Actualités of Tuesday, 8 March 2022

Source: La Nouvelle n° 634

Téléphone de Paul Biya : le coup de force raté de Ngoh Ngoh

Paul Biya et Ngoh Ngoh Paul Biya et Ngoh Ngoh

Le ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence de la République (Sg/Pr) vient d’informer tous ses collaborateurs de la reprise en main par ses soins, de la gestion du réseau informatique de la présidence de la République. Une stratégie du Sg/Pr visant tout simplement à restreindre les accès au président de la République, compte tenu des différentes dénonciations qui lui parviennent tous ces derniers temps. Mais qu’est-ce qui peut bien faire peur à ce proche collaborateur du chef de l’Etat au point de vouloir museler toute la communication de la présidence de la République?

La correspondance de Ferdinand Ngoh Ngoh du 1er mars dernier est on ne peut
plus claire dans son contenu. Du moins, celle qu’il adresse à certains de ses collaborateurs, à l’instar du ministre Directeur
du cabinet civil (Dcc), mais également au Directeur de la sécurité présidentielle (Dsp). Non sans oublier le chef d’Etat-major particulier de
la présidence de la République, le commandant de la Garde présidentielle
(Com/Gp), l’intendant principal des palais et résidences présidentielles. Tout
comme les conseillers techniques et chefs des structures internes du secrétariat général de la présidence de la République, pour leur annoncer de la «reprise en main des réseaux des Tic de la présidence de la République par la Direction de l’informatique». Dans cette correspondance devenue
virale sur les réseaux sociaux, Ferdinand Ngoh Ngoh informe également ses collaborateurs de la présidence de la République de ce que c’est
désormais à la Direction de l’informatique qu’il revient «de prendre toutes les dispositions utiles et necessaires au fonctionnement et à la sécurisation des réseaux informatiques et de télécommunications de la présidence de la République». Et d’ajouter: «l’équipe de Camtel composée de Messieurs Ntim-ban Jeannot, Me-bande Armel, et Elang Antoine est remise à la disposition de son administration d’origine». Si ces importantes décisions visent à plus d’un titre à «pallier les dysfonctionnements constatés à cet égard », imperturbable, le Sg/Pr va également préciser que «les dispositions nécessaires et urgentes doivent être prises pour rétrocéder à la Direction de l’informatique, les différents codes informatiques et autres éléments nécessaires au bon fonctionnement des réseaux, dans le cadre d’une passation harmonieuse du service.» A la lecture de cette correspondance, ce qui va d’abord intriguer de nombreux observateurs, c’est bien le nombre restreint de destinataires à qui est adressée cette correspondance du Sg/Pr, surtout pour un service qui est censé concerner toute la présidence de la République. En effet, selon l’article premier du décret N°2011/412 du 9 décembre 2011 portant réorganisation de la présidence de la République, la présidence de la République comprend «le Secrétariat général; le Cabinet civil; la Grande chancellerie des ordres nationaux ; le ministère de la Défense, placé sous l’autorité d’un ministre
délégué; les services du Contrôle supérieur devl’Etat, placés sous
l’autorité d’un ministre délégué; les services chargés des Relations avec les Assemblées, placés sous l’autorité d’un ministre délégué; le ministère
des Marchés publics, placé sous l’autorité d’un ministre délégué ; les ministres chargés de mission; les ministres sans portefeuille, le cas échéant ; la Délégation générale à la sûreté nationale; la Direction générale de la recherche extérieure; les Conseillers spéciaux; les Ambassadeurs itinérants; l’Intendance du Palais de l’Unité, des Résidences et Pavillons
Présidentiels; l’Etat-major particulier du président de la République; la Direction de la sécurité présidentielle; la Garde présidentielle; le
Conseil national de sécurité; la Commission nationale anti-corruption; la Commission nationale des frontières; le Comité de suivi des grands Projets.»

