Nous sommes à un 04 novembre 1982. Après moults tentatives de plusieurs de ses proches pour l'en dissuader, Ahamdou Ahidjo a décidé de lâcher prise. Sous le poids de quelle pression? Très peu de personnes étaient vraiment au courant des réelles motivations du président à l'époque.
Ce qui se saura avec le temps, c'est que le chef de l'Etat a eu un entretien très sérieux, seul à seul avec le Premier ministre de l'époque Paul Biya. La discussion a duré des heures. Une fois au pouvoir, Biya ne l'a plus lâché. Il est resté jusqu'aujourd'hui. Retour sur les instants avant la démission de Ahidjo. Des moments racontés par le journaliste Remy Ngono.
"De retour d’une visite médicale à Paris, le Président Ahmadou Ahidjo convoque les membres du Bureau politique et du comité central de son parti UNC , de sa décision de démissionner de ses fonctions de président de la république Unie du Cameroun . Ahmadou Ahidjo reçoit en secret quelques fidèles, dont Sadou Daoudou, alors secrétaire général adjoint de la présidence de la République, Maikano Abdoulaye, ministre d’Etat chargé des Forces armées, Bello Bouba Maïgari, ministre de l’Economie et du plan, et Ahmadou Hayatou, Secrétaire général de l’Assemblée nationale. Sadou Daoudou et Ahmadou Hayatou se retrouvent en fin d’après-midi, ce même jour. Joseph-Charles Doumba, ministre chargé des missions à la présidence de la République, est reçu deux fois dans la journée par Ahmadou Ahidjo, et le dernier, avant que celui-ci n’annonce la désignation de son successeur.
Le président Ahidjo convoque Paul Biya dans sa résidence le 3 novembre 1982 et lui informe à 10 h 15 qu’il sera son successeur dans 24 heures. Il convoque également Samuel Eboua d’informer tous les membres du gouvernement. Tous sont en larmes et reviennent avec en tête Delphine Tsanga et Paul Biya, supplier le président Ahidjo de ne pas démissionner, quitte à prendre des congés pendant un an. Furieux, il leur répond : ? Nul n’est indispensable. C’est ma mort que vous voulez? Ou vous voulez que je m’ e?croule en public en faisant un discours? ?. Le lendemain, Ahidjo annonce sa démission après 24 ans et 8 mois de pouvoir. Il n’avait que 58 ans et n’était pas couché sur un lit d’hôpital .
Lors d’une conférence de presse donnée à Paris deux années plus tard, Ahidjo s’explique : ? j’ai pris moi-même et tout seul la décision de démissionner, parce que je crois que le pouvoir n’est pas un apanage personnel, mais un service de l’ État et que l’on ne doit pas s’y accrocher envers et contre tout , alors qu’on éprouve les difficultés de santé durables ou passagères. Aucun médecin français ou étranger ne m’a proposé ni recommandé de démissionner. Il m’a été prescrit de modifier mon rythme de travail (…) une délégation du comité central de l’UNC dont Biya faisait partie, est venue me supplier de revenir à ma décision alors qu’elle n’était pas encore publique. J’ai pris ma décision, comme le dictait ma conception du service de l’État. 25 ans à la tête du Cameroun m’ autorisaient à croire et à dire que j’avais suffisamment servi mon pays, pour aspirer au repos?.
37ans après, Paul BIYA , grabataire de 87 ans, veut mourir étant au pouvoir. En même temps, il tue le Cameroun. En moins de 3 ans de pouvoir, il avait vidé les 1500 milliards de francs CFA de recettes pétrolières déposées par son prédécesseur dans les banques américaines. Les recettes gérées par la BNP en France et la BICIC au Cameroun ont été pillées.
Les sociétés florissantes telles que FONADER, SOCAME, MIDEVIV,FOGAPE, CAMSHIP ont été liquidées. CAMEROON AIRLINES qui était la première compagnie nationale de transport aérien en Afrique avec 11 avions ,a été mise en faillite. La Société Nationale d’ Électricité dont la centrale hydroélectrique de 388 mégawatts a été l’une des oeuvres phares d’ Ahidjo , a été bradée par Biya . La compagnie des eaux SNEC a déjà aussi été clandestinement bradée aux Britanniques. Le tronçon de chemin de fer de 622 km reliant Yaounde? à Ngaounde?re? construit par Ahidjo entre 1964 et 1974, a été offert cadeau par Biya au Français Bolloré, tout comme le port autonome de Douala-Bonabéri .
Sous Ahidjo , le Cameroun était un pays en voie de développement qui réalisait des projets à travers les plans quinquennaux . Mais sous Biya, il est devenu un pays pauvre et très endetté avec un déficit public estimé par le FMI à 41% du PIB en 2021.
Sous Ahidjo , le Cameroun avait atteint l’autosuffisance alimentaire. Sous Biya, le Cameroun connaît les émeutes de la faim et importe un milliard cinq cent millions de tonnes de denrées alimentaires par an; d’où un déficit de 700 milliards de FCFA de sa balance commerciale.
Sous Ahidjo , le Cameroun était respecté par à l’étranger. Le président américain John Kennedy venait accueillir le président camerounais au pied de l’avion et lui ouvrait la portière de la voiture après sa visite aux États-Unis Sous Biya, le Cameroun a été par Donald Trump de l’AGOA quelques mois après que Paul Biya soit viré de l’hôtel Intercontinental de Genève.
Sous Ahidjo, le Cameroun, modèle de gestion des affaires publiques, a été couronné double champion du monde de la corruption sous Biya . Près de 2000 milliards de francs CFA destinés à l’organisation de la CAN 2019 ont été détournés en toute impunité. Tous les projets des infrastructures financés par le FMI, la Banque mondiale et autres, sont abandonnés après le détournement des fonds alloués.
Sous Ahidjo le Cameroun était gouverné et le chef de l’État tenait chaque semaine un conseil ministériel. Sous Biya, il y a eu environ une dizaine de conseils ministériels en 37 ans! Paul Biya est même incapable de faire une tournée dans les dix régions de son pays, ou tout simplement se rendre au chevet des victimes des catastrophes de Wum, Eseka, Boko Haram et la guerre de sécession que lui-même a provoqué.
Le seul projet ou? le président Ahidjo a échoué est celui d’avoir construit un beau pays, un merveilleux palais présidentiel à 200 milliards de francs CFA , pour les offrir à un simple roi fainéant qui s’autoproclame ? meilleur élève de la France ? . Comme le confessait Ahidjo en 1984: ?je reconnais humblement m’être trompé sur la personne Biya que j’avais estimée, protégée, comblée et portée tout seul à la tête de l’ État ?".