Point besoin de se prévaloir d’attributs divins pour constater que l’homme qui se voulait porteur d’un élan de dynamisation pour le Cameroun a lamentablement échoué.
Quoique les griots intéressés par la prébende et les récompenses pour service rendu en disent, l’histoire retiendra de Paul Biya qu’il aura été un président laxiste, manquant de vision, incapable de faire prospérer l’énorme potentiel dont regorgent le Cameroun et ses habitants.
Pourtant, lorsqu’il est porté à la magistrature suprême en 1982 par son prédécesseur, la majorité des camerounais veulent voir en lui un homme talentueux, ambitieux et patriote qui se ferait le devoir, l’obligation d’insuffler une nouvelle dynamique, avec pour seul objectif de booster les performances économiques et sociales de notre pays.
Estampillé de la marque ronflante de "l’Homme du Renouveau", il va se montrer pragmatique et volontaire au départ. Renouveau d’abord politique parce qu’au Cameroun, le besoin de liberté dans l’expression individuelle et collective des opinions totalement confisquée sous l’ancien régime, se faisait pressant. Mais Paul Biya va rapidement s’enfermer dans une logique sécuritaire et dictatoriale que certains analystes imputent au coup d’état militaire avorté de 1984.
La brutalité avec laquelle les auteurs présumés de ce coup de force manqué seront traités allait achever de conforter les camerounais sur le fait que l’homme prétendument du « Renouveau » était tout simplement le fruit de son époque : outrancièrement violent comme tous ses pairs héritiers du pouvoir colonial et surtout incapable d’incarner une vision collective ancrée dans l’édification sans complaisance d’un Cameroun fort, respectueux de ses citoyens et prospère.
Après la farce du "Renouveau", il se présenta à la nation lors des élections pluralistes de 1992 avec un nouveau slogan pompeux, celui de « Paul Biya : le meilleur choix ».
C’était l’amorce progressive d’un chantage hallucinant au peuple camerounais, à qui l’on va insidieusement brandir la menace de troubles à la paix si jamais celui qui prétendait en être l’incarnation était démocratiquement forcé de quitter le pouvoir.
Mais la paix dont il se prévaut ne saurait être réduite à une manifestation de bonne intention ou à un simple slogan en opposition d’avec la réalité telle que vécue et ressentie par les camerounais. La paix est une construction sociale, un édifice qu’on prend la peine de penser et de façonner par des actes concrets.
Après cinq longues années de somnambulisme et de voyages à l’étranger, Biya nous réapparut en 1997 sous une étiquette nouvelle : « L’homme Lion ». Cette fois, il est allé puiser dans la légende des peuples de la forêt, car le Lion y est associé à la royauté, à la férocité, au courage et à l’invincibilité. Le bateau Cameroun attend cependant toujours ce capitaine visionnaire, ce leader pugnace, ce guerrier teigneux qui s’attaquerait avec férocité aux multiples problèmes des Camerounais qui s’amplifient.
Dans cette attente qui s’éternise, 2004 et 2011 allaient sonner comme le comble de la raillerie, l’homme se parant tour à tour de « grandes ambitions », et « grandes réalisations » comme nouveaux leitmotivs qui ne font rire personne d’autre que lui-même. Le nouvel objectif qu’on nous rabâche en boule étant de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035.
Toutes les conditions sont cependant réunies pour que ces vieillards qui nous gouvernent ne soient plus là à cette date pour que le peuple leur demande des comptes. Il s’agit donc d’une autre grossière supercherie. Plus de 50 ans après l’indépendance, tous les camerounais n’ont toujours pas accès à l’eau potable et à l’électricité.
A Douala par exemple, depuis le 1er décembre 2014, les délestages ont repris, plongeant les populations dans l’émoi et les livrant à une insécurité grandissante, en cette veille de célébration des fêtes de fin d’année.
