La justice camerounaise a mis la main sur plusieurs cadres de Garoua présumés impliqués dans l’assassinat de jeune Ali Youssouf. Parmi ces personnes qui comparaissent devant le tribunal militaire de Garoua, figurent le lamido de la localité Ibrahim El Rachidine.
Après l’enquête diligentée par le parquet général et les autorités administratives de la région du Nord à la gendarmerie, le commandant Ibrahim El Rachidine, par ailleurs lamido de Garoua, sa sœur ainée, trois de ses dogaris et deux militaires au service du lamido ont été traduits au Tribunal militaire de Garoua.
Depuis lundi 7 février 2022, c’est au tribunal militaire de Garoua que les auteurs, les complices et commanditaires de l’assassinat du jeune Ali Youssouf au lamidat de Garoua doivent répondre des accusations qui pèsent sur eux, après le refus du commandant Ibrahim El Rachidine de se faire auditionner par le capitaine, commandant de la compagnie de gendarmerie de Garoua 1.
Selon diverses sources proches de l’enquête, le lamido de Garoua aurait refusé de se faire entendre sur procès-verbal par le responsable de la compagnie de gendarmerie de Garoua 1 sous le prétexte que l’officier de police judiciaire en charge des enquêtes est moins gradé que lui. Immédiatement, le commandant de la légion de gendarmerie du Nord à Garoua est mis au courant des faits. C’est alors que les suspects de l’assassinat du jeune Ali Youssouf, qui sont au nombre de six, ont été déférés au tribunal militaire de Garoua.
La directrice de l’hôpital régionale de Garoua démasquée
La directrice de l’hôpital régionale de Garoua signataire du certificat médical d’Ali Youssouf mentionnant qu’il est mort d’un arrêt cardiaque a été entendue trois fois par le pool des enquêteurs de la gendarmerie. Une source proche de l’hôpital régional de Garoua a confié sous anonymat que l’autopsie faite par un groupe de médecins légistes révèle que l’adolescent est mort de suites de torture. Il avait sept côtes cassées, les testicules brouillés et la colonne vertébrale éclatée. Dans un communiqué non signé, le lamidat de Garoua expliquait alors que le neveu du Lamido Ibrahim El Rachidine est mort d’un arrêt cardiaque. Et que c’était sous l’emprise psychotique qu’il voulait attenter à la vie de sa maman.
Après l’audition de la mère du jeune Ali Youssouf et trois membres de la Faadah et deux militaires, les enquêteurs ont déféré les mis en cause au Tribunal militaire. Il ressort des enquêtes préliminaires et des déclarations des mises en cause que tous exécutaient les instructions du lamido de Garoua.
La sœur ainée du lamido de Garoua, mère d’Ali Youssouf est accusée de complicité de meurtre et de traitements dégradants. « La mère de cet adolescent est poursuivie pour avoir commandité le meurtre de son fils. Elle est en garde à vue depuis le mercredi dernier. L’affaire a été transmise au tribunal militaire de Garoua parce que nous avons déjà entendu tous les mises en cause », a confié sous anonymat une source proche de l’enquête.
Dans la ville de Garoua, des tracts demandant la destitution du lamido de Garoua circulent. Selon les auteurs de ces tracts, sa majesté Ibrahim El Rachidine, le lamido de Garoua aurait déshonoré le lamidat. « Le lamido Ibrahim El Rachidine humilie le lamidat de Garoua ainsi que les princes et princesses de Garoua par le non-respect des traditions. En bastonnant à mort votre neveu Ali Youssouf, unique fils de votre grande sœur nous constatons que vous êtes inhumain », peut-ton lire sur le document abondamment publié sur les réseaux sociaux et distribué dans la ville de Garoua. Les auteurs du tract achèvent leur pétition en ces termes : « vous n’êtes pas le gardien de nos traditions ».
En rappel, c’est le 1er février 2022 qu’un message porté du gouverneur de la région du Nord adressé au préfet de la Bénoué et au procureur général près la cour d’appel du Nord ainsi qu’au délégué régional de la santé du nord prescrivait l’ouverture d’une enquête sur la mort d’un adolescent au Lamidat de Garoua. Une mort suspecte, qui, selon Jean Abate Edi’i, le gouverneur, aurait été dissimulée. Le lendemain 2 février, le préfet de la Bénoué décide par arrêté, de l’exhumation du corps du jeune Ali Youssouf, 18 ans.
Selon les témoins, les sévices corporels sont visibles sur la dépouille de l’adolescent. Le lamido est alors accusé de complicité de meurtre avec les éléments de sa cour. Il a été retenu depuis plus de 36 heures à la compagnie de gendarmerie, officiellement pour sa sécurité. Le lamidat a été scellé le vendredi 4 février 2022 et le lamido est sommé de ne pas quitter la ville de Garoua. Il a été alors mis sous surveillance dans sa résidence privée au quartier Haut-Plateau, jusqu’au transfert du dossier au Tribunal militaire.