Actualités of Monday, 4 October 2021

Source: www.camerounweb.com

Sultan Ibrahim Mbombo: des vérités cachées du Palais de Foumban révélées

Le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya Le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya

Le palais de Foumban dont le feu roi Ibahim Mbombo Njoya avaient en charge, regorge de secrets sur sa gestion et son fonctionnement. Dans le livre "Le Cameroun, les Bamoun et moi" de Moussa Njoya, Chapitre 7 et publié aux Éditions du Schabel en 2019, le roi de son vivant a tout livré sur les circonstances de la mort de son père à Paris, l'annonce aux grands notables de Foumban, son choix comme successeur à 55 ans et les grands changements que ce choix a apporté dans sa vie monogamique qu'il avait avec sa première femme et ses enfants.

Il a également détaillé tout sur sa vie de Sultan, les raisons pour lesquelles il avait décidé ne plus rentrer au gouvernement et sa succession parmi ses fils.
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Voici l'extrait du livre de Moussa Njoya

Parlons maintenant de votre accession au trône. Vous étiez-vous préparé à accéder au trône des rois bamoun ?

Je n’avais jamais pensé un seul instant que j’allais monter sur le trône, que je serai sultan roi Bamoun, parce que l’âge que j’avais ne me permettait plus de penser que je pourrais encore être sultan roi des Bamoun, a 55 ans ! En plus, je menais vie une vie simple que j’estimais incompatible avec ce genre de poste. Je ne l’ai jamais souhaité !

C’est même pour cela que je me suis marié avec une Batanga, pour être rayé de la liste des prétendants (long rire). Mais avant de le faire, j’en ai parlé à mon père, qui m’en a donné la permission.

C’est pour cela que quand mon père est décédé…. ! D’abord j’ai tout fait pour son évacuation, avec l’aide du président de la République, et en tant qu’aîné des enfants restés en vie.

Et j’avais donné des instructions aux médecins à Paris, que si quelque chose arrivait à mon père, qu’ils ne portent cela à la connaissance de qui que ce soit avant de m’avoir contacté ; qu’ils n’alertent personne d’autre que moi, pour ne pas attirer l’attention

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je n’avais pas voulu l’accompagner dans son voyage sans retour à Paris, pour ne pas donner l’impression aux gens que j’avais voulu faire comme mon père qui avait accompagné le sien lors de son voyage à Yaoundé où il est mort, pour revenir lui succéder. Certaines mauvaises langues auraient même pu dire que je l’ai « aidé » à partir, pour pouvoir prendre la place. C’est pour ça que je me suis réservé de l’accompagner.

Dieu merci les médecins français ont bien observé mes consignes, mes instructions en ce qui concerne l’annonce du décès de mon père. Si je l’ai fait, c’est parce que j’avais peur que si les gens avaient su immédiatement que le Sultan est mon. le temps que je quitte Yaoundé et arrive à Foumban. ils auraient tout vendu et même brûlé le palais. Le palais aurait été vidé.

Quand on m’a annoncé le décès de mon père dans l’après-midi, j’ai immédiatement pris la route pour Foumban avec deux de mes frères, dont Idriss Pafouyouom qui est décédé dernièrement. Nous avons pris la route pour arriver à Foumban dans la nuit, parce que si on m’avait vu à Foumban le jour, on allait comprendre. Les gens allaient se demander ce qui se passe. Ça allait toujours attirer l’attention.

Mais avant d’arriver à Foumban, je me suis arrêté à la base aérienne de Koutaba pour demander au commandant du Btap57 de prendre des dispositions sécuritaires. Et quand je suis arrivé ici, j’ai appelé le procureur. qui était un ami. et dans la nuit, on a tout fait pour sceller tout le palais. Le malin on a envoyé des gendarmes et des militaires pour sécuriser le palais. On a pris toutes ces dispositions chez moi, là à l’entrée de Foumban.

