Plus de cinq après sa publication l’ouvrage « Crimes rituels, secrets, pouvoir drogues et alcools au Cameroun », de l’homme politique et enseignant Camerounais Charles Ateba Eyene continue de faire parler d’elle.
Dans une interview accordée à nos confrères de Cameroonvoice, l’auteur est revenu sur les crimes rituels, trafics d’organes et autres obscénités qu’il a décrits dans son livre comme caractérisant l’entourage du pouvoir au Cameroun.
Ci-dessous l’intégralité de l’interview du Dr Charles Ateba Eyene
Pourquoi tout un livre, sur les Crimes rituels, sectes, pouvoirs, drogues et alcools au Cameroun ?
Charles Ateba : Le phénomène des crimes rituels a dangereusement pris du galon dans notre pays. Le Cameroun figure désormais parmi les pays qui consomment le plus l’alcool et les drogues dans le monde. Les sectes, les loges rythment de plus en plus la vie du pays. De décembre 2012 à janvier 2013, plus de 15 Camerounais ont été assassinés à Yaoundé.
On n’a jamais vu ça dans notre pays. Des enquêtes ont été faites mais on n’en a rien entendu, en termes de conclusions. En pareille circonstances, des enquêtes sont toujours faites, mais elles n’aboutissent presque jamais ; ou du moins, les populations ne sont guère informées du résultat.
Souvenons-nous qu’en 1995, le Révérend père Engelbert Mveng a été assassiné ; son cerveau a été vidé. Depuis lors, personne ne sait ce qui s’est passé Voilà le destin qui est réservé à tous les crimes rituels, au Cameroun, au Gabon et ailleurs. Les lucifériens ont une solidarité inestimable et imparable. Voilà pourquoi dans mon ouvrage, je convoque la solidarité populaire ; des armes du combat.
Il faut que le peuple s’organise ; il ne faut rien attendre de l’Etat, ni de son gouvernement ; parce que les profiteurs des crimes rituels, dans nos pays, sont le plus souvent au sommet de l’échelle ; ils se protègent, ils ont des complices haut placés dans le sérail ; ils maquillent et camouflent les forfaitures.
Ils ne se dénoncent pas, ils sont regroupés dans une sorte de solidarité, au sein d’un syndicat de criminels. Il est donc important de marquer un temps d’arrêt, d’attirer l’attention de tous sur ces phénomènes. C’est important dans une société qui place les valeurs morales et humaines au centre de la gouvernance.
Pourquoi avoir choisi de publier des photographies somme toute choquantes?
Nous sommes dans la communication persuasive. Et la photo est un élément capital dans ce genre de travail ; cela évite qu’on nous fasse le procès de la fiction ; parce que justement, nous ne sommes pas dans le domaine de la science-fiction. J’ai écrit une lettre ouverte au président de la République Paul Biya, pour lui dire qu’il ne saurait être silencieux et peu actif face aux crimes rituels.
Je lui ai fait savoir qu’il ne peut rester les bras croisés, alors qu’on tue les gens, on prend le sexe, les parties génitales, la langue, les dents, les cils et sourcils, les doigts, les cheveux et vous ne dites rien ; vous ne sanctionnez pas les coupables de telles abominations. Ce n’est pas possible. Je fais savoir au chef de l’Etat Paul Biya que le régime du Renouveau est comptable de ces crimes.
C’est sous le règne du Renouveau que ces crimes ont été commis. Il est donc important pour le chef de l’Etat de savoir que lorsqu’il sera jugé par l’histoire, on va soulever cette affaire des crimes rituels. Il n’en est pas l’auteur, mais il a la responsabilité de tout faire pour que l’opinion soit éclairée. Je propose même au chef de l’Etat de créer un tribunal criminel spécial pour juger les auteurs de ces crimes rituels et assassinats.
Si on laisse prospérer la mafia, la loi du silence, l’omerta, si on laisse impunies ces forfaitures, le peuple va de plus en plus se sentir en insécurité. L’image du Cameroun dont parle le ministre Issa Tchiroma, est-elle bonne si dans le monde entier, l’on parle du Cameroun comme un pays où, on commercialise le cœur, les oreilles, les appareils génitaux surtout féminin…
Vous affichez les prix des vagins, des langues vendus à des millions de Fcfa. On dirait que vous avez scruté le marché noir et les transactions qui ont cour, par rapport au trafic de ces organes humains.
