou vous m’envoyez les jeunes et leurs parents, et nous irons IMMÉDIATEMENT voir le procureur, avait ainsi répondu l’ex-star du FC Barcelone et de la sélection nationale, après cette alerte. Je suis non seulement là, mais personne ne pourra les menacer. »
Une capture des échanges entre Molina et le président de la FÉCAFOOT
Une réaction salutaire et rare, dans un milieu où les dirigeants ont l’habitude de détourner le regard et faire l’autruche. Elle n’a, au final, débouché sur rien de concret. Après avoir reçu des enregistrements de témoins relatant les faits ainsi que le contact d’une victime présumée prête à parler à la FECAFOOT, Eto’o avait promis « qu’une personne de confiance » se chargerait de contacter ce témoin. Neuf mois plus tard, ce dernier n’a reçu aucun appel. Et Kamdem Guy Alain (Capello 1) continue d’exercer à Bafoussam. Pire, son mentor Joseph Feutcheu a été nommé en septembre dernier vice-président de la commission des compétitions nationales et internationales à la FECAFOOT. Une promotion validée par Samuel Eto’o lui-même.
Silence, on viole
« On a envie de dire « silence, on viole ». Une fois encore, la corruption se mêle de payer le silence et la complicité de certaines personnes, la loi de l’omerta est de rigueur », dénonce Carine Mambou, de la fondation CAD AID. Cette ONG dont le siège est à Dublin lutte contre les violences basées sur le genre, le viol des enfants, les abus et harcèlement sexuels en Afrique. CAD AID avait lancé il y a plusieurs années des investigations dans le milieu du foot, notamment au sein de l’écurie dirigée par Kamdem Guy Alain. « Monsieur Kamdem jouit de sa position d’encadreur, qui lui confère une certaine autorité sur des enfants dont il est supposé être le mentor, et il en abuse, assène Carine Mambou. Accusé d’attouchements, de pratiques sexuelles et d’être le trafiquant d’un réseau de sperme, invité à s’expliquer sur ce sujet en 2018, il a décliné notre interpellation. Pourtant les témoignages de ses victimes, dont l’âge varie entre 10 et 40 ans, sont pour le moins horribles et traumatisants ».
Le début de quelque chose
Si Kamdem Guy « Capello » Alain a démenti les accusations dont il fait l’objet, les autorités camerounaises ont néanmoins commencé à observer cette fâcheuse affaire de près, suite à une succession de nouveaux témoignages diffusés ces derniers jours sur les réseaux sociaux. D’après nos informations, le dossier est remonté au plus haut niveau de l’Etat.
« C’est le début de quelque chose, veut croire Christian, optimiste sur une réaction, enfin, des autorités. Il fallait libérer la parole avec cette première affaire. Les autres vont venir toutes seules. C’est notre chance pour sauver le football camerounais et nos jeunes frères. »
Par Romain Molina