J’ai ensuite fait appeler une des reines, Machüt et un Nkom58, Nji Monchare. Ils sont venus dans la nuit. J’ai également fait venir le garçon de course du Sultan qui gardait les clés du Roi et du palais. Je leur ai alors annoncé la nouvelle, en leur disant de la garder pour eux. De ne pas en parler, jusqu’à ce que j’arrive à Yaoundé le lendemain à midi pour faire un communiqué. Je leur ai aussi dit que si en voyant les gendarmes et les militaires, les gens commencent à dire qu’il y a deuil, qu’ils leur disent que des voleurs ont voulu rentrer dans le palais, et que c’est pour cela que, dans la nuit, on a installé la sécurité.

J’ai ensuite fait savoir que la reine Manchüt, un des Nkom, Njiassèm, qui est lettré, et une autre reine vont aller à Paris le lendemain ou le surlendemain pour apporter les habits traditionnels, car mon père avait désiré être enterré en vêtements traditionnels, et qu’on lui fasse les rites mortuaires traditionnels là-bas.

J’avais pris des dispositions pour ça ! Et à 2 ou 3 heures du matin, j’ai repris la route pour Yaoundé. Même ma mère ne savait pas que j’étais venu à Foumban. Ni mes sœurs. Je suis rentré sur Yaoundé, et c’est au niveau de Bafia, ce jour-là, que j’apprends le décès de Madame Jeanne Irène Biya en écoutant Rfi dans la voiture.

J’arrive à Yaoundé, je prépare un communiqué qui sera lu au journal parlé de 13 heures. C’était un mercredi, car j’étais déjà rassuré que sur le plan sécuritaire nous ne risquions plus rien, et que sur le plan coutumier j’ai fait ce qu’il fallait faire, car le nécessaire pour faire les rite? étaient envoyés à Paris pour qu’ils soient fait là-bas. Voilà !

Mais pourquoi preniez-vous toutes ces dispositions, si vous ne vouliez pas être sultan ?

J’ai agi en tant qu’aîné de la famille, puisque mon frère Nji Marna était décédé des années avant, et c’est moi qui ai encadré tous mes frères et sœurs. Ceux qui sont derrière moi, la plupart d’entre eux, c’est moi qui leur ai trouvé un emploi, c’est moi qui les ai placés. Ainsi, je n’avais quoi que ce soit à disputer avec eux.

Qu’avez-vous avez fait par la suite ?

Dès que le communiqué est sorti, j’ai repris la route jeudi pour Foumban pour venir organiser les obsèques officielles du sultan. Sur le plan pratique, il fallait envoyer de la nourriture dans les maisons de toutes les reines, il fallait faire tuer les bœufs, etc.

Tout ce que j’avais comme cheptel est passé là-dedans. Là où j’habite là, derrière, c’était la cuisine où les princes faisaient à manger pour les gens. C’est mon adjoint Nji Idriss Pafoyom qui s’en occupait, parce que j’avais confiance en lui. C’est lui qui gérait tout ça ! Je lui avais donné de l’argent pour cela. Il a très bien géré ! Vous savez, j’étais très content de l’avoir comme premier adjoint. Il a joué un très grand rôle.

Et comment s’est alors fait votre désignation ?

J’étais très surpris (Il a l’air grave). Parce que je m’aperçois que mon père avant de mourir avait laissé son testament à neuf personnes, parmi lesquelles Njimonbèh, le sous-préfet à la retraite, Lehrer Fondeùh qui était son secrétaire, aussi, et qui était pourtant mon ami avec qui je faisais les quatre cents coups, mais qui ne m’avait jamais rien dit. Ça faisait vingt ans qu’il avait fait ce testament, et qu’il l’avait remis à ces gens-là.

J’ai été très touché par ce comportement-là ! Je n’ai jamais vu ça ! J’étais pourtant ministre ! Ces gens-là auraient pu venir me voir, pour me dire : « Voilà, j’ai un secret pour toi. Voilà, j’ai le testament de ton pcre », comme les gens ont tendance à le faire aujourd’hui. C’est comme ça que ça se passe, n’est-ce pas ?

