Actualités of Wednesday, 8 April 2015

Source: Agence Ecofin - Assongmo Necdem

Télévision numérique : Le Cameroun va droit vers un mur - François Wakata Bolvine

La sortie de François Wakata Bolvine fait grand bruit dans les milieux de la presse au Cameroun. Le conseiller du Premier ministre désapprouve le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, dans sa conduite du dossier de transition à la Télévision numérique terrestre (Tnt).

« Si je ne dis rien, vous vous doutez bien que c’est en raison de ma position de conseiller du Premier ministre. Obligation de réserve... Mais il serait bon que l’opinion sache que le Cameroun va droit vers un mur... », écrit François Wakata Bolvine dans une lettre adressée au journaliste Jean Vincent Tchienehom.

La correspondance a fini par être divulguée. Le conseiller du Pm y parle aussi en sa qualité de coordonnateur de l’unité technique opérationnelle du Cameroon Digital Television (CAM-DTV), le comité national de pilotage de la migration de l’analogique au numérique.

François Wakata Bolvine a écrit au journaliste Jean Vincent Tchienehom en réaction à la critique que ce dernier a faite à la suite de l’adoption par l’Assemblée nationale, le 1er avril 2015, du projet de loi régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun. En pleine séance d’adoption de ce texte, le ministre de la Communication a introduit un amendement.

Selon le conseiller du Pm, non seulement le ministre Issa Tchiroma Bakary a agi sans consulter les autres parties impliquées dans le dossier de la Tnt, mais aussi cet amendement du projet de loi apporte un changement de taille.

En effet, l’article 25 de la future loi sur l’activité audiovisuelle stipule : « Les activités d’éditeur et d’agrégateur sont incompatibles avec les activités des opérateurs du réseau de diffusion ». Mais cet article s’est vu ajouté l’alinéa suivant : « Les dispositions visées à l’article ci-dessus ne s’applique pas aux opérateurs de l’audiovisuel public ».

Cet ajout semble tailler sur mesure pour la Crtv qui reste le seul opérateur public. On se souvient en effet que, le 22 octobre 2014, le ministre de la Communication, lors d’une communication à la presse, était revenu sur la future infrastructure de multiplexage que les opérateurs audiovisuels devraient partager pour la diffusion de leurs programmes.

Le multiplexage étant compris comme une technique permettant de transporter plusieurs chaînes de télévision dans un seul canal de télévision numérique. La télévision analogique permettait le transport d’une seule chaîne. Dans le cas de la Tnt, le multiplexe regroupera 5 à 6 chaînes de télévision.

Issa Tchiroma Bakary avait affirmé que la mise en place et la gestion de l’infrastructure de multiplexage seront confiées à la Crtv qui est l’office de radio et de télévision public. La mesure sera transitoire, avait-il assuré, en attendant la création d’une entité neutre. Celle-ci pourrait alors réunir en son sein tous les acteurs du secteur audiovisuel afin que personne ne soit ni favorisé, ni lésé.

Concurrence déloyale

Du coup, il y aurait favoritisme de fait si jamais la loi permettait à la l’opérateur public de diffuser ses propres programmes et ceux des autres. La Crtv est un éditeur de contenus audiovisuels à l’image de toutes les autres chaînes de télévision du pays qui sont d’ailleurs ses concurrents.

C’est toujours à la Crtv que le gouvernement a décidé d’attribuer 6 chaînes sur les 30 gratuites qui seront créées. Les autres opérateurs se partageront les 24 restantes. Du coup, le gouvernement est accusé de vouloir garder une mainmise sur l’audiovisuel considéré comme un instrument de souveraineté nationale.

La Crtv demeure sous le contrôle gouvernemental, malgré la loi du 19 décembre 1990 sur la communication sociale au Cameroun, qui avait libéralisé le secteur. Son conseil d’administration est présidé par le ministre de la Communication et son directeur général est nommé par le président de la République. La Crtv échappe à la régulation car, en tant que média audiovisuel, elle n’est pas jugée sur la base d’un cahier de charges.

Il y a donc un réel malaise dans la conduite de la Tnt au Cameroun, alors que le pays ne sera pas prêt d’ici le 17 juin prochain, délai fixé par l’Union internationale des télécommunications (Uit). Toutefois, le ministre de la Communication assure qu’à cette date, les villes de Douala et Yaoundé passeront au numérique.