Au Cameroun, 52 % des réfugiés sont des femmes et des filles. Leurs problèmes de santé sont parfois exacerbés du fait de leur instabilité sociale, de leur incapacité à se prendre en charge de manière autonome, d’un accès restreint ou d’une interruption des soins de santé. L’insuffisance des vaccinations, l’exposition aux infections ainsi que de mauvaises conditions de vie dans les pays d’origine, de transit s’ajoutent aux problèmes auxquels ces femmes font face. Ces problématiques et bien d’autres ont été abordées lors du 24ème Congrès mondial de gynécologie et d'obstétrique tenu du 9 au 12 octobre à Paris.
Organisé par la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique (Figo), le Congrès mondial de gynécologie et d'obstétrique est le principal et le plus grand événement mondial dans le domaine de la gynécologie et de l'obstétrique. « C’est l’occasion d’apprendre, partager, créer des alliances et façonner l'avenir de la santé des femmes et de la santé génésique », explique Dr Nawal Nour, présidente du comité d'organisation du congrès Figo Paris 2023.
Cette rencontre aborde aussi bien les questions relatives au traitement ou à la prévention des maladies que les thématiques liées à la santé des femmes, aux droits reproductifs, à l'équité en matière de santé ainsi que la justice sociale. « La mission de la Figo est d’apporter des progrès déterminants pour améliorer la vie des femmes, partout dans le monde », détaille Dr Jeanne Conry, actuelle présidente de la Figo.
Pour elle, « ce congrès est un moment fort qui témoigne de l’engagement de la fédération afin de promouvoir la santé physique, mentale, reproductive et sexuelle des femmes, ainsi que leur bien-être et leurs droits, en s’appuyant sur la science, mais aussi sur le travail réalisé avec des organismes non gouvernementaux ou les associations ».
Cancer du col de l’utérus. Sur cette lancée, le Figo Paris 2023 n’a pas failli à la tradition au regard des thématiques abordées mais aussi la qualité des intervenants. Soit, près de 8 000 participants venus des quatre continents et 500 experts réunis, parmi lesquels le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018. Le Cameroun a eu une belle part active à ce banquet scientifique. En effet, dès le premier jour, le docteur Ernestine Gwet-Bell, obstétricienne-gynécologue camerounaise diplômée de Paris et pionnière de la procréation médicale assistée en Afrique centrale a présidé une session consacrée à la santé des femmes migrantes, mettant l’accent sur la santé reproductive et maternelle.
De même, les résultats de l’étude TaCCare réalisée à l’ouest du Cameroun, et portant sur la fertilité et l’issue de la grossesse après administration de traitements des lésions précancéreuses du col de l’utérus ont été présentés. Il faut dire que l’éradication du cancer du col de l’utérus, objectif fixé par l’Organisation mondiale de la santé pour l’horizon 2030, était au cœur de nombreuses sessions du congrès de la Figo. L’étude TaCCare avait pour objectif d’évaluer les conséquences à moyen et long terme de la thermoablation. Elle a inclus 763 participantes, dont 221 avaient été traitées par ablation thermique, avec un suivi moyen de 3 ans et demi.
« Cette étude présentée au congrès de la Figo a montré que la thermo-ablation n'entraîne pas de réduction significative de la fertilité », renseigne Ernestine Gwet-Bell. « Elle n’augmente pas non plus le risque de fausse couche. En revanche, selon cette étude, le papillomavirus semble multiplier par deux le risque de fausse couche. Ces résultats doivent encourager les femmes à se faire traiter », ajoute-t-elle. Dans sa présentation de l’étude TaCCare, Dr Ana Wisniak (Suisse), a rappelé que 90 % des femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire (données OMS 2022) et que ce cancer est le deuxième plus meurtrier en Afrique subsaharienne.
Dans les pays à revenus faibles ou modérés, le traitement recommandé par l’OMS est l’ablation thermique, du fait de l’efficacité de la technique ; son faible coût (avec du matériel réutilisable) ; ses effets indésirables limités. Le programme du Congrès a inclus des laboratoires de simulation, des ateliers éducatifs et le tout premier festival du film de la Figo. Celui-ci a présenté des courts-métrages sur des sujets allant des procédures chirurgicales aux documentaires de sensibilisation, dont Conquering cancer, un film dédié à la lutte contre le cancer du col de l’utérus ; Voices from the field, consacré à la lutte contre les complications obstétricales dont l’hémorragie post-partum, un fléau dans de nombreux pays, notamment en Afrique subsaharienne avec la participation des docteurs Monica Oguttu (Kenya), Saroja Pande (Népal), Maria Escobar (Colombie), et Poonam Varma Shivkumar (Inde).