Dans un droit de réponse adressé à la direction générale d'INFO TV, le Syndicat National des Chercheurs du secteur public (SYNAC) dénonce fermement le traitement médiatique de son préavis de grève lors de l'émission "OPINION 237" du 20 avril 2025. Le syndicat accuse la chaîne d'avoir déformé ses revendications, insinué des motivations politiques cachées et tenté de créer artificiellement un conflit avec la Ministre de la Recherche Scientifique. Le SYNAC réaffirme que ses demandes concernent essentiellement la promulgation d'une loi d'orientation de la recherche et un meilleur financement des activités scientifiques, et non des "revendications alimentaires" comme l'ont suggéré certains intervenants de l'émission. Cette controverse s'inscrit dans un contexte social tendu, alors que plusieurs secteurs de la fonction publique camerounaise multiplient les mouvements de protestation.
INFO TV AU BANC DES ACCUSÉS
Le Président du Bureau Exécutif National
À
Madame le Directeur Général de la chaine de Télévision INFO TV
Objet : Droit de réponse
Madame le Directeur Général,
Nous avons l’honneur de venir auprès de votre bienveillance, solliciter un Droit de réponse sur l’émission du dimanche 20 avril 2025, diffusée entre 12h et 14h sur votre chaine de Télévision INFO TV et intitulée « OPINION 237 ».
En effet, cette émission avait trois thématiques dans son programme du jour :
1) RECHERCHE SCIENTIFIQUE : QUE CACHE LA GREVE ANNONCEE DES CHERCHEURS ?
2) CONSUPE # CHAMBRE DES COMPTES : POURQUOI LE CONFLIT DE COMPETENCES ?
3) MAGISTRATS DU PARQUET : JEAN DE DIEU MOMO ET LE RAPPEL À L’ORDRE.
La première thématique ainsi intitulée « RECHERCHE SCIENTIFIQUE : QUE CACHE LA GREVE ANNONCEE DES CHERCHEURS ? » portait bien sur le Communiqué du Syndicat National des Chercheurs du secteur public (SYNAC) publié le 12 avril 2025 et que vous avez récupéré dans les réseaux sociaux, comme l’attestent plusieurs captures d’écran affichées au cours de cette émission.
Ce Communiqué portait bien l’entête du SYNAC, ainsi que des informations sur la date, le numéro d’enregistrement de notre syndicat et même nos différents contacts.
Tout ceci pouvait permettre à tout média de nous contacter directement pour recueillir des informations sur nos revendications à la bonne source.
Malheureusement nous avons observé ce qui suit :
1. L’intitulé de la première thématique :
Il laisse peser un lourd sous-entendu qui porte un grave préjudice aux intentions clairement exprimées dans notre communiqué.
Autrement dit, en écrivant « QUE CACHE LA GREVE ANNONCEE DES CHERCHEURS ? » ;
vous avez ouvert une porte très large à toutes sortes d’interprétations tendancieuses du contenu pourtant clair des revendications formulées dans notre communiqué.
Notre préavis de grève ne cache absolument rien.
Une grève éventuelle d’un corps de métier est une action encadrée par la loi portant code du travail au Cameroun.
Elle est envisagée pour ce qui nous concerne en cas d’absence de dialogue social sincère autour des revendications clairement exprimées dans notre communiqué.
2. La déformation de nos revendications :
Le Communiqué N°004/SYNAC/PBEN/SG/04/2025 du 12 avril 2025 qui justifie ce débat sur INFO TV, présente au premier paragraphe les motivations de nos revendications.
A ce propos, il précise ce qui suit : « Le Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale avait déjà donné le 30 novembre 2021 un délai de douze mois pour trouver des solutions à certaines revendications notamment celles relatives à l’octroi d’une allocation financière trimestrielle aux Chercheurs (pour développer des innovations compétitives) et celles liées à la promulgation d’une loi d’orientation de la recherche ».
La conclusion dudit communiqué réitère que : « Cette mobilisation patriotique vise à solliciter une meilleure politique de financement de la recherche pour produire des innovations industrialisables ».
Par conséquent, nos revendications ont été clairement circonscrites autant à l’introduction de notre Communiqué qu’à la conclusion.