MUSELER

Alors question: pourquoi sur la vingtaine d’organes que comprend cette structure, le ministre d’Etat secrétaire général de la présidence de la République a seulement choisi de s’adresser à 5, à l’exception des conseillers techniques et autres chefs des structures internes du secrétariat général ? Si répondre à cette lancinante question revient à entrer dans
les secrets des dieux, des langues qui ne cessent aujourd’hui de
se délier croient savoir qu’en optant ainsi, Ferdinand Ngoh Ngoh
veut d’abord museler ceux des proches collaborateurs du chef de l’Etat qui ont directement accès à lui et restreindre par la même occasion, le niveau d’informations qui pourraient parvenir au président de la République. Vrai ou faux ? C’est d’ailleurs chacun qui y va désormais de sa petite
anecdote. Ferdinand Ngoh Ngoh aurait pu s’adresser aux administrations de la présidence de la République rattachées à son service, (notamment la Grande chancellerie des ordres nationaux; les services du Contrôle supérieur de l’Etat; le ministère des Marchés publics; la Délégation générale à la Sûreté nationale, en ce qui concerne son administration; la Direction générale de la Recherche extérieure, en ce qui concerne son administration; le Conseil
national de sécurité; la Commission nationale anti-corruption; la Commission nationale des frontières; le Comité de suivi des grands projets), que
la pilule aurait pu être avalée. Mais s’adresser ainsi à celles qui
ne relèvent pas de sa compétence, comme ce fut le cas le 1er mars dernier, il
faut beaucoup d’audace pour le faire, et surtout se mettre à la place du président de la République qui est le principal patron de cette administration. Pour l’instant, Ferdinand Ngoh Ngoh demeure le secrétaire général de la Présidence de la République. Et rien d’autre ! Paul Biya quant à lui étant le président de la République, celui à qui le peuple camerounais continue
de faire confiance. Du moins jusqu’aux prochaines échéances électorales
présidentielles. N’en déplaise à tous ces requins déboulonnés qui se livrent aujourd’hui des batailles feutrées en attendant cette fameuse «fin de règne ». Serait-ce à cette aune que tous ces vautours veulent s’accaparer des codes téléphoniques du président de la République? Une mission pourtant placée sous la coupole de l’intendant des palais présidentiels. En effet, si le décret de 2011 portant réorganisation de la présidence de la République fait des services de l’intendance une véritable entité autonome, celui N°2000/136 du 12 juin 2000 portant réorganisation de l’intendance du palais et des résidences présidentielles lui octroie la gestion des télécommunications du président de la République. Ainsi, à chaque fois que le président de la République est appelé à effectuer un déplacement, ce sont les éléments de ce service qui se déploient généralement en mission avancée avec ceux des autres services comme la Dsp, le protocole d’Etat et la Gp, pour s’occuper de la sécurisation des télécommunications du chef de l’Etat et du lieu où va résider le président de la République.