Personne d’entre eux, même ceux qui étaient très pauvres, ne l’a pas fait. Il y a le père d’un professeur de l’université de Dschang, qui est maintenant Titâfonh, son père quand je venais souvent ici, je lui offrais des chaussures et il en était très fier. Après, je lui disais, « Nganjüh il faut venir me voir », mais il ne venait pas !

Tous ces gens-là que je connaissais, avec qui j’étais 24h/24, personne d’eux n’a trahi le secret.

Pourquoi ont-ils si bien gardé ce secret ?

Quand je le leur avais demandé plus tard, ils m’ont fait savoir que quand le Sultan leur remettait cela, il prenait une Kola, il en mangeait un bout et donnait l’autre bout de la Kola à son interlocuteur qui la mangeait et mettait ensuite mettait le testament dans le sac. Ils avaient tous, chacun un petit sac, dans lequel ils mettaient le testament. . Voilà comment ils scellaient leur silence !

Concrètement, comment s’est passée votre intronisation ?!

Le 08 août 1992, je suis rentré, j’étais fatigué, je suis monté chez moi pour me reposer. J’ai même dormi avec le boubou que je portais, car j’étais trop fatigué. C’est à minuit que Lehrâh Fondeùh est venu m’annoncer qu’il y a un des serviteurs qui est gravement malade et qui est-dans le coma. Comme c’est moi qui étais le responsable de tout le monde, je me suis levé, j’ai mis les babouches et on est monté dans sa voiture, avec un autre.

Quand on est arrivé au palais, j’ai voulu entrer par la grande porte, il m’a dit : « On ne rentre pas par ici, on va passer par l’arrière. On passe par l’arrière-cour là-bas ». J’ai dit : « d’accord ». Je suis entré dans le premier salon, j’ai vu quelqu’un allongé par terre, on m’a dit « c’est lui qui est là ». Quand je me suis approché de lui, il s’est levé. C’est là que j’ai commencé à sentir qu’il y a quelque chose, qu’il y a anguille sous roche.

Par la suite, il me conduit devant la porte où se trouvaient les Nkom, où dormaient les exécuteurs testamentaires, à l’intérieur du palais. J’y entre et leur demande, « qu’est qu’il y a ? Si vous voulez que je vous indique où j’ai installé le quartier général des princes et des princesses, c’est au tribunal coutumier. ».

Ils répondent : « Nous connaissons ! Nous savons ! ». Je leur dis, « si vous voulez qu’on aille ensemble chercher l’héritier, je suis d’accord. On y va ensemble ! ». Ils me disent, « Non ! Non ! Entrez ! Entrez ! ». Ils m’ont mis dans une chambre. Il y avait juste un lit en bambou, et un grand lit. Celui de mon père. Je me suis allongé sur le lit èn bambou, et j’ai été emporté dans le sommeil m’a pris. J’étais trop fatigué..

C’est à 5 heures dû matin que je me suis levé. Je vois neuf personnes tout autour de moi. Non ! Tout d’abord, on vient m’annoncer que c’est l’heure de la prière. Je me lève, je vais prier, puis je reviens me rendormir. A 5h30 du matin, je vois neuf personnes qui m’entourent, comme quand les magistrats vont annoncer à un condamné à mort que, « votre recours en grâce a été rejeté par le chef de l’Etat. Vous serez exécuté demain à telle heure ». C’est l’impression que j’ai eue. Vous savez, j’ai eu à assister à ce genre de scène quand j’étais chef de cabinet au ministère des Forces armées.

C’est là qu’ils me disent : « Voilà, c’est toi qui es le successeur ! ». Je dis, « non ! Non ! Non ! Arrêtez ! J’ai maintenant cinquante cinq ans. Je ne suis pas un enfant. Il ne faut pas me faire des choses comme ça, comme si j’étais un enfant. Parce que ça ne m’intéresse pas ce que vous me dites là ». Ils me rétorquent : « Non ! Non ! Non ! Voilà ! Notre frère a dit que c’est toi l’héritier ! ».

