La pratique s’appelle la «Zakat» (Aumône légale en français). Troisième pilier de l’islam, elle est l’obligation de chaque croyant à verser une aumône en vertu des règles de solidarité dans la communauté musulmane. À Rey-Bouba, des responsables du Lamidat sillonnent des villages forçant les pauvres à leur donner du bétail. Interdite au Cameroun depuis le 23 février 2013, la pratique a toujours cours. En témoigne cette plainte déposée le 27 juin 2016 chez le Gouverneur Jean Abete Edi’i. Une plainte dont une partie du contenu est dévoilée par L’Œil du Sahel en kiosque le 25 août.
«Nous portons à votre haute connaissance que votre message dont références sont portées plus haut n’a pas connu une diffusion comme souhaitée. Ce qui veut dire que cette pratique n’a jamais cessé dans l’Arrondissement de Tcholliré. Cette année encore, une équipe de cinq personnes à la tête de laquelle monsieur Ibrahima Djallalahou Ngoura, infirmier vétérinaire de formation à la retraite, habituée à cette pratique (…), sillonne l’Arrondissement depuis le 19/06/2016. C’est le lieu de vous, signaler qu’ils ne laissent rien aux pauvres», lit-on dans la plainte.
Le journal souligne que «la pratique qui est dénoncée ici, c’est la collecte de la Zakat organisée par le Lamido de Rey-Bouba et non moins premier vice-président du Sénat, Aboubakary Abdoulaye. À sa solde, les dogaris Abdoulaye, Hamidou Adamou, Sali Hamadjoda, Bakari Soureya et l’infirmier vétérinaire à la retraite Ibrahima Djallalahou Ngoura, par ailleurs premier adjoint au maire de la commune de Tcholliré».
Notre confrère relaie plusieurs témoignages concordants des victimes. Un éleveur de Horbali affirme: «Nous n’avons pas le choix lorsque ces gens atterrissent dans nos enclos ou dans nos maisons. Ils choisissent ce que tu dois leur donner. La désignation de monsieur Ibrahima Djallalahou Ngoura à la tête de cette équipe est faite à dessein, à mon humble avis. Pour avoir servi dans la localité pendant plusieurs années, il maîtrise le terrain et conduit les dogaris dans les différents enclos des éleveurs. Quand ils entrent dans un enclos, ils choisissent eux-mêmes ce qu’ils doivent prendre pour le Lamido. Personne ne peut s’opposer à eux. Ils commettent toutes sortes d’exactions sans qu’on lève le petit doigt. Nos plaintes, quand bien même elles sont formulées, restent sans suite».
Alhadji Souaibou, éleveur à Youkout, «l’équipe de cette année a été particulièrement exigeante. Elle a collecté entre 400 et 450 bœufs dans les seules localités de Ngob et Horbali. Je ne pense pas qu’on ait pu collecter autant d’animaux dans ces localités comme cette année-ci. Au nombre des bœufs collectés, il faut ajouter des sommes importantes arrachées à ces pauvres éleveurs, car ceux qui ne veulent pas qu’on touche à leurs animaux versent des sommes d’argent. J’ai été victime de vol de bétail cette année et je ne voulais pas me séparer de mes animaux parce qu’il me faut reconstituer le troupeau. Alors, ils m’ont ordonné de leur verser la somme de 350.000 FCFA. Je n’avais pas le choix».
Selon plusieurs sources, cette pratique fait de la résistance avec la complicité de certaines autorités administratives qui en tirent des dividendes.