Certains personnels parmi les noms du communiqué-radio du recteur signé le 21 octobre étaient indisponibles, en mission, en détachement, en stage, en résidence au Canada ou décédé lors du passage de l’équipe de recensement.
Une dame, le pas alerte, pénètre dans le bâtiment de la Direction des affaires académiques et de la coopération (Daac) de l’Université de Douala ce mardi 22 octobre 2024. Il est bientôt 12h30. En l’absence de la directrice de ce département, dont la présence est annoncée pour jeudi, elle est orientée vers le bureau du directeur du personnel enseignant, le Prof. Moussa. Le maître des lieux est lui aussi absent.
Il s’est déplacé, apprend-on. La secrétaire en place reçoit la jeune dame qui se présente comme une enseignante de l’Institut des sciences halieutiques (Ish) de l’université de Douala à Yabassi, où elle exerce depuis quatre ans. Elle explique que sa visite est relative à la présence de son nom sur la liste des 80 enseignants identifiés comme absents de leur poste lors du dernier recensement. D’après un communiquéradio signé le 21 octobre 2024 du recteur de l’université de Douala, le Prof. Magloire Ondoa, ces mis en cause sont appelés à rejoindre leurs postes dans un délai de 15 jours à compter de la signature dudit communiqué, « faute de quoi ils seront placés en position d’absence irrégulière». L’enseignante de l’Ish fait savoir que lors du recensement en juin, elle se trouvait à Yaoundé, dans l'attente de donner naissance.
Elle a reçu la liste signée du recteur dans un groupe WhatsApp des enseignants. Elle a décidé de se rendre aussitôt à la Daac afin de s'enquérir des modalités pour régulariser sa situation. Assise dans le hall du bâtiment pour attendre l’arrivée du Prof. Moussa, son téléphone crépite. Au bout du fil, une collègue de Yabassi dans la même situation annonce sa venue au campus. Le bal des enseignants Entre 12h30 et 14h, des enseignants concernés par le communiqué du recteur défilent dans le bureau de la Direction du personnel enseignant (Dpe). En l’absence du maitre des céans, le visage un peu serré, ils vont et reviennent. En vain. «Le recensement est passé alors que certains étaient en mission. Pour ceux d’entre nous qui étaient dans cette situation là, le recteur a donné quinze jours. Je pense que c’est une sorte de rattrapage du recensement. Je crois que lorsque nous allons nous présenter, tout ira », pense un enseignant.
Un autre relève que son ordre de mission a été signée une semaine avant le recensement et il a suivi la procédure normale jusqu’à son déplacement hors du pays. Même s’il a rappelé à son chef de département qu’il poursuivait sa mission lors du passage des recenseurs, il a été surpris de toujours retrouver son nom dans la liste des absents. A côté de ces cas d’enseignants en mission lors du passage de l’équipe de recensement, l’on indique sur le campus que d’autres éducateurs se trouvent en stage à l’étranger lors de l’opération en juin. L’enseignante de l’Ish de Yabassi atteste de ce que deux de ses collègues, dont les noms figurent sur la liste, se retrouvent dans cette situation. «Je ne sais pas comment ils feront pour se présenter ici », lance -t-elle, pensive.
Selon une petite enquête menée auprès de collègues et amis des enseignants inscrits comme absents, d’autres raisons encore sont enregistrées. Le Jour a appris que certains enseignants qui y figurent avaient été détachés pour les universités de Maroua, de Bamenda ou pour d’autres institutions depuis plusieurs années. Un autre avait demandé et obtenu du ministre de tutelle, un transfert pour l’université de Dschang, apprend-on. Canada Plusieurs autres enseignants sont également annoncés en résidence au Canada. « Il y a un enseignant sur cette liste, un ami à moi. Il est installé au Canada avec femme et enfants depuis 2018. Il y a plusieurs autres noms de collègues qui ont immigré à l‘étranger depuis des années. On ne comprend pas comment leurs noms se retrouvent encore dans le fichier des enseignants», se demande une enseignante. Pour une source, il s’agit d’un aveu d’incompétence. La source martèle que des enseignants en détachement, en transfert ou même en mission avec des visas de l’administration, ne sauraient se retrouver dans une telle liste. Et de relever qu’une des personnes dans ce communiquéradio du recteur est décédée il y a cinq ans.
Les enseignants ayant consulté la liste devenue virale dans les réseaux sociaux relèvent en outre des noms mal orthographiés dans ce communiqué-radio qui ne respecte pas un ordre alphabétique. La liste ne précise non plus de quel des onze établissements ou facultés est rattaché chacun des enseignants indexés. Aussi, certains enseignants sont désignés par un seul nom. De plus, le nom en numéro 31 est répété au numéro 80, entre autres remarques effectuées. Au Syndicat national des enseignants du supérieur (Synes), on trouve cette mesure du recteur salutaire. «Il y a plusieurs enseignants d’universités qui continuent d’émarger dans les caisses de l’Etat cinq ou dix ans après qu’ils sont partis. On espère seulement que les autres universités vont suivre cet exemple, parce qu’il y a eu un séminaire au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur où on parlait de l’absentéisme. Ce problème était déjà dénoncé. On espère simplement qu’il n’y a pas des enseignants dont les noms se retrouvent alors qu’ils ne sont pas en situation irrégulière », indique Prof Jeannette Wogaing Fotso, secrétaire générale du Synes.
Tensions de trésorerie Elle note en sus qu’au regard des tensions de trésorerie, de nombreux citoyens qui ont l’expertise nécessaire sont en situation de chômage, « alors que si ces citoyens qui décident d’aller s’installer ailleurs déclaraient qu’ils ne sont plus là après s’être installés, ce serait des postes à pourvoir », déplore -telle. La syndicaliste espère qu’il n’y aura pas d’injustice et que tout se fera dans l’équité. Le syndicat dans son rôle, relève - t-elle, est là pour protéger les intérêts des enseignants. « Un collègue m’a dit qu’on demande juste des pièces justificatives, mais un haut responsable de l’université lui a assuré qu’il y a d’autres informations qu’on recherche à travers cette opération », susurre l’un des mis en cause, perplexe. Le Jour n’a pas pu avoir le son de cloche de l’administration. Après une descente infructueuse mardi, le reporter est retourné sur les lieux mercredi. Le directeur du personnel enseignant sur les lieux cette fois, a orienté le journaliste vers la directrice de la Daac. Cette dernière a demandé au reporter d’obtenir au préalable une autorisation au rectorat, du secrétaire général ou du recteur, avant toute intervention de sa part. Les deux personnalités absentes de leur poste, le journaliste a été orienté à nouveau vers le vice-recteur chargé du contrôle interne et de l’évaluation. Plusieurs enseignants en quête d’informations se trouvaient d’ailleurs devant ce bureau, dont une enseignante et son bébé. Après une séance de travail avec des collaborateurs, le vice-recteur a quitté les lieux sans accorder d’audience au Jour.