Je dis, « bon ! Je ne suis pas d’accord. Si vous voulez, on va chercher un jeune, parce qu’à mon âge, je ne sais pas si je vais mourir demain ou après-demain. On va chercher un jeune qui va vivre plus longtemps, qui aura le temps de faire des enfants, pour que sa succession soit assurée. Moi, je suis déjà vieux ! ». Ils répètent : « Non ! C’est toi !».

Je suis resté comme ça, totalement désemparé ! Ce qui m’est venu directement dans la tête, je me suis dit, « mon père m’aimait beaucoup ». Je vous ai dit que mon père m’aimait beaucoup ! Et je le sais, il m’aimait beaucoup ! Beaucoup ! Beaucoup ! A la fin, je n’étais plus comme son fils. J’étais comme son confident. Je me suis alors dit que si je refuse, je l’aurais trahi. Je me suis donc dit, « tant pis ! Même si je vais mourir ! Je vais faire ce que je ne veux pas, ce que je n’aime pas pour lui. Je lui renvoie l’ascenseur ! ».

Voilà ce qui m’a poussé à accepter. J’ai dit, « oui ! Si je refuse je l’aurais trahi

J’ai alors compris trente-deux ans plus tard, sa décision de me rappeler au Cameroun.

J’étais malheureux ! J’ai pleuré ! J’ai dit : « je n’ai plus que mes larmes pour pleurer ». Les Nkom m’ont alors demandé, « levez-vous pour aller vous habiller ».

Pendant ce temps, j’entendais Mômafon Rabiatou pleurer dans une autre chambre. Pour elle, on était allé lui dire que sa mère est malade. Elle pleurait et je pleurais aussi.

Bref, j’ai dit : « on va y aller ! ». On est allé m’introniser, comme vous le verrez le 09 août prochain60, comment ça s’est passé exactement. Puisque le 09 août, je vais retracer comment ça s’est passé.

Après, on vous emmené où ?

Non ! On m’ajuste habillé, puisqu’on avait déjà annoncé qu’on va introniser le sultan le 09 août.

Et on vous a conduit directement à Feyèn Njah ?

Oui ! A Feyèn Njah là ! Comme vous le verrez le 09 août ! On va refaire exactement comme cela s’est déroulé, je serai moi-même l’acteur principal de l’évènement, pour que vous sachiez comment ça se passe !

Bref, après la cérémonie, je suis revenu au palais.

Une fois Sultan, cela a chamboulé votre vie, personnellement ?

Mais j’étais obligé de m’adapter à cette vie-là. J’étais habitué à vivre avec mes enfants, à manger avec eux à table, avec leur maman. A vivre la vie moderne. Je me retrouve maintenant avec la polygamie entre les mains !

Sultan, il a fallu que je change complètement ma vie ! Que je m’adapte à une nouvelle vie qui n’était pas la mienne. Ce qui n’est pas facile !

Et les enfants, et votre femme, comment ont-ils accueilli ces changements ?

Non ! Non ! Ma femme n’a pas accepté ! Elle n’a pas accepté. (Son regard s’obscurcit). Elle n’a pas pu accepter. Parce que je lui ai dit, « Il faut absolument qu’on.trouve une formule, parce qu’on n’a pas voulu ça ! C’est Dieu qui nous a envoyé ça ! Ni toi, ni moi, nous n’avons cherché à être là où nous sommes aujourd’hui.

Donc, il faut respecter la volonté de Dieu ! Et pour cela, un il faut que je puisse être en règle avec Dieu. Tout d’abord, il me faut quatre femmes, donc je dois être polygame. Et il faut que je sois en règle devant la loi. Notre mariage, c’était un mariage monogamique, biens communs. Si je ne me mets pas en règle avec la Loi, tu peux me porter plainte, puisque je ne serais pas en règle. Alors, ou tu acceptes la polygamie, ou on divorce à l’amiable ! ».

Elle a dit qu’elle préfère divorcer ! J’ai eu beaucoup de problèmes ! Ce n’était pas facile ! Ce n’est pas du tout facile de se séparer d’une femme avec qui on a passé plus de trente ans ensemble !

