L’ancien directeur général de Radio France et président du Comité International de Libération et de Réhabilitation d’Amadou Vamoulké réagit à la suite d’un énième renvoi le 17 avril dernier par le Tribunal criminel spécial du procès de l’ancien directeur général de la Cameroon radio and Television, détenu à la prison centrale de Kondengui depuis le 29 juillet 2016.Il revient également sur les raisons de son combat pour la cause de Vamoulké, accusé de détournement de fonds publics.
L’audience de l’affaire CRTV/Amadou Vamoulké à nouveau reportée au 17 mai prochain, on en sera à 9 mois de procès sans ouverture des débats,quel sentiment cela vous procure?
Il ne faut pas être un expert pour comprendre que Monsieur Amadou Vamoulké est emprisonné depuis plus de vingt mois illégalement. Rappelons qu’il bénéficie depuis le début de la procédure du statut d’inculpé libre, qu’on ne l’a jamais accusé d’aucun enrichissement personnel, et qu’aucune charges crédible n’a pu être retenue à son encontre ce qui explique que son procès a été renvoyé à neuf reprises ce qui représente un record. Les raisons de sa détention sont à rechercher ailleurs que dans le domaine juridique et ça, les Camerounais le savent bien.
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Que pensez-vous de la Cour suprême qui tarde à se prononcer sur le pourvoi en récusation du collège des juges du TCS par M.Vamoulké 4 mois après sa saisine ?
A titre personnel, j’ai beaucoup d’estime pour le Cameroun et pour les camerounais. N’étant pas citoyen de ce pays, je je me permettrais pas de porter un jugement sur le fonctionnement de la justice de ce pays qui obéit à ses règles et aussi à ses contraintes. Je voudrais simplement rendre un hommage appuyé au collectif d’avocats qui défendent avec autant de passion la cause de Monsieur Vamoulké qui s’avère emblématique à bien des égards, notamment compte tenu de son image d’homme intègre qui fait l’honneur de son pays.
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Qu’est-ce qui vous a poussé à créer un comité de libération d’Amadou Vamoulké ?
J’ai été Directeur général de Radio France et à ce titre j’ai collaboré étroitement avec de très nombreux DG de l’audiovisuel public africain au sein d’organismes internationaux tels que le CIRTEF et l’URTI (dont Monsieur Vamouké a été Président). L’ex-DG de la CRTV était unanimement reconnu par l’ensemble de ses pairs, du Nord comme du Sud, comme l’exemple à suivre pour sa gestion courageuse (baisse de son salaire, gestion transparente des marchés publics et des procédures de nominations internes, vision stratégique, …).
J’ai aussi réalisé un audit complet de la radio publique de la CRTV, audit pendant lequel j’avais été frappé par la transparence de l’administration mise en place par Monsieur Vamoulké et aussi par l’adhésion de l’ensemble des catégories de personnels à son projet stratégique qui a permis de redresser l’audience de la CRTV. Dès l’inculpation de Monsieur Vamoulké, j’ai contacté de très nombreux DG qui ont été tous aussi choqués que moi par le mauvais procès fait à celui que nous surnommions « le Doyen » en marque de profond respect.
Nous avons attendus plusieurs mois en pensant qu’il s’agissait d’une méprise qui serait bien vite réparée. Ensuite, j’ai effectivement lancé le Comité International pour la Réhabilitation et la Libération de Monsieur Amadou Vamoulké pour dénoncer son incarcération et témoigner de son honnêteté.
L’ex-DG de la CRTV était unanimement reconnu par l’ensemble de ses pairs, du Nord comme du Sud, comme l’exemple à suivre pour sa gestion courageuse (baisse de son salaire, gestion transparente des marchés publics et des procédures de nominations internes, vision stratégique, …)
17 dirigeants ou ex-dirigeants de l’audiovisuel public ont signé une lettre ouverte apportant des précisions sur l’intégrité de Monsieur Vamoulké. Parmi les signataires on retrouve les DG ou ex-DG de TV5, Radio Canada et de nombreux pays africains (Tchad, Nigéria, Tunisie, Bénin, Burundi, ….). Monsieur Hervé Bourges, qui a bien connu Monsieur Vamoulké qu’il a longtemps inspiré après l’avoir formé au CESTI, a tenu à écrire une lettre de soutien dans laquelle il témoigne avec émotion de l’intégrité de son ancien élève (celle lettre a été largement publiée dans la presse camerounaise).
Après vingt mois de procédure, notre soutien à Monsieur Vamoulké se renforce de jour en jour. Je peux vous annoncer qu’une conférence de presse réunissant des ONG se tiendra conjointement à Paris et à Douala (au siège du REDHAC) le 16 mai au matin, veille de l’audience du procès de Monsieur Vamoulké qui devrait se tenir au TCS de Yaoundé.
