Le président du Mouvement patriotique du salut camerounais (Mpsc), Aboubakar Siddiki et le notaire Abdoulaye Harissou, ne sont sans doute pas prêts de recouvrer la liberté ou de comparaître devant le Tribunal militaire de Yaoundé.
Arrêtés les 9 et 27 août 2014 respectivement à Douala et à Maroua, ils viennent de voir leur détention préventive prorogée une deuxième fois jusqu’au 21 avril prochain. Les sources proches du dossier n’ont pas pu éclairer sur cette rallonge. Le mystère demeure également quant à la procédure judiciaire elle-même.
Me Abdoulaye Harissou et Aboubakar Siddiki sont, selon le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, poursuivis pour «menaces à la sûreté de l’Etat», «activités et contacts présumés avec des groupes armés centrafricains, dont certains sont responsables d’attaques contre le Cameroun».
Autrement dit, les deux hommes sont soupçonnés de faits de tentative de déstabilisation du pays à partir de l’étranger, conséquence d’attaques armées imputées à des rebelles centrafricains en novembre et décembre 2013 à Gbiti (Est). Le premier cité, selon des proches, non seulement nie en bloc ces accusations, mais en plus affirme qu’il se trouvait hors du Cameroun, qui plus est avec des officiels du pays, au moment où l’accusation situe les faits.
Dans la même veine, en août dernier, l’expert judiciaire en cybercriminalité et cryptologie Georges Bell Bitjocka, commis par le juge d’instruction près le Tribunal militaire de Yaoundé aux fins d’examiner des messages audio et électroniques des deux hommes, a rendu un rapport qui pointe des «pièces à conviction modifiées», ainsi que des «conversations téléphoniques enregistrées non fiables».
Quant à l’arsenal qui aurait aidé au projet de coup d’Etat mené par deux civils, aucun élément ne permet non plus, à ce jour, à une opinion publique de plus en plus circonspecte de se faire une religion. C’est dans le cadre de cette même affaire, rappelle-t-on, que trois journalistes ont été inculpés depuis le 28 octobre 2014.
Accusés pour leur part de «non dénonciation», il est reproché à Félix Cyriaque Ebolé Bola (Mutations), Rodrigue Tongue (ancien du Messager) et Baba Wamé (enseignant à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication de Yaoundé) d’avoir, «courant juillet-août 14, en tout cas dans le temps légal des poursuites, en temps de paix, n’avoir pas averti les autorités militaires, administratives ou judiciaires de toute activité de nature à nuire à la défense nationale». Toute chose qui fait hurler Reporters sans frontières, pour qui «les journalistes ne sont pas des agents de renseignement».
Après trois mois de surveillance judiciaire et une confrontation, ces hommes de médias ne savent pas non plus, selon leurs avocats, le sort – non lieu ou comparution – réservé à leur dossier judiciaire au Tribunal militaire de Yaoundé. Évoquant l’affaire dans son dernier rapport sur les droits de l’Homme au Cameroun, le Département d’Etat américain a évoqué une chape de plomb au-dessus des professionnels des médias dans le pays.