Bref, j’ai passé un moment très difficile ! Pour mes enfants, heureusement qu’ils étaient déjà tous adultes, ils travaillaient déjà ! S’ils avaient été des petits enfants, ils auraient été très malheureux. Heureusement qu’ils étaient déjà adultes, conscients. Ils réfléchissaient, ils voyaient que les choses ont changé. Ils devaient me saluer de loin. Ils ne pouvaient plus venir s’asseoir sur mes genoux ! C’était beaucoup de changements ! Ils ne pouvaient plus manger à table avec moi. C’étaient beaucoup de choses qui peuvent vous traumatiser ! Mais j’ai accepté, pour mon père!

Comment un roi encadre et vit-il avec sa famille, ses femmes et surtout ses enfants ?

En principe, comme je vous l’ai dit plus haut, l’éducation des enfants du roi en pays Bamoun relève des notables, qui assurent leur suivi afin d’avoir des princes et des princesses exemplaires. En tout cas, c’est ce qui se faisait à l’époque.

Et quand les enfants du roi rencontrent un problème certain. Ont-ils à faire au roi des Bamoun ou à un père ?

Sur la place publique, ils se comportent en Bamoun et doivent au Roi tous le respect et les hommages qui lui sont dus. Quand bien-même c’est un père, ils doivent par exemple se courber pour le saluer, comme tout le monde.

Mais en pratique, le roi a toujours un agenda qui lui permet d’être en privé avec ses épouses et ses enfants et de résoudre leurs problèmes, comme tout bon père de famille.

Et comment un roi bamoun choisit-il ses épouses ?

Quand tu es Sultan, tu ne sors pas ! On t’amène des épouses ! Mais il y a des règles. Par exemple, la première femme du roi doit toujours venir de la concession de Nji Monchouh, qui est de Mambain. Et le reste, on te les amène !

Si tu as beaucoup d’appétit, tu peux avoir même 130 femmes ! (Long rire). Chaque jour, des gens viennent et veulent que leurs filles soient des épouses du Sultan. Les gens m’ont proposé beaucoup de mariages auxquels j’ai dit non !

Je me suis limité à huit femmes. Quatre que j’ai épousées sur le plan religieux, et toutes que j’ai épousé sur le plan civil pour éviter des frustrations.

Comment se déroule le mariage religieux du sultan ?

Comme le mariage de tout musulman ! C’est pour cela que je vous ai dit que j’ai fait seulement quatre mariages religieux, car c’est la limite autorisée par l’islam. Après, pour ne pas frustrer les autres, j’ai fait le mariage civil avec toutes !

Et vos mariages civils, qui les a célébrés ?

C’est l’ancien maire de Magba, feu Pekassa Tiani Olivier, qui venait les célébrer. Mais le mariage avec l’une d’elle a été célébré par le maire de Bandjoun, Fotso Victor.

Les premiers jours de son règne, que fait le roi ? Vous passez votre temps à dormir ? Vous faites quoi, exactement ?

Comment ça, vous passez votre temps à dormir ? (Rires). Les gens veulent vous voir. Tous les Bamoun veulent voir leur roi. Avant que je ne fasse une tournée dans le pays Bamoun, il y a des gens qui veulent voir leur roi toute la journée. Je m’asseyais donc devant la cour, pour être vu. Et le soir je rentrais pour recevoir la famille, etc. Ça, c’est un autre chapitre, car ça concerne mon intimité.

Pourquoi vous avez décidé de ne plus être ministre, après votre intronisation ?

Non ! Je crois que tu es un Bamoun aussi ! Tu ne peux pas me poser une telle question ! Parce que tu sais très bien que, malgré ce que les Bamoun racontent ici et là dehors, s’il n’y avait pas de sultanat, il aurait fallu en créer un pour les Bamoun.

