Dans un texte argumentatif, le camerounais Patrice EKWE EDIMO SILO expose son point de vue sur la situation politique et sociale au Cameroun. Il aborde des sujets comme la corruption, la justice et l’égalité qui sont des défis auxquels le pays est confronté depuis un moment déjà.
Pour remettre sur les bons rails un Cameroun « déboussolé » et « déstabilisé », Patrice Ekwe et d’autres membres de la diaspora ont donc décidé de prendre les choses en mains.
Lors de mes réflexions sur les sujets les plus variés concernant l’Etat du Cameroun avec mes compatriotes, tous en arrivions au même constat : notre pays, le Cameroun, recèle de formidables atouts mais ses citoyens, tétanisés par une société en plein chaos, en pleine confusion, en plein débandade, voire en plein scandale qu’ils ne comprennent plus, préfèrent trop souvent se réfugier dans le passé ou de vieilles querelles idéologiques, de vieilles querelles abstraites, plutôt que de prendre leur avenir en main. D’où cette tentation du repli sur soi. Et surtout de l’augmentation du taux de l’absentéisme à toutes les élections.
Le Bâtonnier AKERE MUNA, jardinier de l’espoir, ce jardinier de droit soulignait déjà le danger de la corruption dans notre système de Gouvernance au Cameroun. En homme expérimenté, il y démontrait, à travers le combat de sa vie en tant qu’avocat et surtout, en tant que responsable de Transparency International Cameroun, que l’asservissement à un système, quel qu’il soit, n’est jamais une fatalité. Et la liberté un choix toujours possible, pour peu que l’on sache faire preuve de courage, mais aussi de lucidité.
En 2018, Le Bâtonnier AKERE MUNA candidat à l’élection présidentielle, sa candidature répondait à une véritable attente. De plateaux de TV en débats publics, la voix de Maitre AKERE MUNA, au lieu de s’épuiser, portait chaque jour un peu plus loin, un peu plus haut, un peu plus fort. Touchés par son parcours, émus par sa présence, ébranlés par ses arguments, des centaines, des milliers de Camerounaises et Camerounais qui, à priori, ne se seraient jamais tournés vers lui, commençaient à se demander : « Et s’il avait raison ? Et s’il était L’HOMME DE LA SITUATION ? »
Aujourd’hui, le peuple camerounais sent déjà, et plus que jamais, monter de partout une très forte demande de justice, d’égalité et d’exemplarité dans une société justement si peu humaine, si peu égalitaire et si peu exemplaire. Un formidable dynamisme, une grande inventivité aussi, de la part de beaucoup de citoyens et d’associations de ce pays, désireux de rompre avec les vieux schémas usés, fanés.
Au pays de Rudolf Duala Manga Bell, de Martin-Paul Samba, de Wilhelm Madola Dimalè, de UM Nyobé, de Marcel Bebey Eyidi, de Félix Moumié, de Paul Soppo Priso, etc, nous sentions bien qu’il fallait avant tout des voix pour montrer la voie. Des voix audibles et crédibles afin de rappeler que le cynisme et le défaitisme ne sont pas notre histoire et encore moins notre avenir. C’est ainsi que certains compatriotes de la diaspora et moi-même aux itinéraires politiques et académiques si différents, à même de croiser nos expériences, avons décidé d’unir nos forces pour, chacun dans son domaine, poser son diagnostic et proposer des réponses possibles et crédibles aux grandes questions qui se posent à nous, à notre pays, le Cameroun.
Nous nous sommes mis ensemble comme on réunit une bande d’amis, pour ce que nous sommes, ce que nous pouvons nous apporter mutuellement et apporter à notre pays. Pour notre capacité à nous aider à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et à nous exprimer en hommes et femmes d’expérience avec un langage clair, chaleureux, plutôt qu’en spécialiste. Pour notre force de conviction et notre engagement politique aussi.
Nous sommes persuadés qu’avant de vouloir changer notre pays, le Cameroun, il faut déjà apprendre à se changer soi-même, car si l’intolérance aujourd’hui y progresse, nous savons bien que ce pays n’est pas égoïste, mais juste déboussolé, déstabilisé. En quête de valeurs, en quête de sens, en quête d’identité. En grande souffrance aussi.