Pendant ce temps, les quelques succès conquis âprement sous le règne de son prédécesseur continuent de subir la médiocrité managériale de la nouvelle équipe et s’affaissent progressivement sous le regard impuissant des Camerounais, témoins privilégiés de la dégringolade de leur pays.
Les infrastructures, la santé, l’éducation, la justice, la défense nationale, la diplomatie, l’emploi sont autant de secteurs délaissés ou tout simplement gérés avec la plus grande des complaisances, au point de faire reculer le Cameroun dans la hiérarchie africaine. A ces maux s’ajoute l’impunité qui a laissé libre cours à toutes sortes de stigmates dans la société camerounaise.
Les camerounais sont quotidiennement témoins de la faillite du régime Biya, qui laisse la gangrène l’envahir et c’est quand elle devient incurable qu’on met en place des prétendues commissions d’enquête qui prendront des années et parfois ne livreront jamais leurs conclusions.
La dernière trouvaille du prince concerne l’Opération Epervier dont la pédagogie est erronée et les fondements contestés. Au lieu de faire des arrestations à grand renfort de publicité de quelques prévaricateurs de la fortune publique, il serait plus intéressant pour le peuple de savoir que ces voleurs restituent les sommes dérobées.
Leur séjour en prison où ils sont d’ailleurs à l’aise ne satisfait pas les attentes des populations. En plus l’on soupçonne de plus en plus cette opération d’être une arme de règlement de comptes politiques. La justice instrumentalisée en un mot !
Le responsable de cette déchéance est bien connu de tous. Mais dans l’exhibition honteuse de son incapacité à gérer le Cameroun, Paul Biya a pris en otage tout un groupe ethnique qu’on désigne solidairement comptable de son bilan et coupable dans l’inconscient collectif d’être le parent d’un homme qui aura été dommageable pour le Cameroun.
La réputation et l’image des Bétis se trouvent injustement associés à tous les échecs de Paul Biya avec pour conséquence directe de jeter du discrédit sur des hommes et des femmes dont le seul crime est celui d’appartenir au même groupe ethnique que ce dernier. Ils sont ainsi ouvertement taxés d’incompétents, de jouisseurs, de voleurs et d’incapables. Certains parents sont même réfractaires à l’idée de marier leur fille à un Béti dont la condition commence à s’assimiler à celle d’un paria national.
Dans son essai « Les Paradoxes du Pays Organisateur », feu Charles ATEBA EYENE relevait déjà le caractère infondé des allégations d’après lesquelles les Bétis en général, et les Sudistes en particulier, profiteraient des largesses du pouvoir détenu par l’un des leurs.
La majorité des populations dans le Sud vivent en effet dans une misère extrême à l’exception notable de la minorité qui a ses entrées dans les cercles du pouvoir et qui fait preuve de nombrilisme en ne pensant qu’à leurs propres familles ou leur entourage immédiat.
Il appartient de ce fait à celui qui est l’artisan de de cette dégringolade du label Béti de lui restituer ses lettres de noblesse. Cela n’est possible que s’il s’attelle dès aujourd’hui à mettre à profit les quelques années de son dernier mandat à œuvrer pour un Cameroun dont la démocratie est consolidée, la justice affranchie du joug des vautours qui l’instrumentalisent, la corruption contenue, la méritocratie ressuscitée, la diplomatie revigorée, l’éducation repensée, la santé redéfinie.
Une tâche herculéenne qui, eut égard au bilan ridicule de ces 32 dernières années, est certainement irréalisable par celui qui n’a jamais brillé par son activisme. Mais la restauration de la dignité du peuple Béti lui impose l’obligation morale de se définir enfin une feuille de route simple : mettre à profit les années restantes de son dernier mandat pour réaliser ce qu’il n’aura pas réussi en près d’un demi-siècle de règne.
Il contribuerait ainsi à réparer tout le mal qu’il aura causé et pourrait bénéficier du pardon du peuple Béti qui ne se reconnait pas des gênes de passivité et d’indolence.