Le Bamoun peut insulter son roi, il peut tout dire, mais quand il a un problème, il se réfère toujours au Palais. Moi, je vois ça tous les jours. Même les gens qui étaient dans l’opposition là, ils viennent toujours au palais. Donc, les Bamoun ne peuvent pas accepter de voir leur Sultan à Yaoundé, entrer avec un sac à main, voir des gens qui viennent lui dire,

«Monsieur, mon dossier qui était là se trouve à quel niveau ?» ; ou bien des gens qui viennent crier dans son bureau. Les Bamoun n’accepteraient pas ça !

Même toi qui me pose cette question, tu ne peux pas accepter cela ! Tu vas dire, « qu’est-ce que le sultan est en train de faire là ? Le palais c’est fini ! ». Quand j’ai pris le pouvoir, le président de la République est venu quelque temps plus tard au deuil, vous savez qu’il avait perdu sa femme au moment de la mort de mon père.

À cette occasion je lui ai dit : « Monsieur le président ce que je vois depuis que je suis devenu sultan, à Foumban, je ne peux plus rentrer au gouvernement. Les Bamoun ne peuvent pas accepter ça ! ».

Donc, depuis que vous êtes venu au deuil de votre père, vous n’êtes pas retourné dans votre bureau de membre du gouvernement à Yaoundé ?

Non ! Je n’ai même pas fait de passation de sendee ! C’est mon chargé de mission, l’ancien président du conseil électoral d’Elecam, Fonkam Azu’u, qui venait me faire signer le courrier ici, jusqu’à ce qu’on nomme un nouveau ministre. Je n’ai plus bougé ! Je ne pouvais même pas bouger ! Mais, toi-même tu vois comment je vis ! Est-ce que j’ai une vie normale ?

Si j’étais à Yaoundé, comment feraient les dizaines de gens qui viennent me voir chaque jour ? Quelqu’un dort mal dans son lit, il vient voir le Sultan, « sultan je n’ai pas bien dormi, j’ai fait un mauvais rêve, etc. ». Il a besoin de ça ! Il y a un deuil, il faut aller le dire au sultan. Il faut que j’envoie quelqu’un, etc. Ils ont besoin de ça ! Il va les prières, il faut aller chez les musulmans, chez les protestants, chez les catholiques, etc. Voila ! Ce sont tous mes enfants ! Ce n’est pas en étant à Yaoundé que je vais assumer toutes ces charges !

Et si vous étiez devenu président du sénat, comment cela se serait géré ?

Ça, c’est aussi une chose ! Les Bamoun qui étaient contents quand on m’a nommé sénateur, et qui disaient, « il faut que le Sultan soit président du sénat », disent aujourd’hui « Dieu merci comme on ne l’a pas élu à la tête du sénat ». (Rires).

Toi par exemple, tu serais venu m’interviewer maintenant ?

Quelles sont les premières difficultés que vous avez rencontrées en tant que Sultan ?

Il y a celles dont je viens de vous parler concernant la famille. Face aux réprobations de certains de mes frères, et aux menaces de certains qui ne voulaient pas de moi en tant que sultan, afin de mieux manipuler le palais à leur guise et pour leurs intérêts, j’ai juste dit que, « je n’ai peur de rien !. Si je suis là, c’est par la volonté de Dieu ! Il sait déjà quand je vais partir ! Personne ne peut m’intimider ! Tout ce qui arrive, c’est la volonté de Dieu ! »

Que diriez-vous à votre enfant qui vous succédera ?

On a tout dit à ce sujet dans le livre ! (Rires). Quand il va me succéder, il devra s’en inspirer et savoir comment ça a marché. On y a tout dit !

Et pour les éventuels opposants à son règne ?

Il y a toujours eu des opposants dans l’histoire du trône bamoun. Il y a eu Mosé Yeyap, Gbetnkom Ndombouo, etc. Il y a toujours eu les opposants. On y est habitué. Mais il doit savoir que ça ne sera pas un long fleuve tranquille.

Extrait du livre “Le Cameroun, les Bamoun et moi”, Chapitre 7, publié aux Éditions du Schabel en 2019.