Actualités of Friday, 6 April 2018

Source: camer.be

Sérail: des milliards déboursés pour abattre Laurent Esso

Laurent Esso, le ministre camerounais de la Justice Laurent Esso, le ministre camerounais de la Justice

Sous le prétexte de présenter les dauphins supposés à la tête de l’État, beaucoup d’argent a été débloqué pour cibler l’actuel ministre d’État en charge de la Justice. Voici le dernier épisode.

Le fameux cabinet noir, que votre journal révélait dans son édition de lundi dans le cadre de la série sur les «dauphins présidentiels», a encore sévi. Hier à 11h57 (10h57, heure de Yaoundé) son relais, le magazine Jeune Afrique mettait en ligne un nouveau «scoop». Sous le titre : «Cameroun : l’heure de l’inamovible Laurent Esso ?» le site revenait sur le portrait contrasté et équivoque, publié quelques jours plus tôt, du ministre d’État en charge de la Justice, garde des Sceaux.


Sous la plume des commanditaires basés à Yaoundé, Laurent Esso est ainsi dépeint comme le «protégé» et «potentiel héritier» du président Biya. Ici et là, on a juste retouché quelques détails pour rafraichir le maquillage, le membre du gouvernement étant désormais habillé en «grand accusateur de l’opération Épervier», celui-là qui mène tambour battant, depuis fin mars, la nouvelle campagne d’arrestations de présumés criminels économiques du pays.

Maniant à merveille le cynique et le subtil, l’insinuation et l’emphase, les commanditaires attribuent à Laurent Esso les attributs du souffre-douleur flegmatique, que ses détracteurs accusent «d’essayer d’éliminer ou d’affaiblir ses rivaux potentiels ou avérés dans la course à la succession de Paul Biya»camer.be. S’étant laissé pousser une moustache poivre et sel, «une coquetterie sans doute destinée à mieux faire ressortir une autorité et un courage dissimulés derrière des traits rondouillards», le Minjustice, à qui on prête par ailleurs «[d]es fidèles» dans les affaires, le monde judiciaire ou encore les médias, «est fait du même bois que son mentor, le président Paul Biya».

Laurent Esso, selon toute vraisemblance, est devenu le nouveau fonds de commerce du cabinet noir agissant sous le couvert de Jeune Afrique. À en croire des sources introduites, l’affaire est appelée à prendre de l’ampleur au fil de la série. Et pour qui connaît les pratiques clientélistes du magazine panafricain basé à Paris, l’histoire n’est pas dénuée d’intérêts sonnants et trébuchants. Une source généralement bien informée évoque ainsi «une facture estimée entre 2 et 2,5 milliard de francs, voire plus en cas de succès de l’opération de lynchage de Laurent Esso».

À en croire la même source, ces derniers mois, à défaut de dénicher des faits potentiellement «accablants» en vue d’asseoir la présumée réputation de dauphin de Paul Biya, les commanditaires de la série ont fait le tour des différents postes occupés ces dernières décennies par Laurent Esso, de la chancellerie de l’université de Yaoundé à la Justice en passant par le cabinet civil, le secrétariat général de la présidence de la République, la Santé publique, la Défense ou encore les Relations extérieures. Il était alors question, apprend-on, d’enquêter discrètement dans les marchés publics et autres affaires financières pourries.

Relais médiatiques locaux

En désespoir de cause, les instigateurs ont dû se rabattre sur leur série d’insinuations en espérant atteindre leur coeur de cible. Le trait étant un peu forcé, la stratégie va s’étendre, à l’instar de la publication d’hier, sur «les réseaux Esso», c’est-à-dire ces femmes et hommes, considérés comme des appuis au prétendu dauphin du président de la République. Et la preuve – juste une – que cette liste, qui varie selon les enjeux du jour, est destinée à faire diversion, hier, Ama Tutu Muna a fait son apparition parmi les «soutiens» du ministre d’État.


L’ex-ministre des Arts et de la Culture est ainsi brutalement jetée en pâture, au moment où elle se trouve en conflit judiciaire d’héritage avec deux de ses frères. Une façon, pour les conspirateurs, d’insinuer qu’elle a le soutien de la Chancellerie avec notamment, en face, un aîné, Akere Muna, candidat déclaré à la présidence de la République. Il n’a non plus échappé à l’observateur averti que la série sur Laurent Esso, que le cabinet noir de Yaoundé espère au passage être récupérée par les médias locaux, apparaît également à un moment crucial de la vie du Cameroun.
Lequel est à la veille d’une présidentielle. M. Esso, dans sa posture de chef de la délégation permanente régionale du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) pour le Littoral, met en place la machine de guerre pour faire triompher son champion, Paul Biya. Des écrits énigmatiques, sur son compte, ne peuvent alors que créer la déstabilisation des troupes qu’il entend mobiliser pour la cause. Il s’avère néanmoins, au fil des publications, comme une fâcheuse impression non seulement de réchauffé, mais surtout d’acharnement qui révèle tout le côté manipulateur de la manoeuvre. Qui en effet, au Cameroun d’aujourd’hui, peut prétendre que Laurent Esso, tout ministre de la Justice qu’il est, instrumentalise à la fois le Contrôle supérieur de l’État, placé sous l’autorité directe du président de la République, allant jusqu’à manipuler toute la chaîne judiciaire au point de faire arrêter et incarcérer d’éventuels concurrents pour la succession ? Une telle analyse serait également synonyme d’infantilisation de Paul Biya, qui selon ces allégations ne serait-luimême qu’un pion que Laurent Esso manipule à sa guise pour se frayer un passage vers la magistrature suprême.

Il s’agit manifestement d’une camelote médiatique, qui comme toute fabrication, est appelée à se désintégrer au plus vite. Restera alors à savoir à qui profite ce crime dont l’aboutissement est d’ores et déjà compromis, mais qui coûte déjà des milliards de francs à ses commanditaires qui, eux aussi, se recrutent dans les hautes sphères de l’État.