Actualités of Monday, 8 October 2018

Source: www.letemps.ch

Sérail: voici le clan féroce et complice de Paul Biya

Au Cameroun, les populations attendent les résultats de la présidentielle. Au Cameroun, les populations attendent les résultats de la présidentielle.

Le président sortant du Cameroun, 85 ans, qui règne depuis 36 ans, devrait gagner l'élection de ce dimanche malgré une ultime tentative de regroupement de l’opposition

Des violences meurtrières ont lieu ces jours dans les régions anglophones du Cameroun, où les séparatistes ont promis «la guerre» lors de la présidentielle qui a lieu ce dimanche. Vendredi soir, trois séparatistes ont été tués.

A quelques heures du scrutin ce dimanche, un coup de théâtre politique a eu lieu: deux opposants de poids ont annoncé une candidature commune contre Paul Biya. C'est une première depuis 1992. Akere Muna, l'un des principaux candidats de l'opposition, s'est rallié à la candidature de Maurice Kamto.

A 85 ans dont près de 36 au pouvoir, Paul Biya, «invincible» président du Cameroun qui brigue dimanche un septième mandat, règne en maître absolu sur son pays, pourtant confronté à d'importants défis sécuritaires.

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«Il suffit d'un petit coup de tête, et vous n'êtes plus rien du tout»: en s'adressant ainsi à un journaliste vedette de la télévision d'Etat camerounaise qui l'interviewe en 1986, quatre ans après son accession au pouvoir, Paul Biya tenait à afficher sa toute-puissance. Il l'a gardée pendant trois décennies. Depuis 1982, il fait la pluie et le beau temps au Cameroun, construisant et brisant des carrières au gré de ses humeurs et de ses aspirations personnelles.

Pour verrouiller le pays, un parti-Etat

Il a tout verrouillé pour assurer son maintien à la tête du pays, s'appuyant sur l'administration et sur un parti-Etat, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) qu'il a créé en 1985. Ses opposants l'accusent de vouloir mourir au pouvoir et lui n'a jamais affiché une quelconque volonté à vouloir s'en passer.

La présidentielle de dimanche a lieu dans un climat de violence dans les régions anglophones où l'armée, présente en force, combat des groupes séparatistes, alors que le président a souligné la nécessité de «manier à la fois fermeté et dialogue».

«Un clan féroce et complice»

«Le Sphinx» comme on le surnomme au Cameroun en raison de son cynisme et de son goût du secret, est un chef effacé et absent qui contrôle pourtant tout. Dans un récent ouvrage, Titus Edzoa, ex-proche collaborateur du président Biya, le décrit comme un chef enfermé «dans une bulle aseptisée, protégé par un petit clan complice, féroce et insatiable», qui «constitue un écran hermétique entre lui et le peuple».

Ancien séminariste catholique et étudiant à Sciences-Po à Paris, il se rend rarement à l'intérieur de son pays. Fin septembre, il est allé lancer officiellement sa campagne à Maroua (nord), sa première visite en province depuis 6 ans.

Les bains de foule auxquels il s'adonnait à cœur joie au début de sa présidence sont un lointain souvenir. Car la tentative de coup d'Etat de 1984 à laquelle il a dû faire face, deux ans seulement après son accession au pouvoir, semble l'avoir traumatisé. «Les événements de 1984 ont changé sa façon d'être. Avant, il sortait dans Yaoundé, il était proche des gens. Mais imaginez, il est resté des dizaines d'heures dans le bunker, il y avait les traces de balles quand il est sorti. Ça marque», confie un responsable sécuritaire à Yaoundé.

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Quand un ministre déclare son allégeance jusqu'à se dire «esclave»
Craint, «l'homme lion» comme il s'était fait appeler lors de la présidentielle de 1997, est adulé et même déifié par certains caciques de son régime. «Nous sommes tous des créatures ou des créations du président Paul Biya. Nous ne sommes que ses serviteurs, mieux, ses esclaves», affirmait en 2011 son ministre de l'Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo.

Il joue «de la violence et de la terreur, au gré de ses humeurs et des rumeurs, pour asservir ses collaborateurs et soumettre l'ensemble de la population», selon Titus Edzoa.

Une épouse «people» en raison de ses coiffures

Paul Biya est le troisième d'une famille de neuf enfants. Catéchiste, son père avait balisé le chemin pour qu'il devienne prêtre, mais il avait, contre toute attente, quitté le séminaire pour le lycée. Après le décès de sa première épouse, Jeanne Irène, Paul Biya a épousé en 1994 Chantal, de près de 40 ans plus jeune que lui, rendue célèbre par ses coiffures extravagantes et ses très hauts talons.

Avec cette ancienne serveuse de restaurant et mannequin qui s'occupe aujourd'hui d’œuvres humanitaires, le président, amateur de costumes en alpaga et de cravates en soie, a eu deux enfants, Junior et Brenda Biya, admis à l'Ecole nationale de la magistrature de Yaoundé. Paul Biya avait déjà un autre fils, Franck, un homme d'affaires discret qui a notamment des intérêts dans le secteur du bois.

D'origine paysanne, le président possède une ferme avicole dans sa région natale du sud, mais aussi des plantations d'ananas.