Dans une lettre que l'on peut aisément qualifiée de bien chaude, l'honorable Jean Michel Nintcheu demande la démission de Paul Atanga Nji.
Voici son texte :
Mr Le Ministre.
En parcourant l’exposé des motifs je constate que parmi les catastrophes survenues au Cameroun ces dernières années, vous ne citez pas celle de la falaise de Dschang. C’est la preuve que ce projet de loi était dans le tiroir depuis longtemps. Apprenez tout au moins à actualiser les documents que vous soumettez à la Représentation nationale !
Mais en même temps cet oubli n’est pas surprenant dans la mesure où votre créateur n’a jusqu’ici pas adressé le moindre message de condoléances et de réconfort aux familles éprouvées par cette tragédie !
Monsieur le ministre
Le Cameroun a connu deux catastrophes naturelles majeures durant le second semestre de cette année :
– D’abord dans la quasi-totalité des départements de l’extrême-nord où la digue du Logone et le barrage de Maga ont lâché, créant des pertes énormes: 17 décès, 368.000 personnes affectées, 13.000 hectares de des terres cultivables dévastées, 197 écoles inondées, 1600 têtes de bœufs perdues, 262 points d’eau engloutis par des eaux, des dizaines de milliers de sans-abris. Il faut rappeler que cette région avait déjà subi une telle catastrophe en 2012.
– La seconde catastrophe est survenue en début de ce mois de novembre avec les éboulements meurtriers survenus au niveau de la falaise de Dschang dans la région de l’Ouest où on compte des morts par dizaines.
Pour ce qui concerne justement la falaise de Dschang, après le premier éboulement de terrain, on aurait pu éviter des pertes en vies humaines si la direction de la protection civile avait joué le rôle qui lui est assigné en fermant les entrées et sorties de ladite falaise. Puis en érigeant immédiatement après un périmètre de sécurité interdit d’accès au public. Rien de tout cela n’a été réalisé dans l’urgence.
Gérer c’est prévoir. Selon les responsables de la division communication de l’Université de Dschang, quatre (4) mémoires de Master recherche en Sciences de la terre, soutenus en 2021 et 2022 à l’Université de Dschang, ont analysé la falaise de Dschang, et ont alerté dans l’ensemble sur les risques qu’elle présente, tout en esquissant des pistes de solutions, toujours d’actualité. Qu’en avez-vous fait ? Rien. Absolument rien du tout.
Et quand bien même on n’arrive pas à prévoir malgré de multiples alertes, on doit tout au moins être en capacité de gérer ou d’endiguer la bourrasque en cas de catastrophe.
La direction de la protection civile qui est logée dans le ministère dont vous avez la charge comporte:
– une cellule des études et de la prévention chargée des études relatives aux mesures de protection civile et de la préparation des stages de formation des personnels de la protection civile.
– une sous-direction de la coordination et des interventions qui est chargée entre autres de l’organisation de l’assistance, de la coordination des moyens mis en œuvre pour la protection civile ainsi que de l’examen des requêtes en indemnisations et des aides financières en faveur des personnes victimes des calamités.
D’où les questions suivantes :
le Ministre,
– Où sont passées les différentes aides destinées aux populations sinistrées de l’extrême-nord ? Dois-je vous rappeler que le ministre délégué auprès du Ministre des finances M. Yaouba Abdoulaye a déclaré dans une vidéo devenue virale que les 02 milliards de FCFA débloqués par le président de la République sont retournés à Yaoundé? Information confirmée par M. Rodo Marcel qui a également affirmé dans une vidéo virale que les populations de Vele dans le Mayo Danay n’ont absolument rien reçu de cette aide. Qu’avez-vous fait de cet argent sachant que c’est la sous-direction de la coordination et des interventions logée au ministère de l’administration territoriale qui est en charge des aides financières en faveur des personnes victimes des calamités?
– La direction de la protection civile est censée produire un rapport annuel sur la situation de la protection civile du Cameroun. À quand date la production et surtout la publication de ce Rapport ? Le rapport disponible sur internet date de 2008-2009. Soit depuis 15 ans.
– Depuis près de 12 ans, date de la survenance des inondations meurtrières dans l’extrême-nord, le montant alloué à la direction de la protection civile se chiffre en moyenne à 6 milliards de FCFA par an. Soit 72 milliards de FCFA. Qu’avez-vous fait des sommes débloquées d’année en année pour la protection civile ?
