Actualités of Wednesday, 1 November 2017
Source: Confidentiel No 53
Les importateurs de cigarettes ne décolèrent pas ces derniers jours. Ils comptent saisir officiellement le ministre des Finances pour s’insurger contre la pénurie des vignettes, malgré le fait qu’ils se soient acquittés des frais y afférents. Des fonctionnaires véreux entretiennent un réseau de vente parallèle du précieux sésame à 100 Fcfa l’unité, au lieu de 5 Fcfa.
Les opérateurs économiques spécialisés dans l’importation des cigarettes sont dans tous leurs états depuis quelques mois. Ils entendent d’ailleurs saisir les responsables du ministère des Finances pour s’insurger contre la pénurie des vignettes dont leurs fournisseurs font l’objet ces derniers jours. Selon nos sources, ils se sont acquittés depuis le début du mois de septembre dernier de toutes les exigences tant financières que techniques auprès des responsables en charge de la gestion des vignettes au ministère des Finances, mais à leur grande surprise rien n’est fait jusqu’à présent pour leur permettre de rentrer dans leur droit. «Avant cette opération ne prenait pas quatre jours. Mais voici près de deux mois que nous sommes en attente...» s’est plaint l’un d’eux, en l’occurrence Célestin Ketchanga. Etablir les responsabilités.
Au ministère des Finances, on pointe plutôt un doigt accusateur sur les responsables de la société De Larue, l’entreprise qui avait été sélectionnée pour conduire de cette opération. Ce qui n’est pas de l’avis des plaignants. Pour le directeur général d’une autre entreprise également spécialisée dans l’importation des cigarettes qui a tenu à réagir sous couvert d’anonymat de peur des représailles, la situation ne date pas d’aujourd’hui. Ce dernier pense qu’elle résiderait simplement dans le fait que les fonctionnaires du ministère des Finances sont à la solde de certaines multinationales, notamment Bristish American Tobacco (BAT) qui veut, à travers cette démarche, causer la rupture de leurs stocks sur le marché local. Et en cette période de fin d’année, la situation est préoccupante, craignent-ils.
«Nous sommes dans un secteur fragile, l’absence de nos produits sur le marché national pendant une certaine période peut contribuer à nous faire perdre de grosses parts de marché qui reviendraient de fait à cette multinationale qui a quitté le Cameroun il y a quelques années, pour aller s’implanter au Nigéria voisin. Cette situation n’est pas tolérable», s’est indigné l’ancien député du Rdpc à l’Assemblée nationale pour le compte de Wouri Est. Il s’est par ailleurs rappelé qu’il avait posé le problème il y a quelques années du haut de la tribune de l’hémicycle de Ngoa Ekelle, du temps du ministre Essimi Menye aux Finances. Il ne s’était d’ailleurs pas caché en pointant du doigt le Minfi d’être le bras séculier de ces multinationales.
Cette sortie, certes tonitruante, avait eu le mérite de freiner les ardeurs de ces ennemis de l’économie locale qui privilégient l’intérêt individuel au détriment de l’intérêt collectif. Malheureusement, après une courte période de relative accalmie, le problème est revenu au-devant de la scène. Ces derniers entendent d’ailleurs saisir les autorités compétentes pour avoir gain de cause si la situation perdure. Instituer pour lutter contre la fraude, la contrefaçon et la contrebande, l’initiative n’a pas connu un succès à son lancement.
On se souvient que les opérateurs économiques avaient soupçonné les responsables en charge de cette opération de partialité dans le traitement des différents opérateurs économiques. A cet effet, ils avaient même commis un mémorandum qui relevait les incohérences observées dans la gestion de ce dossier. Notamment au niveau de l’acheminement des vignettes auprès des fournisseurs et c’est même cet élément qui constitue le principal goulot d’étranglement aujourd’hui.
Difficile arrimage
L’autre fait réside au niveau du coût de ladite vignette. « Le marché de la fourniture des vignettes a été attribué à la société De Larue basée à Londres. Or, celle-ci n’est pas l’intervenant mondial le plus fiable pour l’impression de passeports, de billets de banque, de vignettes fiscales. Ce qui nous a amené à nous interroger sur de nombreux faits. Comment un marché aussi important a-t-il été passé de gré à gré alors qu’un appel d’offre aurait semblé réglementaire, le marché étant de l’ordre de plus de 9 milliards de Fcfa ?
Est- ce simplement une coïncidence que cette société soit basée en Grande Bretagne ou a-t-elle été recommandée par une multinationale ayant son siège dernière ?» S’interroge-t-on. Essimi Menye, au cours d’une autre réunion présidée le 19 octobre 2011 à Yaoundé avec les importateurs d'alcools et de cigarettes sur l'estampillage obligatoire de la vignette arrêté en janvier 2012, était longuement revenu sur les objectifs recherchés par la mise en œuvre de la vignette.
Il s’agissait entre autres selon lui, de lutter contre la fraude et la contrefaçon, de renforcer l'équité fiscale, d’améliorer la compétitivité des entreprises locales, et d’assurer la protection de la santé des consommateurs, à travers la traçabilité et le contrôle de l'authenticité des produits concernés. A cet effet, les entreprises devaient déposer leurs produits à l'Agence des normes et de la qualité (Anor) pour la certification. Le sixième objectif de cette mesure portait sur la sécurisation des recettes fiscales douanières.
