Fridolin Nke est interdit d'enseigner. Le recteur de l'Université de Yaoundé 1, Maurice Aurélien Sosso, retire les cours à l'enseignant de Philosophie. Certes, la note de suspension des enseignements de ce dernier n'a pas été, officiellement, publiée, mais F. Nke affirme avoir été informé par un collègue du département de Philosophie qui lui a fait le compte-rendu d'une réunion tenue, le vendredi, 15 juillet 2022, dans la mère des universités par Émile Kemogne, chef de département.
Dans un élément sonore que F. Nke a fait circuler, hier(19 juillet 2022) sur les réseaux sociaux, l'enseignant de Philosophie affirme avoir eu l'information. Il informe ses collègues, camarades syndicalistes et d'autres universitaires qu'il y a eu une réunion le 15 juillet 2022 au département de Philosophie. Réunion à laquelle il n'a pas été convoqué. "Comme d'habitude, relate F. Nke, le Professeur Émile Kemogne(Chef de département de Philosophie, Ndlr) a, juste, surpris tout le monde, en disant que je suis interdit d'enseigner pour deux raisons : 1. On ne peut pas se permettre d'insulter tout le monde (le recteur de l'Université de Yaoundé 1, le ministre d'État ministre de l'Enseignement supérieur (Minesup) et le Président de la République) et prétendre venir enseigner à l'université. Et tant qu'ils sont là, ils ont pris sur eux de régler cela et de défendre ce qu'ils appellent "l'éthique républicaine".
Selon les indiscrétions de l'universitaire, E. Kemogne affirme avoir reçu des hautes instructions de la hiérarchie. La deuxième raison de la sanction infligée à F. Nke brandie par le chef de département de Philosophie est relative au fait qu'il est un activiste politique qui vient transposer sa pensée à l'université, qui explique E. Kemogne, est apolitique. "On ne peut pas me laisser, martèle-t-il, continuer de côtoyer les étudiants et que je suis un danger. Ils ont décidé qu'ils ne vont pas me remettre le document de suspension, mais qu'ils vont, quand même, me laisser mon salaire. C'est pourquoi aucun document ne porte mon nom. Donc je suis, de fait, chassé de l'université ".
L'enseignant de Philosophie rassure ses collègues et d'autres universitaires à qui il s'adresse qu'il est serein et croit que le pouvoir de Yaoundé devient fou. L'écrivain interpelle, dans la même veine, d'autres enseignants de l'université et attire leur attention sur ce qui se passe en ce moment à l'Université de Yaoundé 1 qui, pense-t-il, est très grave. L'auteur de l'ouvrage "Paul Biya, chroniques de la fin" fustige, par la même occasion, la méthode de fonctionnement du département de Philosophie. Il s'inquiète du fait que ceux qui sont les habitants des cimes de la pensée soient aussi émasculés. "Vous voyez bien, élucide-t-il, la situation dans nos universités et le rôle trouble que joue le ministre d'État ministre de l'Enseignement supérieur (Minesup), qui instrumentalise certaines personnes, dont Émile Kemogne et certains membres du Synes(Syndicat national des enseignants du supérieur) pour casser la dynamique et l'éthique républicaines". Aussi l'universitaire bat-il en brèche l'attitude et le comportement de Maurice Aurélien Sosso. Pour le jeune enseignant de Philosophie, l'actuel recteur de l'Université de Yaoundé 1 participe à l'ensauvagement de la pensée au Cameroun et se permet, de surcroît, de prendre la place du Chef de l'État qui, seul, est habilité à le suspendre et à lui interdire d'enseigner. "C'est donc le Président de la République qui est appelé à prendre une pareille décision. Je vous invite à constater le niveau de dépravation intellectuel, psychologique, moral et mental de notre pays", conclut F. Nke, visiblement courroucé par cet état de choses.
En rappel, F. Nke est enseignant assistant au département de Philosophie à l'Université de Yaoundé 1. Après des études au Cameroun, où il avait obtenu une Maîtrise et un D.E.A.(Diplôme d'études approfondies) de Philosophie, il était parti du Cameroun pour l'hexagone, où il avait soutenu, avec brio, sa Thèse de Doctorat Ph D en Philosophie. C'était à l'Université de Liège. De retour au pays en 2009, Nke avait offert ses services au département de Philosophie de l'Université de Yaoundé 1en tant que moniteur. Aussi avait-il effectué les recherches doctorales à l'Université de Bruxelles en Belgique, où il avait étudié la Philosophie, la Littérature et la Communication. Depuis l'année 2014-2015, Nke est assistant et conseiller à l'Institut supérieur de Gestion publique. Il est, en même temps, le promoteur de la plateforme en ligne Pan-African Digital Arts et Humanities qu'il coordonne depuis des années. Cet enseignant de Philosophie est aussi écrivain et est auteur de trois ouvrages:
1. "Les affres de la philanthropie : essai sur l'imaginaire, la dignité et la bêtise dans le monde globalisé "
2. "La révolution de la pensée africaine". Cet ouvrage est un essai sur la Philosophie politique publié, en 2021, par l'auteur. L'on se souvient que le recteur de l'Université de Yaoundé 1 avait interdit la présentation de ce livre à la communauté universitaire le 29 septembre 2021. La demande de mise à disposition de l'amphi 700 pour la cérémonie de dédicace de cet ouvrage avait été rejetée par M.A. Sosso. Et pour cause: le patron de la mère des universités d'État avait usé d'un prétexte lié au respect des mesures barrières contre le covid-19.
Le 3ème ouvrage de Nke récemment publié s'intitule : "Paul Biya, chroniques de la fin". Ouvrage qu'il avait dédicacé, en avril 2021, au Président de la République. A la première page de son dernier ouvrage, l'expert en discernement écrit :"A vous Excellence, Monsieur le Président de la République ! Je vous dédie ce livre, qui présente, sans complaisance, le cours de notre histoire et une prospective, qui systématise les constances pour l'avenir".
Ces derniers mois, F. Nke avait eu des soucis avec le chef de Division de la sécurité militaire, Émile Joël Bamkoui, qui lui avait asséné une claque dans ses services. En effet, l'enseignant de Philosophie avait été kidnappé par des éléments de la sécurité militaire, qui l'avaient conduit dans leurs services, où il avait été molesté. Après sa libération, Nke avait déclaré qu'il était, "mortellement, malade". L'universitaire avait, d'ailleurs, soupçonné les agents de la Semil de l'avoir empoisonné. Tel que tout est orchestré, cet enseignant de Philosophie risque de ne plus dispenser des enseignements lors de la prochaine année académique 2022-2023.