Actualités of Wednesday, 15 March 2023

Source: www.bbc.com

Violence en Haïti : "J'ai vu des scènes de guerre à la porte de l'hôpital"

"J'ai vu des scènes de guerre à la porte de l'hôpital"

Les affrontements entre bandes armées qui luttent pour le contrôle du territoire se sont étendus ces derniers jours à une grande partie de Port-au-Prince, la capitale haïtienne.

Cité Soleil, la commune la plus dangereuse du pays, se retrouve sans hôpital de Médecins sans frontières à cause de la recrudescence de la violence.

L'organisation vient de fermer temporairement son centre de santé en raison de la vague de violence qui déferle sur le pays.

"Tous les jours, des coups de feu étaient tirés près de la porte de l'hôpital, à quelques mètres de l'endroit où nous nous trouvions", raconte Vincent Harris, l'un des médecins.

"J'ai vu des scènes de guerre à l'extérieur de l'hôpital et nous avons trouvé des balles perdues à l'intérieur. Nous étions en première ligne. Nous devions constamment nous mettre à l'abri pour protéger les patients, dont certains étaient blessés par balle, et le personnel", explique-t-il à la BBC. "Nous avions peur de perdre la vie."

Malheureusement, tout le monde n'a pas survécu.

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"Il y avait un bébé extrêmement malade. Au milieu d'une fusillade, nous avons dû courir jusqu'à l'abri et nous n'avons pas pu fournir de soins d'urgence. Nous n'avons pas pu le sauver", raconte le médecin.

Lui et ses collègues sont prêts à retourner à l'hôpital, si on leur garantit des conditions de sécurité de base.

Des milliers d'habitants de Cité Soleil, pris entre deux feux au cours de la semaine écoulée, ont été contraints de fuir leur domicile pour survivre.

"Des groupes armés tirent directement sur notre maison"

Un travailleur de MSF, qui a témoigné sous couvert de l'anonymat, dit qu'il vit dans la peur. "Je sens que le risque que quelque chose de grave se produise se rapproche. Mes voisins du dessus ont trouvé une balle perdue dans leur cage d'escalier."

"Des groupes armés tirent directement sur notre maison, ajoute-t-il. J'ai été contraint de partir avec ma famille pour me réfugier chez un ami."

Durant ces derniers mois, des bandes criminelles ont instauré un climat de terreur quasi permanent à Port-au-Prince, en utilisant des tireurs d'élite qui tirent sans discernement, ont rapporté les Nations unies en décembre.

Le Réseau national haïtien pour la défense des droits de l'homme, qui a documenté la violence à Cité Soleil, affirme que de nombreux survivants "regrettent d'être en vie" en raison de l'utilisation aveugle de la force.

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Le redoutable G9

Les gangs armés opérant en Haïti sont regroupés en deux grands groupes : le G9 et le G-Pep.

Ces groupes sont responsables d'actions violentes telles que des assassinats, des disparitions, des violences sexuelles et des enlèvements.

La majeure partie de Cité Soleil, où vivent quelque 300 000 personnes, est contrôlée par la plus puissante fédération de gangs de la capitale : la famille G9 et ses alliés.

Le G9 a bloqué le principal terminal de carburant de la ville en septembre, paralysant le pays pendant près de deux mois et déclenchant une crise humanitaire.

Parmi les tactiques mises en œuvre par le groupe armé, citons la restriction des déplacements des habitants et le blocage de l'accès aux produits de première nécessité, tels que la nourriture et l'eau, ainsi qu'aux services d'assainissement.

Ces actions ont encore appauvri la population locale et dégradé un environnement sanitaire déjà extrêmement malsain, encourageant la propagation de maladies infectieuses.

Hors de contrôle

Le gouvernement haïtien, dirigé par le Premier ministre Ariel Henry, qui fait office de président depuis l'assassinat de Jovenel Moise, n'a pas réussi à maîtriser les gangs criminels qui contrôlent une grande partie de la capitale.

Jovenel Moise a été assassiné par des hommes armés en juillet 2021. La police a accusé des mercenaires colombiens, dont une vingtaine ont été arrêtés.

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Cependant, plus d'un an plus tard, personne n'a été traduit en justice.

L'assassinat du président a créé un vide de pouvoir que les gangs se sont efforcés de combler.

Les experts affirment que les groupes armés ont des liens avec des personnalités politiques corrompues, tant au sein du gouvernement que dans l'opposition.

Ces personnalités seraient responsables de la fourniture d'armes, de fonds ou d'une protection politique aux gangs. En retour, les gangs font le sale boulot, suscitant la peur ou l'instabilité.

Ariel Henry a demandé à plusieurs reprises le déploiement d'une force internationale pour aider la police dans sa lutte contre la violence.

Jusqu'à présent, aucun pays n'a proposé de prendre la tête d'une telle force.