Douala, le bastion historique de l'opposition politique et des revendications contre le régime de Paul Biya, reste sous un contrôle minutieux du pouvoir central de Yaoundé. Alors que la présidentielle de 2025 se profile, Magazine Jeune Afrique dévoile les coulisses de cette surveillance constante.
L'agitation quotidienne dans les artères de Douala contraste vivement avec l'anachronisme qui caractérise la ville portuaire camerounaise. Le lieu-dit "Douche municipale", une rue animée du quartier d'affaires d'Akwa, illustre parfaitement ce contraste. Les piétons, les motos, les voitures et les vendeurs ambulants se disputent l'étroite chaussée, créant un chaos permanent, relate Jeune Afrique.
Il y a deux ans, la communauté urbaine de Douala a lancé l'opération "Restituer le trottoir aux piétons" pour mettre fin à cette pagaille. Cependant, la question de la survie des commerçants de rue sans source de revenus s'est posée. Les autorités de la ville ont finalement opté pour l'inaction. Ainsi, Akwa et d'autres quartiers de la ville demeurent dans un état de délabrement visible.
Ce statu quo à Douala est souvent qualifié de "tolérance administrative". Il s'agit d'une pratique où les autorités laissent les activités informelles prospérer pour pallier le manque d'emplois décents. Cependant, certains observateurs estiment qu'il s'agit également d'une stratégie politique mise en œuvre par l'État central.
L'objectif de cette stratégie est de maintenir une menace latente au-dessus des milliers de citoyens marginalisés qui pourraient réclamer publiquement de meilleures conditions de vie. Douala, en tant que capitale économique du Cameroun, est historiquement le bastion de la contestation politique, susceptible de s'enflammer à tout moment. C'est pourquoi Yaoundé tient à la surveiller de près.
Le gouverneur de la région du Littoral, Samuel Ivaha Diboua, est chargé par le pouvoir central de maintenir la stabilité dans la ville. Depuis son quartier général à Bonanjo, il administre la région avec rigueur. Ses bureaux et sa résidence sont situés au cœur du secteur financier du pays, loin des zones sensibles de la ville.
Pourtant, le gouverneur est l'élément central du dispositif qui permet à Yaoundé de garder le contrôle sur Douala, malgré le passage à un système décentralisé. "C'est le patron administratif. À côté de lui, le président de la région n'a qu'un statut honorifique", explique un élu local. Diplômé de l'École nationale d'administration et de magistrature (Enam), il joue un rôle crucial en ouvrant ses portes aux médias, en recevant des personnes expropriées, des chauffeurs de moto-taxi mécontents et des acteurs économiques influents.