Le Cameroun des années 1940 et 60, dans lequel nous pensons toujours évoluer lui aussi est mort, mais cela est si difficile à admettre. La tentation est si forte de fermer les yeux sur ce que nous ne voulons pas voir ! Ce que nous prenons pour des vérités intangibles. Ces faits têtus obligent donc à réévaluer, réadapter, redéfinir nos modèles de vie et de pensée.
Encore une fois, les solutions sont là, à portée de main. A nous de les explorer et d’en débattre collectivement. Contrairement à ce que beaucoup s’imaginent, les progrès sont déjà là. L’exemple des Printemps arabes, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, nous a montré la toute-puissance des peuples lorsqu’ils s’unissent, contre l’action illégitime d’un régime, d’un gouvernement en place.
Le champ des possibles est immense. A chacun maintenant d’y planter sa graine d’espérance. Au jour le jour, grâce à nos actes les plus simples, nous changeons les choses.
Toute la difficulté, à présent, est de convaincre le peuple camerounais rétif et blessé qu’un changement radical n’est plus seulement souhaitable, mais indispensable, vital, urgent. Et surtout possible. Notre avenir, d’autres diraient notre survie, ne se jouera pas dans les deux ans, pas en 2025, pas dans les dix ans, pas dans les vingt ans. Non, il se décide aujourd’hui, maintenant, chez nous, dans notre pays, le Cameroun, dans notre ville ou notre village, dans notre maison. Les systèmes de GOUVERNANCE menés depuis le 08 août 1914 jusqu’à présent ont prouvé leur inefficacité. La question n’est plus de remplacer le RDPC par le SDF, le MRC, l’UPC ou le M.P, mais de changer de système de Gouvernance, de vision. De retrouver une vision, comme nos MARTYRS ont toujours voulu le faire à chacun des grands tournants de notre longue histoire. A nous de décider si nous préférons choisir notre destin ou le subir. A chacun d’entre nous de comprendre que préserver sa liberté de penser et d’agir représente, certes, un risque, mais infiniment moins dangereux que si l’on baissait la garde. Nous pouvons imaginer le modeste citoyen Chinois défiant pacifiquement les tanks de la place Tiananmen, se dresse, frêle et déterminé, face au char d’assaut de la pensée unique, de l’idéologie totalitaire.
Nous devons donc unir nos forces pour rappeler que la souffrance ressentie par beaucoup de nos compatriotes face à la mondialisation, face aussi à la déshumanisation de ce pouvoir RDPC, n’est pas une fatalité. Pour affirmer également que le pessimisme ambiant, entretenu par ceux qui ont intérêt à ce que rien ne change, n’est pas seulement improductif, mais destructeur pour notre société tout entière.
Nous avons l’absolue certitude qu’il est possible de retrouver un pays apaisé et rassemblé autour d’un nouveau projet fédératif tourné vers le bien-être, la justice et le respect de l’autre en coopération étroite avec les CHEFFERIES TRADITIONNELLES. Cela suppose d’accepter de regarder les vérités en face, de chercher à comprendre les véritables fonctionnements qui régissent nos sociétés africaines, mais aussi nos vies.
Pour rappel, le Cameroun est constitué dans sa grande diversité de groupements ETHNIQUES.
Ni prophètes, ni cyniques et surtout pas naïfs, UTOPISTES au meilleur sens du terme, les compatriotes camerounais de la diaspora et moi-même ne prétendons pas détenir la vérité absolue. Nous ne croyons pas non plus aux solutions miracles, aux incantations, et encore moins aux réponses toutes faites. Nous sommes simplement là pour éclairer nos choix, un peu comme ces amis désintéressés et libres en qui on a confiance, et auxquels nous allons demander, au moment de prendre une décision difficile : « Et toi, qu’est-ce que tu ferais à ma place ? » Parce que nous vivons sur le même bateau, dans le même pays, et que nous affrontons les mêmes questions, les mêmes contradictions, nous savons bien que la meilleure réponse est d’abord en chacun d’entre nous.