Pouvez-vous regarder le Camerounais lambda dans les yeux et jurer qu’Amadou Vamoulké est innocent ?
Sans hésitation, droit dans les yeux, je peux affirmer avec la plus grande certitude que Monsieur Vamoulké est innocent et qu’au regard des lois de son pays il est détenu illégalement. Cette affirmation est d’autant plus simple à proclamer que la grande majorité des Camerounais reconnaissent que cette personnalité est victime du modèle d’intégrité, de rigueur et d’honnêteté dont il a peut-être trop abusé dans sa carrière. Nous ne pouvons que nous incliner devant le courage et la détermination dont il fait preuve face à ce qui s’apparente à une mascarade.
Pourtant, on parle de 3 953 194 470 F CFA détournés à la Crtv. Le Tribunal criminel spécial parle de perception indue d’indemnité detransport, de frais de représentation et de congé, du paiement de compléments de salaires au personnel du ministère des Finances, du gonflement de la redevance audiovisuelle, etc, que pense Amadou Vamoulké lui-même de toutes ces accusations ?
Je me garderais bien de parler à la place de Amadou Vamoulké mais je vais vous livrer quelques faits avérés qui justifient ses misères actuelles.
-La gestion de la CRTV par M. Vamoulké a fait l’objet d’une quinzaine de missions d’investigation du Contrôle Supérieur de l’Etat (CONSUPE), du ministère des Finances, du ministère de la Communication, de la CONAC et aussi de la police judiciaire qui n’ont relevé aucune malversation ou erreur de gestion.
-L’Agence de régulation des marchés publics (ARMP) a décerné le 18 juillet 2011 à M. Vamoulké le prix du meilleur gestionnaire public après avoir examiné scrupuleusement l’activité de 600 hauts responsables sur le critère du respect des règles de la commande publique.
-M. Vamoulké a jugé son salaire “indécent” dès son entrée en fonction à la CRTV et l’a baissé de 60%.
-Il a divisé par quatre le coût de son logement de fonction.
-Il a reversé systématiquement ses surplus de frais de mission.
-Il a créé une structure des procédures de marchés pour annuler les attributions “douteuses”.
-Il a mis en place pour la première fois des appels à candidatures transparents à la CRTV.
Vous n’avez là que le début d’une liste élogieuse pour un responsable d’entreprise public qui a créé un modèle de gestion ne plaisant manifestement pas à tous ses anciens pairs…Sur le fond, les révélations du journal KALARA (édition du 5 mars) établissent le caractère infondé, voir fantaisiste, des pseudos révélations du rapport d’audit à charge (il s’agit là d’une autre affaire de détournement de 25 milliards de F CFA ouverte en février dernier, ndlr). On y apprend que l’auteur de ce rapport avait été mandaté sans mise en concurrence, qu’il a fondé et dirigé deux sociétés placées en liquidation judiciaire en France, qu’il n’avait que trois années d’expérience et que son C-V fait apparaître de nombreux contrats offerts par la CRTV seulement quatre jours après la remise de son rapport (ces contrats se poursuivent encore aujourd’hui).
Monsieur Vamoulké s’est vu enlever près de deux ans de sa vie, nous espérons contribuer à réparer cette injustice pour qu’il conserve la dignité qu’il porte avec tant de courage.
Vous avez créé un comité de soutien constitué d’anciens patrons de radios et télévisions publiques d’Afrique et même d’Europe, vous avez lancé une pétition signée par des milliers d’internautes pour la libération d’Amadou Vamoulké, quelles sont les autres actions que vous envisagez pour que M.Vamoulké soit libéré à défaut d’avoir droit à un procès équitable ?
Oui, j’invite vos lecteurs à prendre connaissance des témoignages de soutien et à déposer leurs propres témoignages sur le site facebook.com/vamoulke et à signer aussi la pétition en ligne sur change.org/p/vamoulke. Nous répondons aussi à toutes les questions posées par e-mail sur vamoulke@vatim.com (cette adresse peut être utilisée pour apporter un soutien financier afin de payer/indemniser les avocats.Nous demandons la libération mais surtout la totale réhabilitation de Monsieur Vamoulké. Aujourd’hui plus personne n’est dupe. La presse camerounaise autant que les camerounais ont compris qu’il est aujourd’hui établi qu’aucune charge sérieuse ne pèse sur cette personnalité et que sa libération ne se jouera pas sur le terrain judiciaire…Nous allons passer à une nouvelle étape et avons établi des contacts avec les institutions et des ONG, mais aussi avec des médias internationaux pour mettre la lumière sur une cause aussi emblématique que symbolique. Monsieur Vamoulké s’est vu enlever près de deux ans de sa vie, nous espérons contribuer à réparer cette injustice pour qu’il conserve la dignité qu’il porte avec tant de courage.