Avant de mourir, Jean Fochivé a fait d'effroyables révélations sur les actes de torture de la police politique au Cameroun. Il s'agit des révélations top secrets qui ont été immortalisées dans un livre.
Le récit a été narré dans l'ouvrage littéraire du journaliste camerounais Frédéric Fenkam.
« Il suffit ici de placer le détenu au centre d’une cellule obscure et insonorisée ; il ne voit rien, n’entend rien, ne touche à rien ; il verse rapidement dans une folie plus destructrice que n’importe quel supplice corporel », raconte le tout puissant patron de la police politique.
« La souffrance physique étant alors inexistante, il ne poussera aucun cri, en proie simplement à une souffrance psychique si insupportable qu’il dira n’importe quoi pour que cesse son tourment. Le procédé avec l’Africain consiste à le mettre dans un état de frayeur où son seul espoir ne reposera plus que sur une éventuelle dénonciation. Il faut minimiser son rôle dans l’affaire et lui promettre protection et fortune en comptant sur un élément psychologique : le voleur, dans l’exercice de sa profession, est moralement préparé. Il sait ce qu’il risque quand il est pris », poursuit-il.
« La prison pour lui est moins douloureuse qu’un « passage à tabac ». Il a vite fait de dire tout ce que vous voulez pour arrêter le supplice. Le détenu politique n’avait pas un seul instant pensé que le fait de prendre une machine à écrire et frapper un texte pourrait lui couter la vie. C’est peut-être un paisible père de famille qui n’a fait que manifester sa propre idéologie politique. Il n’est moralement coupable de rien. Il a peut-être eu tort de suivre les amis qui l’ont entraîné dans cette galère. Ce n’est pas un héros, ce n’est pas un idéologiste convaincu. Alors, il se dit : 'pourquoi devrais-je mourir pour les autres ? Je les dénonce et sauve ma tête…' », raconte Fochivé dans l'ouvrage de Frédéric Fenkam.
« Dans cet état de frayeur, il a dénoncé ses complices qui ont été arrêtés et incarcérés. Chose promise, chose due : il est relaxé et rentre chez lui, les poches pleines. Que racontera-t-il à ses proches ? Qu’il a livré ses camarades ? Que non ! il concoctera une histoire dans laquelle il sera un héros, voire un martyr qui, malgré tous les coups de matraque et d’électrochocs reçus, n’aura jamais ouvert la bouche. Il deviendra dans son milieu un grand homme et aussi un de mes agents de renseignements. A ceux-là qui sont très pointilleux, je demanderais de faire la différence entre cinquante coups de matraques et dix jours à « l’ombre ». Non, je pense que tout cela est pareil, parce que l’essentiel est de briser le moral de l’individu, de lui enlever toute sa dignité et tout son sens d’initiative », a-t-il indiqué.