Au DGRE, l'équivalent de la CIA au Cameroun, le Lieutenant-colonel Justin Danwé est le numéro 2. Il exécute des ordres, prend des initiative et a un personnel indépendant qui travaille avec lui, dans un bâtiment complètement indépendant de celui du DG.
Pendant qu'il aurait avoué être le chef du commando qui a enlevé et torturé Martinez Zogo, le DO de la DGRE actuellement en prison, a certainement le temps de se rappeler de toutes les personnes qu'il a enlevées et qu'il a également torturées, peut-être injustement.
L'une de ses victimes il y a quelques années, est Pascal Zamboué, cadre du MRC qui a fini par être condamné à 7 années de prison.
Selon Rosange Jimegni, c'est Justin Danwé qui a enlevé son camarade politique.
"Justin Danwé est le barbouze qui a enlevé et torturé sans mandat le polytechnicien et cadre du MRC PASCAL ZAMBOUÉ. God est vivant", écrit-elle.
Parcours de Justin Danwé, capitaine, il y a 8 ans seulement
Quel âge a l’homme dont le visage ne semble pas entraver ni la grâce ni l’élégance, et que l’on voit en demi-photo sur la quatrième de couverture de « Génie du mal » ? Après un rapide calcul, on répondra 43 ans, puisque c’est le 18 octobre 1980 que naît Justin Danwe.
À Soueye (village situé dans le département du Mayo-Kani, région de l’Extrême-Nord, à proximité de la frontière avec le Tchad) où il passe une bonne partie de son enfance, il se raconte que Justin Danwe ponctuait ses phrases de silences, cherchant le mot le plus juste possible pour formuler sa pensée.
L’on ajoute même qu’il était particulièrement sobre et ciselé, ayant l’art de dérouler les mots français d’une voix légère et chantante d’accent Toupouri.
Par leur densité narrative, et par l’immédiateté du souvenir qu’ils convoquent, plusieurs témoignages font de lui un jeune vierge de toute controverse.
Pour précis qu’ils soient, ces témoignages évoquent aussi un parcours au lycée classique et moderne de Ngaoundéré (jusqu’en 1998) et à l’Université de la même ville jusqu’en 2002. Un cursus qui lui fait connaître la vie avant de lui ouvrir les portes de l’armée, sans toutefois lui faire perdre sa chaleur communicative.
L’un des amis du jeune officier (qui a vigoureusement sollicité l’anonymat) récite d’ailleurs plusieurs messages reçus de Justin Danwe.
Le premier : « Au moment où le Cameroun s’apprête à célébrer la traditionnelle fête de la jeunesse, j’encourage les jeunes à ne pas céder au découragements, car là où les aînés ont échoué, les cadets peuvent toujours réussir! Ensemble, rêvons d’un Cameroun de demain meilleur et prospère! », avait écrit Justin Danwe, il y a quelques années.
Et puis, il y a cette prose écrite un 14 février : « Joyeuse Saint-Valentin à toutes et à tous! Mais moi, je n’attends pas le 14 février pour aimer mais alors très tendrement ma chère et tendre épouse; car à mon sens l’amour est permanent. C’est du moins mon point de vue ».
Il y a enfin un message célébrant une figure emblématique de l’histoire africaine : « Très chers amis(e), bonjour! En ce vendredi noir où le monde entier pleure cet apôtre de la paix et de la réconciliation qu’est Nelson Mandela de regrettée mémoire désormais, je vous exhorte dès à présent à prier pendant une minute pour le repos éternel de son âme peine de bonté. Puisse son exemple inspirer l’humanité tout entière pour les siècles des siècles ! »
Paré
« C’est à mon beau-père le colonel Michel Zaoro (mort le 6 janvier 2018 à Yaoundé, ) que je dois mon choix du métier des armes », fait-il valoir très souvent.
Il y a 8 ans, Justin était capitaine. Bon profil pour parler de son dévouement pour l’armée. Dans le noyau central des mots qu’il se plaît souvent à citer, il y a le terme « discipline ».
Quelqu’un l’a même entendu défier la guerre et privilégier la défense du pays. Ici, l’on peut trouver des clés de compréhension de son enrôlement, il y a quelques années, à la Direction générale à la recherche extérieure (DGRE).
