La rumeur est-elle d’en bas et la vérité d’en haut ? L’opinion ne sait plus à qui confier ses oreilles, remplies qu’elles sont d’annonces contradictoires jamais démenties pour démêler le vrai du faux.
Le silence, ou mieux l’omerta tient les autorités camerounaises en respect. C’est le moins qu’on puisse dire du mélodrame qui se joue dans les sphères élevées de l’Etat ! Cette aphonie générale de l’appareil gouvernant, qu’importe la dimension de la frénésie populaire qui cherche à démêler la rumeur de la vérité, le fake du vrai, semble traduire au propre comme au figuré, la règle essentielle dans une confrontation de Titans. Les camps et les équipes en présence, laborieusement mais certainement construits au sein de l’opinion par la tenace rumeur, s’envoient dans les cordes à tour de rôle, au grand dam de la paix sociale qui vacille à chaque uppercut. Si au début la guéguerre pouvait faire rire, cela n’amuse plus grand monde aujourd’hui à cause de l’ampleur des dégâts sur l’intégrité ou la moralité des dirigeants au sommet. Tenez ! Cette semaine, comme cela s’est amplifiée depuis le glissement de la Can2019 en passant par le Covidgate, une rumeur inédite a fait état de la décision du Tribunal criminel spécial d’amener (entendez au besoin par la force) le principal collaborateur du chef de l’Etat, le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh ! Au cœur de cette détonation, aussi bien à la présidence de la République qu’à la primature ou à la Justice, les voix de démêlage des écheveaux se sont tues. Sinistrement ! L’homme est abandonné à son triste sort, telle une carcasse en proie à la charogne. Et plus le silence s’épaissit, mieux la rumeur se revigore. Elle devient plus vorace et pernicieuse que l’Epervier qui traque les pourfendeurs de la fortune publique, car tout ce qu’elle véhicule peut à défaut d’être une vérité se muer en un verdict ! Dans un contexte où la solidarité gouvernementale s’évanouit comme peau de chagrin, la rumeur ravit la vedette sur les institutions du pays, car son message est perçu comme un ballon d’essai avant l’assaut final. Paul Biya himself, avait bien cru tordre le cou à ce serpent de mer qui pourtant a su s’adapter au fil des décades. « La rumeur vient d’en bas, et la vérité d’en haut », lançait-il dans une boutade au perron du Palais de l’unité. Cette fois-ci, le monstre a pris du galon, au point où on dirait, dans le silence peut-être embarrassé des gouvernants, que la rumeur elle aussi vient d’en haut. Et c’est là tout le mal. Une grosse question demeure : quand bien même l’ogre aura eu raison de cette personnalité, à tort ou à raison, ce sera à qui le tour ? Assoiffé de sang et avide de déchoir les géants, vers qui se tournera-t-il dans cette symphonie ubuesque de silence devant l’opacité ? Sans nul doute que le gouvernement va reprendre la main dans ce jeu de poker dont son échec est patent avant même la distribution des cartes. A force de silence, les autorités risquent d’aller à la queue leu leu vers la maison de la déchéance, avec l’ovation populaire, dont le lien d’affection a été consumé par le silence, le macabre silence qui alimente la rumeur. Les réseaux sociaux, à l’image du méchant et trompeur Satan couvert de soufre, colportent des nouvelles les plus sensationnelles et des plus incroyables du fait des hauts dignitaires de la République. En les parcourant, on vit le cauchemar d’un condamné dans une cabine remplie de soufre et de poudre. Cette perception, pour aussi apocalyptique qu’elle soit, n’est pourtant en rien déconnectée de l’ambiance électrique que la rumeur distille au sein de l’opinion.