– On a observé après le deuxième éboulement au niveau de la falaise de Dschang que des compatriotes inexperts ont utilisé des pelles et des pioches pour tenter d’enlever des personnes ensevelies sous terre. Incroyable en plein 21 ème siècle. De quels matériels de travail et équipements de protection individuelle (EPI) disposent les agents de la direction de la protection civile au niveau national ? Au niveau des régions ? Pourquoi n’avez-vous pas déployé avec promptitude les personnels de la protection civile le jour même des éboulements ? Voulez-vous nous faire croire que la région de l’Ouest ne dispose pas de personnels de la protection civile ? Si oui, pourquoi n’avez-vous pas déconcentré pas les moyens mis à la disposition de la protection civile dans les 10 régions du pays pour un usage prompt, efficace et efficient par les gouverneurs et les préfets? Combien de séminaires de formation des personnels de la protection civile organisez-vous par an? Je vous rappelle que cela fait partie des missions assignées à la cellule des études et de la prévention de la direction de la protection civile qui est logée au ministère de l’administration territoriale.On a également vu des tractopelles entrer immédiatement en action sans sonder préalablement le sol avec des chiens renifleurs . Je vous informe que le dressage d’un chien renifleur coûte plus de 200 fois moins cher que votre véhicule de fonction!
– Quelle est la logistique que vous avez immédiatement déployée sur le site des éboulements au niveau de la falaise de Dschang ? Pas de tente visible dans l’urgence pour accueillir les médecins notamment les médecins légistes et les psychologues , les secouristes etc..
– Pouvez-vous décliner à la Représentation nationale le compte d’emploi des moyens débloqués dans le cadre de la protection civile pour le compte de cette année ?
Et spécifiquement depuis la survenance des éboulements de la falaise de Dschang ?
– Last but not the least, qu’est-ce qui justifie que vous n’ayez pas spontanément organisé une conférence de presse après ce drame humain pour dresser l’état des lieux, vous qui vous caractérisez par l’obsession frénétique de faire des sorties intempestives dans des domaines régaliens qui ne relèvent même pas de vos prérogatives ministérielles?
le Ministre,
Dans l’exposé des motifs de ce Projet de loi, il est mentionné que l’élaboration et la mise en œuvre de la politique nationale de protection civile est toujours assurée par le ministère de l’administration territoriale. Et qu’il est prévu la création d’un Fonds spécial, dont les modalités d’organisation et de fonctionnement seront précisées dans la Loi des finances, qui contribuera à assurer de façon pérenne des activités de protection civile, partant, de l’organisme public nouvellement créé. Là où le bât blesse, et je le dis pour le déplorer, c’est que l’Agence nationale de protection civile bénéficiera uniquement de 50% des ressources desdits Fonds, entre autres sources de financement. Où iront les autres 50% ? Manifestement au ministère de l’administration territoriale où il est établi qu’à chaque catastrophe, vous vous transformez en directeur des achats et des approvisionnements des matelas et des seaux anti catastrophes.
Cessez de vous moquer des camerounais. La protection civile continuera par conséquent à subir l’influence néfaste du ministère de l’administration territoriale. L’intégralité de ce Fonds spécial doit être reversée à l’Agence nationale de protection civile qui doit également bénéficier d’une autonomie de gestion. Tant qu’une partie de ces Fonds restera dans le giron du ministère de l’administration territoriale et que vous serez à la tête de ce ministère, la protection civile ne sortira pas de l’auberge.
La création de l’Agence nationale de protection civile est la preuve que la protection civile sous votre magistère a lamentablement échoué. Vous cherchez à masquer votre échec en ne voulant pas transférer l’intégralité du Fonds spécial au nouvel organisme public en charge de la protection civile.
Vous êtes dans un trou mais vous cherchez à en sortir en vous agrippant le long des parois.
Je vous donne un conseil : démissionnez de vos fonctions de ministre de l’administration territoriale ! C’est une urgence de salubrité publique !
Tant que vous êtes à la tête du ministère de l’administration territoriale, ce projet de loi, s’il est adopté, ne servira absolument à rien.
Pour terminer, prenant en compte votre attachement aux métaphores animalières et autre figure de style je résume votre action à la tête de ce ministère par une formule: Calamity Atanga NJI
Hon. Jean Michel NINTCHEU
Député