Nimbée de mystère, parfois de fantasmagorie, la structure a pour devise le secret. Le construire, le préserver, le rompre ou s’arranger pour le faire divulguer par d’autres, Justin Danwe est bien paré. Pour y accéder justement, l’écrivain-militaire a dû subir une batterie de tests psychologiques et un grand oral où ses capacités de réaction ont été éprouvées par des cas de figure inattendus et des questions déstabilisantes.
« Très intuitif, faisant preuve de bon sens et de séduction, d’une vive intelligence des situations et de souplesse intellectuelle, il est vite sorti du lot », raconte un ancien de cette boîte et camarade d’armes du natif de la région de l’Extrême-Nord.
La suite insiste sur des détails : l’on apprend alors que l’auteur de « Génie du mal » peut se changer dans les toilettes d’un aéroport, prompt à réagir avec naturel à un contrôle quand il voyage sous une fausse identité ou encore jouer à l’attardé mental.
Probablement, cela lui a valu d’être « bombardé » chef des opérations. Le poste renvoie à plusieurs choses, notamment à des comportements et à des compétences professionnelles attendus d’un agent secret, aux caractéristiques et aux aspects spécifiques des missions confiées par le haut-commandement, à des capacités opérationnelles en temps réel.
Et puis, il y a le plus lourd : coordonner toutes les activités opérationnelles présentes ou à venir, ainsi que les processus de préparation et de décision. Sous ses ordres, un vaisseau mystérieux de crypto-mathématiciens, d’ingénieurs en sécurité informatique, d’interprètes en données de communication, de biologistes, de chimistes, de linguistes chevronnés, de géographes, de pilotes, de serruriers et même des couturières.
L’un ou l’autre ?
De son mode opératoire, on ignore tout. Au mépris des années passées loin de la lumière, Justin Danwe a lui-même construit sa légende.
Il n’a jamais été arrêté, jamais identifié, malgré le nombre considérable d’opérations délicates.
Sur ce chapitre, l’enfant de Soueye est accusé d’avoir mené une opération de trop, laquelle aurait abouti à l’assassinat de Martinez Zogo. En tout cas, dans cette affaire, il lui est reproché de s’être conformé à l’esprit des lois dans les services spéciaux, tout en utilisant des moyens que la loi réprouve.
Encore présumé innocent, le chef des opérations de la DGRE a été interpelé dans le cadre d’une enquête ouverte sur ordre de S.E Paul Biya, chef suprême des armées.
Est-il entendu comme personnage principal ou comme simple protagoniste lors de l’exécution du chef de chaîne d’Amplitude FM, rien ne filtre. Reste qu’il est suivi avec le plus d’attention dans ses déclarations et sa transformation psychologique.
En effet, selon Maître Charles Tchoungang, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun, le lieutenant-colonel est passé maître dans l’art de tisser des histoires joliment bancales (sur quelques ministres de la République), faites de petits ajustements pour que sa version des faits tienne debout, pour qu’elle tienne la route.
Tissu de mensonges et d’inepties, rétorque Maitre Jacques Mbouny. Pour le conseil de Justin Danwe, l’on se sert du nom de son client pour distraire l’opinion publique.
Ces détails, tout le monde les a notés et les a dûment analysés. Et un avocat de dire: «Justin Danwe, c’est juste un ange qui a eu le malheur de se retrouver parmi des démons se déchirant dans un enfer ».
Si le degré de dérision contenu dans cet énoncé est difficile à apprécier, il laisse soupçonner que l’officier-gendarme est sous la férule d’un dieu mauvais. Ce dieu-là, pourrait-on croire, impose à Justin Danwe de se comporter comme un gamin à la fois flippant et possédé. En personnage suffisamment rompu aux techniques d’investigation, il s’est néanmoins prêté de bon cœur au feu roulant des questions posées par les chargés de l’enquête sur l’affaire Martinez Zogo, Justin est devenu le saint que l’on prie pour avoir la vérité sur l’assassinat du chef de chaîne d’Amplitude FM.
Dans cette affaire, Justin Danwe est désormais perçu comme vecteur de suspense et de mystère.