En 1977, Ahidjo est au faîte de sa puissance arrogante. Une succession d’événements l’a porté à ce stade suprême de son pouvoir absolu. Il y a d’une part la constitution de 1972 qu’il impose au peuple Camerounaise et grâce à laquelle il annexe la partie anglophone de notre pays, il y a le fameux congrès de 1975, baptisé congrès de la maturité qui fait d’Ahidjo le maître absolu du jeu politique Camerounais. Pourtant, le pouvoir absolu d’Ahidjo est de plus en plus contesté et dans l’ordre de cette contestation, on peut retenir trois événements. Il y a d’abord la prise de position du Professeur Bernard Fonlon qui s’exprime dans deux actes fondamentaux. Fonlon démissionne du Gouvernement pour marquer son désaccord sur la constitution de 1972 et en 1975, il publie un magnifique texte intitulé « devoir d’aujourd’hui » qui marque sa rupture d’avec le parti unique. Pour Fonlon, le destin historique du parti unique c’est le despotisme. « En effet, aujourd’hui, partout en Afrique, les gens s’entendent dire que le système du parti unique est devenu indispensable en vue d’accélérer le développement économique et social du continent. Mais dans certains pays africains où ce système a été mis en vigueur, nous avons assisté à la suppression de la liberté, à l’élimination du dialogue, à l’imposition du silence et à la montée du despotisme ». Après ce constat d’évidence, Fonlon Pose cette question brutale et subversive au dictateur : « Ainsi, puisque les événements… Nous ont appris que le système du parti unique …risque de se dégrader en absolutisme et en autocratie, le problème auquel nous sommes confrontés en Afrique est le suivant : Comment allons-nous pouvoir instituer un système de parti unique sans porter atteinte à notre système démocratique ? ». Cette interrogation est une critique radicale de l’arbitraire souverain de Ahidjo qui, deux ans plus tôt avait imposé au peuple camerounais, avec la complicité de la France (2) une constitution sans débat. D’où cette revendication de Fonlon qui reste d’actualité. « Protéger les droits de citoyens, assurer leur liberté, garantir l’égalité, maintenir la souveraineté de la loi, assurer l’exercice équitable et judicieux du pouvoir, et permettre que s’organisent sur toutes les questions d’intérêts publics des débats francs libres et approfondis ». L’autre événement constitutif de la contestation du pouvoir absolu d’Ahidjo est, ensuite, en 1976, l’organisation et la pratique, par le Manidem-Upc de la résistance populaire qui a historiquement montré les limites de la dictature face à la volonté de lutte d’un peuple. Le troisième événement enfin, de la contestation du pouvoir du pouvoir absolu de Ahidjo, c’est la publication par Jean-Philippe Guiffo Mopo, alors enseignant chercheur à l’Université de Yaoundé, d’un recueil de textes intitulé : Constitutions du Cameroun, Documents Politiques et Diplomatiques (3). Dans ce recueil on trouve réunis, pour la première fois, l’ensemble des traités et accords de coopération entre la France et le Cameroun. Jean-Philippe Guiffo. Mopo est arbitrairement exclu de l’université tandis que la gent universitaire yaoundéenne de l’époque observe à l’endroit de ces traités et accords franco-camerounais un silence coupable et complice. En rendant aujourd’hui public ces traités et accords de coopération, Galaxie (4) les soustrait du secret d’Etat et du Champ clos universitaire. Le mérite historique de Galaxie c’est d’avoir soumis ces traités et accords de coopération au grand public, donc au jugement du peuple souverain. Nous, peuple camerounais sommes désormais sommés d’avoir à réexaminer, en toute connaissance de cause les rapports « maître/esclave » qui nous lient à la France et dont ces traités et accords de coopération constituent la cadre juridicopolitique monstrueux.
Ce traité et accords franco-camerounais, constituent la version tropicale du Code Noir, ce monstre juridique que la France de Louis XIV et de Napoléon Bonaparte a inventé pour réduire le Peuple Noir à l’esclavage. De ces traités et accords franco-camerounais, Galaxie a dit qu’ils constituent pour le peuple camerounais le nœud gordien. Belle et heureuse formule ! On sait, historiquement, que c’est par l’épée qu’Alexandre a tranché le nœud gordien. D’où notre question : Qui donc, dans la conjoncture historico-politique d’écroulement et d’explosion doit incarner la figure héroïque d’Alexandre ? (5). Il est en tout cas urgent qu’émerge ici et maintenant un autre Toussaint Louverture. Une lecture critique de ces traités et accords franco-camerounais montre que leur finalité historique est la négation absolue de la souveraineté du peuple camerounais. A travers ces traités, le peuple camerounais n’est ni maître de sa diplomatie, ni maître de son armée, laquelle n’a jamais été historiquement une armée de libération nationale mais qui très souvent et dès sa naissance a tourné ses armes contre le peuple souverain. L’inaptitude de notre armée à défendre les frontières de la République est inscrite dans la logique qui gouverne les traités et accords franco-camerounais. La nullité diplomatique de notre pays sur la scène internationale ainsi que l’effondrement de notre économie sont les effets pervers de ces traités et accords de coopération. La dévaluation du franc Cfa qui a plongé notre peuple dans la misère absolue est l’expression ultime de la trahison et négation de la souveraineté du peuple camerounais. Exemplaire à ce titre est la violation par la France de l’article 31 de l’accord de coopération en matière économique, monétaire et financière et qui stipule : « Toute modification apportée à la parité entre l’unité monétaire utilisée au Cameroun et le franc Français ne s’effectuera qu’après accord entre les deux parties ». Peut-on dire que la décision de dévaluer le franc Cfa, donc de modifier la parité entre le franc Français et le franc Cfa, en Janvier 1994 à Dakar fut le résultat d’un accord négocié être les deux parties ?
Dans cette farce organisée par la France avec la complicité active de ses Elèves africains, notre souveraineté a été blessée et bafouée. Notre peuple est fondé à demander des comptes à la France.