A-t-on réussi à sécuriser les recettes ? L’on en doute. Parce que plus de cinq ans après l’entrée en vigueur de cette mesure, rien ou presque n’a été fait à ce sujet. Bien au contraire ! La contrebande ne se porte que très bien au Cameroun. Des milliers de marchandises entrent au quotidien au Cameroun en passant par les postes frontaliers du Kyossi, de Ekondo-Titi, ou des cliques, au regard de la porosité de nos frontières.
Les objectifs brandis par l’ancien ministre des Finances n’étaient en réalité que de la poudre aux yeux. Comment peuton vouloir assurer la protection de la santé des consommateurs, et ne focaliser son attention que sur deux produits tels que les alcools et les cigarettes, alors que des milliers de produits alimentaires inondent nos marchés ; des produits dont on ne connait ni l’origine, ni la qualité.
En effet, l’une des vraies raisons qui fondent la mise en œuvre de la vignette sur ces deux produits se trouve être la recherche de l’argent d’abord pour augmenter les recettes fiscalo-douanières comme cela est souligné plus haut, ensuite et surtout pour gonfler les poches de quelques fonctionnaires tapis dans l’ombre au ministère des Finances. Selon nos sources, le coût de la vignette sortie des magasins de la société De Larue serait de 2,5 Fcfa.
Pourtant au ministère des Finances, la même vignette est vendue à 5 Fcfa, soit une différence nette de 2,5 Fcfa. Vu sur cet angle cela paraît négligeable. Mais à imaginer un seul instant qu’un opérateur économique opérant dans l’un des secteurs ciblés en commande 1.000.000, cela laissera réfléchir. En termes de calcul, ces vignettes lui coûteraient 5.000.000 Fcfa, soit 2.500.000 Fcfa pour la société De Larue et 2.500.000 Fcfa pour ceux qui ont réussi à faire passer cette couleuvre aux parlementaires. Là il ne s’agit qu’un exemple, parce qu’en réalité les quantités commandées sont bien plus importantes.
Mais malgré ce bénéfice énorme, on explique au ministère des Finances que les vignettes n’ont pas été acheminées aux fournisseurs parce que l’Etat n’a pas respecté ses engagements vis-à-vis du fabriquant.
Comment cela peut-il se faire alors que les opérateurs économiques se sont régulièrement acquittés de leurs obligations en payant cash le montant de leurs commandes ? Où est passé tout cet argent et même celui des anciennes commandes ? Des questions et bien d’autres qui nécessitent l’urgence d’une réponse, en attendant de voir plus clair dans ce dossier qui s’annonce palpitant.
Mafia
Les vignettes ne sont pas disponibles dans les circuits normaux. Une enquête que nous avons menée récemment dans les circuits de distribution frauduleuse nous a permis que découvrir l’envers du décor de la mafia de la commercialisation des vignettes. Le marché est savamment entretenu par des cadres du ministère des Finances qui alimentent le marché noir. Un business très florissant qui dépasse largement celui du circuit formel de l’importation des marchandises.
En voulant imposer la vignette surtout aux opérateurs économiques du secteur des alcools et de celui des cigarettes, on a simplement permis à certains fonctionnaires du ministère des Finances d’arrondir au mieux leur fin de mois. Ces derniers ont réussi à créer la pénurie et la spéculation pour envoyer tous les opérateurs économiques se ravitailler au marché noir de la commercialisation des vignettes. Entre mourir en payant les impôts et les employés qui se tournent les pouces et se ravitailler dans ce circuit, les opérateurs économiques sans scrupules ont tôt choisi la dernière voie. Mais ici les conditions d’achat sont tellement élevées que rares sont ceux qui réussissent à tirer leur épingle du jeu, sans passer par les chemins escarpés de la contrebande.
Nous nous sommes d’ailleurs procuré quelques plaquettes de vignettes pour nous rendre compte de l’effectivité des informations mises à notre disposition.
Les vignettes se vendent en effet au marché noir à la somme de 100 Fcfa la vignette, parfois un peu plus en fonction de la quantité et de la tête du client. Soit un bénéfice net de 95 Fcfa par vignette. De quoi dresser les cheveux sur la tête d’un chauve. Ce qui fait que l’opérateur économique qui se ravitaille dans ce circuit dépense à peu près 10.000.000 Fcfa pour 100.000 vignettes seulement. Alors que s’il était passé par le ministère des Finances, il aurait simplement dépensé 500.000 Fcfa. En choisissant donc de procéder ainsi, il permet à ces fonctionnaires véreux de se retrouver avec 9.500.000 Fcfa dans leurs escarcelles. Une véritable perte sèche qui coulerait même le plus grand importateur. Il se trouve que tous ceux qui passent par cette voie ne payent pas normalement les frais de douanes. Ils passent généralement par la contrebande. Cela est su des autorités tant administratives que douanières qui feignent ne rien voir parce que la mafia nourrit toute la machine.
Voilà pourquoi, les opérateurs économiques citoyens comme ceux qui sont actuellement en difficulté à cause de cette situation courent le risque de crier encore pendant longtemps leur colère avant que l’administration ne consente à leur apporter un début de solution. Affaire à suivre!