Le français Rémy Raffi, accusé de racisme et de mauvais traitements contre le personnel local de la banque, a précipitamment quitté Douala hier.
Le directeur général adjoint (Dg) de la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec), Rémy Raffi, a été « rappelé » par le français Banque populaire caisse d’épargne (BPCE), reprise depuis octobre 2019 par le groupe marocain Banque centrale populaire (BCP). Cette mesure, dite «de sauvegarde », lui a été notifiée jeudi dernier avec ordre de quitter le Cameroun au plus tard le 27 février. Mais le citoyen gaulois, s’estimant humilié par sa hiérarchie, a préféré anticiper en partant de son pays d’accueil depuis hier.
Il s’agit ainsi d’un nouveau développement, dans la crise interne qui secoue l’établissement financier depuis quelques mois, finissant par installer un climat quasi-insurrectionnel à tous les étages. Une ambiance ayant conduit plusieurs employés locaux – et pas des moindres – au burnout. Pas moins.
Ainsi que votre journal l’a relaté la semaine dernière en effet, la Bicec, sous des dehors enchanteurs, est traversée en son sein par un mal-vivre de ses employés camerounais. Considéré comme un des plus grands négriers des temps modernes, le partant Rémy Raffi se singularisait par un racisme non feint. Spécialement chargé des relations avec les fournisseurs, le Français gérait ce segment dans la plus grande opacité.
Dans cette entreprise sentant le dolosif à plein nez, il pouvait compter sur la bienveillante protection du directeur général (Dg); le Marocain Outman Roqdi. M. Raffi avait également, comme agent d’exécution des basses manœuvres contre le personnel, le directeur Capital humain, Camerounaise Anna Biang Ngally qui a instauré un climat de terreur dans la maison marquée par la délation, le chantage à l’emploi et autres menaces de rétorsion de la même veine contre tous ceux osant critiquer la nouvelle gouvernance.
Selon des sources introduites à la Bicec, les cadres camerounais, excepté un petit cercle de carriéristes zélés gravitant autour de la direction générale, ont depuis peu fait le deuil des avantages liés à leur statut. Beaucoup se sont ainsi vu retirer leurs véhicules de fonction, désormais tenus d’emprunter le taxi ou la motocyclette pour se rendre chez les grands clients. D’autres responsables camerounais encore, mis en stage par leur employeur, n’ont pas retrouvé leur poste ou statut au terme de la formation, dans une maison où le profil de carrière a été dilué dans des considérations subjectives.
Aurore Plus a, par ailleurs, indiqué qu’au sein de la Bicec managée par le trio Roqdi-Raffi-Biang Ngally, la moindre demande de découvert des clients ordinaires, pour des montants dérisoires, devait désormais revêtir le très haut accord de la hiérarchie. Un fonctionnement ayant fini d’éloigner plusieurs clients de la Bicec, partie en 2021 de la première à la troisième place en terme d’en- cours des crédits à l’économie nationale, selon les données de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac).
Bokam, le sourd-muet de service
Pour sa part la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) a, voici deux ans, dressé un tableau peu enviable de la Bicec qui concentrait alors le volume le plus important des créances douteuses des 15 établissements bancaires du pays. Celui-ci était alors estimé à 162,8 milliards de francs, représentant 30% d’un stock national (533,5 milliards de francs).
Le gendarme des établissements financiers de la sous- région pressentait de fortes chances que ces créances ne soient jamais recouvrées, 15,2 milliards de francs d’entre-elles (-10%) étant couvertes par des garanties permettant au prêteur de recouvrer sa créance en cas de défaillance du débiteur. La Bicec courait, en outre, le risque d’enregistrer une perte de trésorerie de 32% de son encours de crédit.
Sur un autre plan, » »et sur la base des données de la Beac, le volume des crédits octroyés aux clients de la Bicec avait chuté de 1.495,9 milliards de francs entre 2019 et 2^/iO, perdant du même coup sa place La premier financier de l’économie camerounaise. La Cobac avait ainsi qualifié de « douteuses » les créances de toute nature, même assorties de garantie, présentant un risque probable de non-recouvrement, qu’il soit total ou partiel.
L’on apprenait alors que lesdites créances étaient, entre autres, constituées par les concours autres que les crédits immobiliers comportant au moins une échéance impayée depuis plus de 90 jours, les encours des crédits immobiliers comportant au moins une échéance impayée depuis plus de 180 jours, les encours des opérations de location-simple de location avec option d’achat ou de crédit-bail afférents à des biens immobiliers comportant au moins un loyer impayé depuis plus de 180 jours
Pour ne rien arranger, en 2016, la Bicec a été ébranlée par un scandale de détournements de fonds impliquant des cadres et prestataires de services, les pertes engendrées étant alors estimées selon des sources judiciaires à plus de 50 milliards de francs pour la seule année 2015.
Rapportée sur une douzaine d’années, cette série de crimes économiques s’est en outre soldée par un résultat net avant impôts en baisse de -50.8% par rapport à celui de 2014, mais également par un fonds pour risques bancaires généraux (Frbg) ayant décru de -63.4% par rapport à décembre de l’année d’avant.
Tel que présenté, le départ du Cameroun du seul Rémy Raffi pourrait n’être d’aucune solution, dans le lourd climat social en cours à la Bicec, sacrée «Meilleure banque de l’année 2017».
C’est, manifestement, d’un véritable coup de balai dont a besoin cet établissement aujourd’hui. Selon les informations exclusives de votre journal, ça chauffe également pour le Dg de nationalité marocaine. Le fusible français grillé, il se retrouve en première ligne. Il faut dire que l’homme n’a pas bonne presse et traîne une réputation de raciste refoulé mais assumé.
Depuis son arrivée à la tête de cette banque, M. Roqdi n’a jusqu’ici daigné rencontre le personnel du haut de son mépris souverain. Même le 1er mai, fête du travail, mais surtout occasion de retrouvailles entre la direction et les collaborateurs même de façon informelle n’a jamais trouvé grâce à ses yeux.
Les employés camerounais de l’établissement, toujours dans le désarroi, ne peuvent malheureusement pas compter sur l’intervention du président du conseil d’administration, Jean Baptiste Bokam, en poste depuis… 1990. Inamovible et très accommodant, le personnage a la réputation de ne rien faire de nature à contrarier les actionnaires étrangers.