Il y a deux types de vagins sur le marché. Celui qu’on considère comme souillé, lubrifié par le sperme parce qu’on a procédé à des relations sexuelles. Ce type de vagin, perd un peu de sa valeur et il coûte moins que le vagin frais qui n’a pas fait l’objet des souillures ou de certaines manipulations sexuelles.
C’est pour des pratiques occultes, mystiques. Un vagin frais coûte trois à quatre millions, celui souillé est dans les environs de deux millions. Les sourcils coûtent vingt-cinq mille le paquet. Le cœur quand il est encore frais, coûte cinq millions. Les dents, la langue, les oreilles, les cils, chaque organe a son prix selon la qualité de la marchandise.
Dans l’enquête que nous avons faite, on remarque qu’il y a des parties prisées. Les crimes rituels faut-il le souligner, sont un phénomène mondialement reconnu par l’Unesco qui, par ailleurs, a à ce sujet, tenu un colloque au Gabon sur les crimes rituels en Afrique centrale en juillet 2005. Au Kosovo, en Grande Bretagne, les phénomènes de crimes rituels existent partout.
Le phénomène s’applique dans les rites, les cercles magico-sataniques et exotériques ; le spiritisme. Les crimes rituels obéissent aux loges, sectes et certaines pratiques. Il y a mêmes des tableaux statistiques qui font observer une prise en compte des âges, le sexe, la taille… des victimes ciblées. Dans une étude comparative que nous avons faite, entre le Cameroun et le Gabon, on se rend compte que l’on veut plus les jeunes, les gens qui ne sont pas encore souillés, parce qu’ils incarnent la pureté. Vous avez dans le livre, la photo d’un enfant assassiné au Gabon, celle des enfants Epagna dont l’âge varie entre cinq et huit ans. En plus d’aimer les jeunes, ils se régalent des petites filles.
Nous pensons qu’un phénomène de crimes rituels a déboussolé, désagrégé et endeuillé de nombreuses familles, tout le monde banalise cela, au point où, l’on pense que c’est normal. Nous ne devons pas nous taire et laisser ces abominations passer. Mon ouvrage est pédagogique ; je donne les conseils pour dire comment faire pour éviter de tomber dans les pièges des spécialistes de crimes rituels.
Comment faire pour les combattre, pour les dénoncer, les détecter. Il faut être vigilent, les propositions en termes des réponses citoyennes et les armes du combat se justifient parce que je pense que c’est au peuple qu’il revient la mission de se sauver. Il faut que dans nos villes et quartiers, qu’on organise des comités de vigilance, des coalitions contre les crimes rituels.
Que peuvent les pouvoirs publics désormais impuissants face à cette récurrence des crimes rituels ?
La responsabilité de protéger les vies et les biens des citoyens camerounais ; les questions de sécurité et de préservation de la paix sociales incombent avant tout au président de la République Paul Biya. Il doit prendre des mesures coercitives rigoureuses et fermes.
Au besoin il faut faire voter et promulguer une loi spéciale qui condamne les crimes rituels dans ce pays. Les auteurs doivent être punis avec un maximum de rigueur. On ne peut pas créer un tribunal spécial pour défendre l’argent, alors que l’urgence consiste davantage à la sécurisation des vies humaines plutôt qu’aux biens matériels. Il est important de repenser le contrat social entre le peuple et les gouvernants ; l’argent n’est pas plus important que le peuple.
Nous avons aussi saisi le Pape François et lui demandons de prendre une position claire contre l’homosexualité. Les homosexuels se vantent d’avoir chassé son prédécesseur. Il ne faut pas que celui-ci prenne la fuite face à ses responsabilités. Il doit instruire ses Evêques et ses représentants au niveau des Eglises surtout pour ce qui est de l’Eglise qui est en Afrique.
Nous avons aussi écrit une lettre aux jeunes camerounais qui pour la plupart sont des victimes des crimes rituels. Nous leur demandons de tenir bon, d’être courageux, d’affronter par tous les moyens les auteurs des crimes rituels. Ils doivent utiliser les technologies de l’information et de la communication.
Les photographies, les bandes enregistrées peuvent être des pièces utiles pour la dénonciation. Que les jeunes ne se résignent pas, qu’ils n’accèdent pas au renoncement, ni au découragement.