Nous soulignons dans ce Communiqué le fait que « l’effet financier lié à la revalorisation des primes des Chercheurs et à leur intégration dans le nouveau statut spécial du personnel Chercheur n’est pas encore effectif, près de deux ans après sa signature ».
Ceci n’est qu’une observation par laquelle nous exprimons la préoccupation (ou une inquiétude ou une anxiété) actuelle des chercheurs.
En effet, le SYNAC joue le rôle de Procureur de la profession de chercheur et a pour cela un droit de regard sur toutes les questions relatives à l’intérêt collectif de cette profession.
A juste titre, la revendication sur la promulgation d’une loi d’orientation de la recherche, loin d’être une « revendication alimentaire » comme exprimé par un panéliste de votre émission, formule le besoin d’un instrument normatif de haut niveau qui fixe le cap et sert de boussole pour tout le Système National de Recherche et d’Innovation du Cameroun.
Une telle loi, entre autres :
- précise les orientations fondamentales de la recherche scientifique ;
- fixe le cadre juridique et institutionnel pour la production des innovations et leur intégration harmonieuse dans le processus de développement durable du Cameroun ;
- met en place un cadre normatif performant pour l’organisation et la conduite de la recherche et de l’innovation en vue de l’émergence d’une société fondée sur le savoir économique et imprégnée d’une culture scientifique de qualité ;
- définit un mécanisme de financement pérenne de financement adéquat de la recherche et de l’innovation ;
- définit les cadres et mécanismes appropriés de diffusion et de valorisation des résultats de la recherche.
L’absence d’un tel dispositif normatif entraîne la fragmentation du Système National de Recherche et d’Innovation et par conséquent son inefficacité.
Or l’un des panélistes déclare : « On ne revendique pas ce que l’on a déjà ».
Ce qui est contraire à la réalité démontrée plus haut.
A propos de notre deuxième revendication relative au financement de la recherche, il convient de relever que les analyses des laboratoires (ou l’achat des réactifs), dans le cadre du développement des innovations, vont de 900 000 Fcfa à 1 200 000 Fcfa.
D’ailleurs les analyses devant se faire à l’extérieur du Cameroun peuvent faire monter ces coûts à plus de 2 500 000Fcfa.
Aucun Chercheur n’est capable de financer de telles opérations, même en y consacrant tout son salaire.
Les frais de prototypage intègrent l’acquisition de la matière d’œuvre, des outils et composants (électroniques, mécaniques, etc) qui peuvent varier de 2 000 000 Fcfa à 7 000 000 Fcfa.
Il est donc important dans une approche de contrôle des ressources mises à la disposition du chercheur de modeler une approche progressive de financement de la recherche par des appuis trimestriels qui doivent être renouvelés en fonction de l’évolution de ses travaux de recherche.
Par conséquent, même cette revendication est loin d’être une « revendication alimentaire », puisqu’elle exprime un défi que doit relever toute économie qui aspire à l’émergence : le défi du financement de la recherche.
Ces revendications ne datent pas du dernier communiqué du 12 Avril 2025.
Elles sont formulées depuis 2018 dans nos correspondances administratives restées sans suite.
Ces revendications ne sauraient donc être liées à la « période électorale » ou alors « cacher un agenda politique inavoué » selon les allégations de certains de vos panélistes.
L’un de vos panélistes, réagissant sur vos antennes, au cours de cette émission s’illustre par les déclarations suivantes : « Qui soutient la campagne de communication des chercheurs qui veulent faire grève ?... Nous sommes en année électorale.
Il y a donc cette surenchère politique qui peut s’abreuver de quelques outils de déstabilisation… ».
Ces déclarations négatives et non fondées, constituent une politisation de nos revendications.
Leur auteur insinue que les chercheurs se sont mis dans l’opposition pour déstabiliser le régime en place.
Il prête aux dirigeants du SYNAC l’appartenance au MRC avec pour agenda caché « d’en découdre avec le Ministre de la Recherche Scientifique et de l’Innovation ».
Nous tenons à réitérer que le SYNAC est un syndicat républicain et apolitique, et qu’aucun de ses leaders n’exprime, dans l’exercice des activités syndicales au sein du SYNAC, quelque opinion politique.