DÉSTABILISATION

Une lecture fidèle du décret de 2011 détaille les missions dévolues, non seulement au secrétariat général de la présidence de la République, mais également celles qui reviennent aux autres services à l’instar de la Dsp, de la Gp, du chef d’état-major particulier de la présidence, et même des services de l’intendance des palais.
Des administrations
aujourd’hui autonomes. Seulement, depuis la signature de ce décret de 2011, c’est chaque haut responsable du Cabinet civil et du secrétariat général de la présidence de la République qui s’emploie, au gré de ses humeurs et de ses intérêts, à aller ubuesquement de sa petite interprétation, comme on l’observe aujourd’hui dans la sortie de Ferdinand Ngoh Ngoh du 1er mars 2022. Nous apprendrons ainsi dans la foulée que même les éléments de Camtel que le Sgpr a récemment mis à la disposition de leur administration d’origine, ne relèvent pas de sa compétence, mais de celle des services de l’intendance. Plus précisément des services de téléphonie du président de la République. On comprend donc la réticence du Directeur du Cabinet civil face à cette note du Sgpr. De même que celle des autres hauts responsables de la présidence de la République, principaux destinataires de ladite note du 1er mars 2022 comme le patron de la Dsp, qui ne parviennent toujours pas à comprendre pourquoi Ferdinand Ngoh Ngoh s’obstine résolument à contrôler les communications du président de la République. Surtout le but recherché par cette obstination et
l’agenda que celle-ci cache. En fouinant davantage dans les couloirs du secrétariat général de la présidence de la République, toute la semaine dernière, certains de nos fins limiers vont nous rapporter qu’au sein des administrations concernées par cette correspondance du Sgpr, on aurait cru que les principaux responsables s’étaient tous passés le mot: à savoir ne pas s’exécuter, face à ces instructions de Ferdinand Ngoh Ngoh qui s’apparentent étrangement à un véritable coup de force. Si le Directeur du Cabinet civil, Samuel Mvondo Ayolo, dit en petits comités ne pas être concerné par cette correspondance, surtout que son patron c’est le chef de l’Etat de qui il reçoit directement ses ordres, à la différence de Ferdinand Ngoh Ngoh qui est pour la plupart du temps souvent reçu en audience, c’est le même son de cloche qui retentit au niveau des autres services comme la Dsp, la Gp et l’Etat-major particulier du président de la République. En effet, le général de division Ivo Descencio, patron de la Dsp, tout comme le colonel Beko’o Abondo, commandant de la Gp, seraient selon nos sources, formels: ils n’obéissent qu’aux instructions données par leur patron, le président Paul Biya. D’ailleurs, il se raconte même en petits comités que ces deux hauts responsables de la sécurité du président de la République, ne cachent plus leur animosité à l’égard d’un Ferdinand Ngoh Ngoh devenu à leurs yeux, trop ambitieux et pourvoiriste. Vrai ou faux? Une chose reste indéniable : la décision prise par Ferdinand Ngoh Ngoh, ne serait rien d’autre qu’une nouvelle preuve de sa stratégie de faire main basse sur l’ensemble des institutions de la République. Ce qui ne suscite pas l’assentiment de ces hauts responsables davantage soupçonneux. Pour être plus précis, nos sources indiquent que le général Ivo Descencio ne mâche pas ses mots: «il n’aura rien !», aurait-il lancé en petits comités pour refuser de remettre les codes informatiques de la sécurité de Paul Biya à Ngoh Ngoh. «
Je ne recevrais ces instructions que de la bouche du chef de
l’Etat lui-même», aurait-il ajouté péremptoire en envisageant de demander clairement à ses éléments de fouiller désormais la voiture du ministre d’Etat Sgpr à l’entrée et à la sortie du palais comme c’est le cas pour les autres véhicules.

FINDELA RÉCRÉATION

Alors question: que cherche réellement le Sgpr, à travers sa frénésie expansionniste et son activité très dèbordante ces derniers temps? Surtout, quand on sait que celui-ci s’est non seulement illustré par son étrange entêtement à s’accaparer de la gestion de la ligne 94 du Minepat, mais également de la ligne 65 du Minfi, il y a lieu de se poser mille et une questions en le voyant ainsi s’immiscer au forceps dans le contrôle des télécommunications du président de la République. Comment ne pas donner alors raison à Lazare Atou qui, dans ses déclarations relatives au marché spécial de sécurisation du Port autonome de Douala-Bonaberi, subodorait une tentative de déstabilisation du régime par Ngoh Ngoh après la tenue de la Can Total Energie 2021? Mais en attendant de trouver une réponse appropriée à cette lancinante question qui n’arrête pas de tarauder les esprits dans le proche entourage du président Paul Biya, selon des sources généralement bien informées, le président de la République, informé de cette curieuse affaire depuis son village natal à Mvomeka’a où il se trouve depuis plus d’une semaine, aurait tout simplement sifflé la fin de la récréation en indiquant fermement, pendant le weekend, à Ferdinand Ngoh Ngoh qu’il ne veut plus entendre parler de cette histoire des codes informatiques de ses lignes téléphoniques. Sous-entendu: qu’il n’a jamais donné des instructions pour qu’on les lui remette, dans l’optique de faire sauter le dernier verrou sur sa sécurité pour que ce dernier accède à la dernière marche qui mène droit à son fauteuil présidentiel. Alors autres questions: qui a dit à Ferdinand Ngoh Ngoh que le fauteuil présidentiel à Etoudi
est vacant? Et que s’il faut trouver un remplaçant, c’est lui qui présente le meilleur profil au point de le voir s’agiter aujourd’hui comme un
bon diable dans un bénitier pour faire sauter le dernier verrou qui mène à ce fauteuil?