Expert en question ferroviaire et ancien prestataire à la CAMRAIL, il analyse la publication par le président de la République du rapport d´enquête relatif à la catastrophe ferroviaire d’Eseka et apprécie la mise sur pied d´une société en charge du Patrimoine, non sans se projeter vers l´avenir du rail au Cameroun.
En votre qualité d’expert ferroviaire reconnu au Cameroun et même dans le continent et homme politique comment réagissez-vous à la publication des résultats d’enquête sur le drame d’Eséka?
L’Etat du Cameroun est responsable de la sécurité des personnes et des biens. En sa qualité de chef de l’Etat, le président de la République en s’adressant au peuple camerounais à travers ce communiqué après le travail remarquable abattu par la Commission d’enquête présidée par le Premier ministre, chef de Gouvernement selon les missions à elle assignées par lui, a répondu sans doute aux attentes des Camerounais sur ce dossier. Certains points non clarifiés dans ce communiqué le seront sans doute après l’enquête judiciaire. La responsabilité principale a été établie ; des sanctions exemplaires seront prises à l’encontre des responsables de cette catastrophe. Des mesures fortes ont été prises par le chef de l’Etat, afin qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus en essayant de limiter des risques. Je dois rappeler ici, que dans le cadre de l’avenant N°2 au contrat de concession ferroviaire signé le 04 novembre 2008 entre l’Etat et le concessionnaire, les missions de maître d’ouvrage délégué, maître d’œuvre délégué et prestataire de certains travaux ont été confiées à CAMRAIL. Elle est en charge de l’exploitation y compris celle des voyageurs, l’entretien et le renouvellement des infrastructures ferroviaires, l’acquisition et l’entretien du matériel roulant, et enfin elle est responsable de la sécurité dans ce secteur. A cet effet, l’Etat a mis à sa disposition des moyens financiers importants à travers des subventions et des crédits obtenus auprès des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale. Aujourd’hui un constat d’échec se dégage par rapport aux attentes lors de la mise en concession. L’Etat étant redevenu le grand investisseur du chemin de fer, il doit nécessairement reprendre les choses en main dans le cadre d’un affermage de fait pour assurer le développement de ce secteur stratégique pour notre pays.
Le président de la République, dans les mesures annoncées, a évoqué la création d’une société chargée du patrimoine ferroviaire. Qu’est-ce qu’une telle structure apportera concrètement?
La société de patrimoine ferroviaire saura prendre en compte tous les aspects politiques, économiques et sociaux d’un chemin de fer en préservant nos acquis et nos investissements. L’Etat a besoin de cette infrastructure pour certaines mesures sécuritaires de notre pays. C’est aussi un outil d’intégration sous-régionale. Sur le plan économique, son bon état à travers une maintenance selon les normes et son développement garantissent un transport en quantité et en qualité des matières premières, des marchandises, bref c’est un outil important pour l’économie nationale et celle de la sous-région. Il est essentiel pour l’industrialisation du pays. La limitation des vitesses et les déraillements dus au mauvais état de la voie et du matériel roulant impacte sur la compétitivité de notre économie. A titre d’exemple, sur une bonne voie ferrée comme la nôtre, on peut rouler jusqu’à 130km/h et les déraillements sont rares. La société de patrimoine ferroviaire va permettre de mettre en place, une structure en charge du contrôle technique du matériel roulant sur la voie ferrée (comme on le fait avec les véhicules) et des normes de sécurité. Ce qui va permettre d’éviter des catastrophes comme celle d’Eséka. Le transport voyageur interurbain et urbain sera mieux pris en compte. Le Centre de formation des métiers ferroviaires fermé à la mise en concession sera réhabilité. Tout ceci se passera en toute transparence et conformément au code des marchés publics.
Vous avez assuré la maintenance du rail avec la SITRAFER avant qu’un conflit avec CAMRAIL ne vienne mettre l’entreprise en faillite. Cette décision du chef de l’Etat pourrait-elle vous réhabiliter?
SITRAFER a été victime de la position dominante du concessionnaire et des pratiques de corruption. Cette entreprise était un fleuron de notre industrie qui n’était pas vu d’un bon œil par le concessionnaire qui voulait absolument contrôler seul ce secteur stratégique. Je souhaiterais que cette entreprise soit réhabilitée par l’Etat avec une nouvelle équipe managériale, car personnellement j’aimerais passer à autre chose. J’ai tout donné à cette entreprise malgré les coups bas. L’Etat voulait pourtant assurer son développement, malheureusement,
Assurer la sécurité des usagers et éviter les accidents seraient le leitmotiv de ces dernières décisions présidentielles. Comment cela vous permet de voir l’avenir du rail au Cameroun?
Nous n’inventons pas la roue, Les différentes missions de la société de patrimoine ferroviaire devraient être ambitieuses et réalisées selon les normes techniques et sécuritaires du secteur ferroviaires. Il y a des Camerounais compétents qui peuvent faire avancer les choses, il faudra les identifier et leur faire confiance.
En 2011 il avait été énoncé un projet pilote du tramway dans la ville de Douala et votre société était en pole position pour réaliser ladite infrastructure où en est-on avec?
Ce projet pilote a été même annoncé par le chef de l’Etat. SITRAFER devait assurer les études avec ses partenaires et à sa réalisation. Nous avons compris que Douala par exemple a besoin d’un système de transport de masse par tramway pour promouvoir l’industrialisation. Pour des intérêts inavoués, le concessionnaire et certains lobbies ont tué ce projet en sacrifiant SITRAFER. Je suis convaincu que la société de patrimoine ferroviaire avec sa tutelle le ministère des Transports vont relancer un tel projet pilote pour l’intérêt du Cameroun.