Par ailleurs, ce dernier accuse le SYNAC de communiquer abondamment sur une chaine de télévision nommément désignée dans son propos.
Pourtant, le SYNAC communique sur ses revendications sur plusieurs médias tant publics que privés, et même dans les médias internationaux.
Sur un autre plan, le panéliste en question affirme dans le cadre de la mise en œuvre du nouveau décret portant Statut Spécial du personnel chercheur : « les chercheurs sont allés au MINFOPRA signer les dossiers ».
Cette affirmation est non fondée.
En effet, les dossiers en cours de traitement au MINFOPRA, qui sont consultables en ligne ne sont pas encore signés.
Bien que ce dernier dit avoir puisé l’information au MINFOPRA, cette affirmation est une désinformation qui vise à ternir l’image de la profession et surtout à instrumentaliser les médias pour déconstruire les revendications ainsi formulées.
3. Les propos de nature à fragiliser les idéaux de paix sociale et de la liberté syndicale
- Sur les propos de nature à favoriser ou à susciter des attaques/conflits entre la personne physique de Dr Madeleine TCHUINTE, Ministre de la recherche scientifique et les leaders de l’action syndicale
Le modérateur de cette émission a volontairement laissé certains panélistes communiquer sur des messages pouvant susciter un conflit entre la personne de Dr Madeleine TCHUINTE, Ministre de la Recherche Scientifique et de l’Innovation et les leaders du SYNAC.
Comment comprendre le parallèle construit entre une action d’intérêt collectif menée en toute légalité pour défendre la profession de chercheur et la personne de Dr Madeleine TCHUINTE qui ne figure pas dans l’objet de notre revendication ?
Les revendications du SYNAC ont par le passé fait l’objet des concertations au Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, entre le SYNAC, le MINFOPRA, le MINFI et le MINRESI.
Ces concertations n’ayant abouti jusqu’à ce jour à aucune solution aux revendications formulées plus haut, quoi de plus légitime sur le plan administratif que de s’adresser au Premier Ministre, Chef du Gouvernement, tutelle hiérarchique des départements ministériels ci-dessus cités, pour une sortie de crise ?
Par conséquent, en affirmant que « ceux qui veulent grever (faire grève) veulent salir la réputation de Madame le Ministre de la Recherche Scientifique et de l’Innovation », votre panéliste ne semble avoir qu’un seul objectif : illustrer un conflit imaginaire entre les leaders du SYNAC et Madame le Ministre de la Recherche Scientifique et de l’Innovation, et créer une psychose au sein des chercheurs.
- Sur les propos de nature à fragiliser la liberté syndicale
La communication qui a été portée par certains panélistes telle que relevée plus haut ne véhicule pas seulement un message conflictuel, mais vise à démobiliser les syndiqués pour l’action collective menée actuellement par le SYNAC.
Le fait de prêter des intentions politiques aux leaders du SYNAC sans aucune preuve, constitue un délit répréhensible par la loi et susceptible de réparations.
En affirmant que « les chercheurs sont dans un syndicalisme dirigé », l’un des panélistes profère des propos injurieux qui dénient la liberté d’expression qui caractérise les membres du SYNAC ainsi que les principes démocratiques qui régissent les élections de ses membres au cours des Assemblées Générales régulièrement tenues.
Compte tenu du fait que cette émission a causé un grave préjudice à l’image du SYNAC et de ses leaders ;
Compte tenu du fait que cette émission a causé un grave préjudice à l’intérêt collectif de la profession de chercheur ;
Compte tenu du fait que cette émission a produit un effet négatif qui pourrait donner l’impression à l’opinion nationale et internationale qu’il y a un conflit entre la personne de Dr Madeleine TCHUINTE et les leaders du SYNAC ;
Nous condamnons avec la plus grande fermeté le comportement de certains de vos panelistes et la diffusion de leurs propos diffamatoires par le canal de votre media, et exigeons par conséquent que lumière soit faite sur nos revendications par le canal du même media qui les a déformées.
Veuillez agréer, Madame le Directeur Général, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.
Pour le SYNAC
Le Président du Bureau Exécutif National