En cette veille de la célébration des 40 ans de pouvoir de Paul Biya, ses principaux collaborateurs ne s'entendent que pour lui tresser des louanges tout en se déchirant en public, avec l'aide des réseaux sociaux et des médias incontrôlés.
Il y a des pro et des anti-Ferdinand Ngoh Ngoh. En l'absence d'un président de la République que les Camerounais n'entendent plus et ne voient plus depuis de trop nombreux mois si ce n'est via la signature de décrets et de messages protocolaires sans grand intérêt aux yeux du peuple (habilitant des ministres à signer des conventions de prêt ou félicitant ses homoloques à travers le monde à l'occasion de fêtes nationales), son principal collaborateur, secrétaire général de la présidence de la République (SGPR) prend toute la lumière mais aussi toutes les salissures du régime.
Ainsi de cette affaire d'audition au tribunal criminel spécial (TCS) ou de cette autre de mandat d'amener qui concerne le sieur Ngoh Ngoh, mais pour lesquelles aucune information officielle ne vient éclairer l'opinion. Les journaux à gage parrainés par l'un ou l'autre des clans qui se battent à mort dans les arcanes du pouvoir s'en donnent à cœur joie. Les réseaux sociaux s'enflamment, le la étant souvent donné par certains «influenceurs» (un métier nouveau qui ne prospère que dans des pays mal gouvernés) et notamment un certain Boris Bertolt (ou Bauer), un ancien journaliste du quotidien Le Jour refugié en Allemagne d'où il distille ses «scoops» - qui se révèlent souvent des balivernes - sur la vie politique au Cameroun. Le succès d'audimat de ce pseudo-joumaliste d'investigation a de quoi hérisser le poil aux puristes. Par quelle alchimie peut-on se cacher à Berlin et informer les Camerounais sur ce qui se passe à Yaoundé et à Douala ? Et malgré le fait qu'il a déjà tué au moins trois fois le ministre Issa Tchiroma Bakary, il y'en a qui sont toujours friands à partager dans ses histoires sans tête ni queue dans les groupes WhatsApp. C'est à se demander où va le Cameroun ?
Qui dit quoi, qui fait quoi ?
Si Boris Bertolt et apparentés ont le vent en poupe, c'est aussi que la parole officielle a disparu au Cameroun. Ce n'est pas au porte-parole officiel du gouvernement, René Emmanuel Sadi, le ministre de la Communication depuis le 4 janvier 2019, au tempérament réservé qu'on attendra une offensive sur le terrain de l'information publique. Ses collègues des ministères techniques font-ils mieux en termes d'obligation de rendre compte et d'informer les Camerounais sur ce qui se passe dans leurs départements ministériels respectifs ? Que non ! L'agitation perpétuelle du ministre de l'Administration territoriale Paul Atanga Nji, passé maître dans l'art de remettre les dons du chef de l'Etat à travers la République, loin de compenser un déficit criard d'information publique crédible en rajoute plutôt au brouillage général dans lequel le Cameroun officiel est embourbé.
Dans le cas de l'opération «Epervier» qui ronronne pour ne pas dire qu'elle est totalement paralysée ; il y a lieu de se demander où est passé Laurent Esso le garde des sceaux, celui que l'artiste Petit-Pays présente dans ses chansons comme «le cœur du pays» ? Motus et bouche cousue, alors que un échange de courriers avec le SGPR il y a quelques mois concernant notamment la procédure de remboursement de l'objet du délit détoumement de deniers publics de certains «éperviables» célèbres, on avait cru que les affaires de la justice pouvaient au moins avoir de la traçabilité...
En clair, le bateau du Renouveau, à l'approche de son 40ème anniversaire (Paul Biya est arrivé au pouvoir le 6 novembre 1982), vogue à vau-l'eau. La crainte c'est de le voir plonger doucement dans l'abîme comme le Titanic. Une crainte d'autant plus fondée que, à côté de cette descente aux enfers du pouvoir exécutif, les contre-pouvoirs supposés sont encore plus à plaindre. Entre un président du Sénat Marcel Niat sorti des radars, evacué sanitaire permanent, et un président de l'Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril qui tire sur tout ce qui bouge dans son Mayo-Sava natal si l'on s'en tient à une abondante littérature administrative indécente qui lui est attribuée par les réseaux sociaux, le pouvoir législatif n'est même pas dans al rue : il est dans le vide d'une usure pathétique !