"D'abord observer la réaction, et les attitudes de la personne, l'écouter s'il le faut et puis l'orienter", énumère Geneviève Akadé.
Cette coiffeuse depuis 18 ans dont 13 ans dans son propre salon à Abidjan fait partie des professionnelles de la beauté ciblées par la formation Heal by Hair, en français soigner par les cheveux.
La session est organisée dans la capitale ivoirienne par la Fondation Bluemind dont l'objectif est d'initier des coiffeuses aux maladies mentales.
L'organisation veut donner les outils aux coiffeuses pour observer et reconnaître les premières manifestations de troubles mentaux.
Ainsi formées, ces femmes vont à leur tour aider à améliorer la santé mentale des populations , d'autant qu'elles sont des professionnelles ayant l'habitude des confidences.
Selon une étude de la fondation Bluemind dans 7 pays, 67% des femmes interrogées disent se confier à leur coiffeuse.
Coiffeuses, ambassadrices de la santé mentale
"Les coiffeuses effectivement se retrouvent en position plutôt de réceptacles, en position d'éponge et elles n'arrivent pas forcément à savoir vers qui se tourner pour pouvoir aider un petit plus la cliente ", affirme à BBC Afrique Chrissy Kuoh coordinatrice du conseil scientifique de Bluemind.La formation s'attache d'abord à expliquer ce qu'est la santé mentale "et ensuite nous aimerions aussi pouvoir leur apprendre l'écoute et l'empathie, beaucoup de bienveillance , lorsqu'une personne vient et se confie à elles et enfin nous voulons aussi leur apprendre à non seulement rassurer mais aussi ré orienter, la cliente", poursuit-elle.
Un réseau de professionnels a été constitué pour le projet afin de permettre aux coiffeuses ambassadrices d'y référer les clientes qui en ont besoin.
Durant la formation , les coiffeuses ont participé à des jeux de rôle pour se mettre en situation et avoir les bons réflexes une fois avec leurs clientes.
Apprendre "l'écoute et L'empathie"
Elles ont appris notamment à détecter les clientes en situation de détresse psychologique de façon très concrète ainsi l'explique Geneviève Akadé."Les signes qui se manifestent: il y a les sautes d'humeurs, la personne peut se renfermer, soit la personne peut être un peu plus agressive, il y a les pertes de cheveux", cite-t-elle.
Si être à l'écoute des clientes demande du temps et n'est pas forcément bon pour les affaires, cela n'entame en rien la volonté de Geneviève Akadé qui avoue avoir " toujours aimé aider les gens.''
"J'ai aussi des personnes que je connais, que je pense que je pourrais aider", ajoute-t-elle.
D'ici 2035, le projet vise à former un millier de coiffeuses ambassadrice de la santé mentale pour venir en aide à cinq millions de femmes dans une vingtaine de villes d'Afrique.
L'Afrique compte un thérapeute pour 500 000 habitants alors l'OMS recommande un ratio de 1 pour 5000. Ce qui rend d'autant plus difficile la prise en charge de la santé mentale qui est en plus souvent la cible de préjugés.
Sur le continent, la santé mentale reste un tabou qui impacte 110 millions de personnes et 60% d'entre elles sont des jeunes femmes de moins de 25 ans.
Une étude réalisée par la fondation Bluemind dans six pays montre que 73% des jeunes femmes dans cette catégorie sont plus enclines à échanger sur ces sujets avec les professionnelles de soins de beauté, et 61% se confieraient plus facilement encore si lesdites professionnelles étaient formées sur le sujet.
La santé mentale, un tabou en Afrique
Au Sénégal le silence autour des maladies mentales a motivé une campagne de sensibilisation en 2020 baptisé Cilonek qui peut signifier en wolof, "comment vas tu?".L'idée était d'attirer l'attention des jeunes sur l'image erronée qu'ils peuvent avoir de la santé mentale de leurs amis en se basant uniquement sur les publications de ces derniers sur les réseaux sociaux.
La campagne de quatre jours a été lancée lors de la journée internationale de la santé mentale le jeudi 08 jusqu'au 11 octobre 2020. Sur Twitter le hashtag #Cilonek a été twitté 500 fois pour une portée de1660170 impressions. Sur Instagram, les témoignages ont touché 31 398 utilisateurs.
Shift Mental Health l'organisation qui avait initié la campagne Cilonek est en train de mettre en place "des actions "test" sur la santé mentale des élèves au Sénégal."
Ces actions consistent selon la fondatrice Anna GUEYE "à faire des tournées scolaires, une étude de la situation actuelle et proposer un système de sensibilisation adéquat au sein des écoles au Sénégal."