Sous le couvert de l’installation des coordonnateurs départementaux nouvellement nommés dans leurs fonctions, du 31 mai au 3 juin 2016, le secrétaire général du Comité central du Rdpc aura fort à faire dans le grand Nord où l’ancien membre du gouvernement Marafa Hamidou Yaya, qui n’a pas encore mis une croix sur ses intentions présidentialistes, compte encore de nombreux partisans.
Il va voir le feu… ». Ainsi s’est exclamé un cadre du parti au pouvoir en fin de semaine dernière après l’annonce de la mission du secrétaire général du Comité central du Rdpc dans le septentrion. Manifestement, Jean Nkueté devra faire face aux réalités qui prévalent sur le terrain politique aujourd’hui cristallisées par les réminiscences et les plaies non cicatrisées des dernières opérations de renouvellement des bureaux des organes de base du parti au pouvoir. Même si les militants ont digéré les résultats rendus publics par le Comité central où il trône, et même si la désignation des coordonnateurs départementaux est venue trancher sur le vif toutes les polémiques larvées, il se dit dans les milieux autorisés que Jean Nkueté devra éteindre le feu qu’il a lui-même allumé, à travers le rejet quasi-systématique des requêtes sur les fraudes et autres dérives qu’avaient engendrées ces opérations de renouvellement.
La mine
Les observateurs lui prédisent deux foyers d’hostilité principaux. Le Diamaré et la Bénoué. « Dans le Diamaré, certains militants n’ont pas oublié que son adjoint - Grégoire owona, alors président de la Commission régionale de supervision de ce scrutin, avait voulu faire annuler les opérations de vote dans certains bureaux avant de se voir opposer une fin de non-recevoir par sa propre hiérarchie, suivant une sortie de Jean Nkueté en personne », font observer les analystes. Cette décision, même si elle s’inscrivait dans une politique globale du Comité central visant à ne pas donner suite aux requêtes, était interprétée comme la marque d’une dissonance entre le secrétaire général et son adjoint, sur fond de positionnement de leurs pions.
A Garoua dans la Bénoué, le sentiment est identique. De nombreuses récriminations acheminées jusqu’au Comité central, avec des éléments matériels de preuve, n’avaient nullement décidé Jean Nkueté et son Comité à prendre en considération les cris de détresse de nombreux militants. Aujourd’hui, dans la capitale du Nord, il se dit que le parti est entre les mains des responsables impopulaires, et la décision de nommer Mme Adjidja Alim comme coordonnatrice départementale de ses activités, devant de nombreux autres poids lourds que compte le parti dans la Bénoué - El Hadj Garga Hayatou, Yao Aïssatou, Paulette Hayatou, n’est pas de nature à arranger les choses.
Et pour cause, de nombreux militants se rappellent la huée qu’elle avait essuyée à son arrivée à Garoua en novembre 2015, à l’occasion de la célébration de la fête anniversaire du Renouveau national. En outre, on l’avait présentée du côté de ceux qui avaient attisé la fraude lors du renouvellement. Et même si à la faveur des appels à candidature de Paul Biya à la prochaine élection présidentielle, elle a semblé de démarquer des personnalités identifiées comme des fossoyeurs du parti dans la Bénoué, il reste qu’elle traîne comme nombre de ces personnalités, l’image d’une affidée de Marafa, à qui elle doit son explosion politique, selon des commentaires issus des milieux autorisés.
Proches de Marafa
Et c’est l’autre équation qui vient compliquer la mission de Jean Nkueté dans le septentrion : installer et donner le pouvoir aux personnalités reconnues comme des proches de Marafa, pourtant présenté comme l’ennemi N°1 du régime Rdpc aujourd’hui. Concernant Mme Youssouf Adjidja Alim - la désormais coordonnatrice du parti dans la Bénoué, des cancans rapportent sur son compte qu’elle s’était enfermée dans son bureau pour pleurer à chaudes larmes, après l’arrestation de son mentor désormais en disgrâce.
A moins que l’autre versant de la mission du Secrétaire général ne consiste à rallier à la cause du parti au pouvoir ces proches de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, il est de notoriété que les affidés de Marafa s’affairent à le soutenir lors de la prochaine élection présidentielle. En dépit de sa récente condamnation à 20 ans de prison par la Cour suprême, l’ancien Raïs de Garoua serait loin d’avoir mis la croix sur ses intentions présidentialistes. Même si l’on se demande comment une telle ambition pourrait prospérer, cette option est déclinée dans les milieux autorisés de la politique et de la diplomatie à Yaoundé. D’ailleurs, le pouvoir central serait parfaitement au faîte de cette ambition, au regard des notes collectées et acheminées par les services de renseignements.
Beaucoup d’autres indicateurs trahissent cette intention de l’ancien Minatd de challenger le régime lors des prochaines consultations électorales. D’abord, sa posture à la suite de sa condamnation devant la Cour suprême. Le candidat supputé à la présidentielle n’a pas affiché la moindre marque d’affliction, se montrant plutôt stoïque et combattif, en dénonçant un complot contre sa personne. Ensuite, depuis quelques temps, des sources autorisées évoquent la gestation d’un parti politique fédérateur du grand Nord, qui pourrait porter le moment venu la candidature de l’ancien ministre à la présidentielle.
A cette fin, des équipes auraient sillonné les capitales des 3 régions du septentrion à l’effet de convaincre les militants du parti au pouvoir et même de certains partis de l’opposition de se tenir prêts à démissionner pour rallier la nouvelle formation dès sa légalisation, à en croire quelques indiscrétions. Dans la foulée de cette préparation, notre journal avait évoqué 2 réunions organisées tout récemment à Yaoundé par les proches de l’ancien ministre, avec des personnalités insoupçonnées du sérail. Cerise sur le gâteau, la France, dont personne n’ignore le jeu dans la désignation des Chefs d’Etat en Afrique, et particulièrement en Afrique francophone, se montrerait intéressée par le cas Marafa. On le disait le chouchou de Sarkozy dans la perspective de l’alternance au Cameroun, même François Hollande aurait succombé au charme de l’ancien Sg/Pr.
Dans les milieux diplomatiques, on fait état depuis quelque temps d’une lettre du président français recommandant à sa chancellerie de Yaoundé de suivre de très près l’évolution du cas Marafa, présenté comme un « prisonnier politique », sans que l’on sache s’il est comme Michel Thierry Atangana par exemple un citoyen français. Une préoccupation qui donnerait un sens à la présence d’un français au rôle flou aux réunions sus-évoquées de Yaoundé.
Même la « consternation à Garoua » dont faisaient état certains médias à la suite de la condamnation de Marafa, participe d’un plan bien ourdi pour préparer l’opinion au retour au premier plan de l’ancien Homme fort de Garoua. Face à autant de déterminations, que peut bien Jean Nkueté, manifestement envoyé dans un chaudron, pour faire resplendir la flamme du Rdpc ?
Question de conscience qui démontre que la mission du Sg/Cc dans le septentrion est loin d’être une sinécure, s’il ne joue pas là son avenir politique, à quelques jours du congrès annoncé du Rdpc, qui pourrait préfigurer un remaniement ministériel, et au moment où certaines sources indiscrètes évoquent l’éventualité d’une visite du président Paul Biya dans le septentrion dans les jours à venir.