Selon un ancien conseiller de Barack Obama, l’actuel occupant de la Maison-Blanche n’est pas toujours au courant des initiatives prises par ses collaborateurs sur le Cameroun. Comme la sortie de l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé.
Il passe pour un fin connaisseur de la Maison-Blanche. Et Robert Malley est formel : sur la crise anglophone, des collaborateurs de Donald Trump manoeuvrent avec succès à son insu. En tout cas sans son onction. Quand, dans son édition du 12 au 25 août 2018, Jeune Afrique lui demande « Pourquoi la crise du Cameroun anglophone est-elle suivie de près par Washington ? camer.be», il répond sans ambages : « Je dirais plutôt : par certains secteurs de l’administration, pour qui le Cameroun est important en raison de l’existence d’une forte communauté anglophone ». Parmi ceux qui sont susceptibles « d’infléchir la position américaine » sur la crise anglophone en raison du peu d’intérêt qu’elle présente pour le président américain, l’ancien conseiller Proche-Orient, Moyen-Orient et Afrique du Nord de Bill Clinton et Barack Obama pointe notamment Nikki Haley, ambassadrice à l’ONU, dont l’intérêt pour l’Afrique n’est plus un secret.
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INITIATIVE PERSONNELLE OU POSITION COLLECTIVE
Il n’est pas loin de classer la sortie de l’ambassadeur américain à Yaoundé dans ce registre. Bien qu’il ne tranche pas si l’invitation de Peter Henry Barlerin à Paul Biya de réfléchir à son héritage relève « d’une initiative personnelle ou d’une position collective », l’actuel président d’International Crisis Group n’en pense pas moins, au moins parce que Donald Trump, notet- il, préfère des hommes forts aux institutions fortes. L'information claire et nette. « Il n’est pas sensible à ces valeurs ‘’molles’’ et abstraites que sont, selon lui, la force des institutions démocratiques, la solidarité, la tolérance », explique Robert Malley, favorable à une résolution pacifique de la crise dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest : « Au Cameroun, nous proposons une solution qui va dans le sens du dialogue entre le gouvernement et les anglophones, donc de la désescalade et de la mise en place d’une indispensable décentralisation ».
Le président du think tank International Crisis Group rappelle que la déclaration de l’ambassadeur américain à Yaoundé et « les déclarations musclées de Nikki Haley en faveur des droits de l’homme en Afrique » sont en déphasage avec l’attitude générale de l’administration américaine. Le Congrès américain et le Département d’Etat apparaissent aussi comme l’épicentre des manoeuvres souterraines sur le Cameroun. Sous prétexte de violations des droits de l’homme par les forces de sécurité et de défense, des membres de la Chambre des représentants font régulièrement pression sur le Département d’Etat pour agir contre le gouvernement camerounais. Par exemple, dans une correspondance datée du 26 juin 2017 et adressée au secrétaire d’Etat américain, Anthony G. Brown et Jamie Raskin s’inquiètent des « rapports sur les stratégies d’intimidation employées par le gouvernement du Cameroun contre les membres de la minorité d’expression anglaise ». Aussi invitent-ils Rex W. Tillerson à prendre des mesures appropriées.
EPICENTRE DES MANOEUVRES SOUTERRAINES
En tant qu’élus du Maryland, Anthony G. Brown et Jamie Raskin se disent d’autant plus préoccupés par les différents rapports sur la situation dans les régions anglophones que 13.000 personnes issues de cet Etat sont nées au Cameroun. Ils regrettent que depuis le 28 novembre 2016, le Département d’Etat ne s’est pas officiellement exprimé sur ces événements et leur impact sur les droits des Camerounais. Ils demandent donc une réaction du Département d’Etat sur la situation politique et humanitaire, et davantage sur le recours abusif à la force contre la communauté anglophone.
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Cette correspondance intervient après celle d’un autre membre du Congrès au Département d’Etat. Le 9 mai 2017, Donald M. Payne JR. a saisi Rex W. Tillerson pour solliciter l’ouverture d’une enquête sur des accusations de violations des droits de l’homme par les forces de sécurité camerounaises dans la guerre contre Boko Haram et la gestion de la crise anglophone. La correspondance évoque notamment l’usage disproportionné de la force pour disperser les manifestants, le bannissement des activistes anglophones, l’arrestation et la persécution criminelle des avocats complaisamment accusés de terrorisme, la coupure d’internet pendant trois mois dans les régions anglophones et les menaces d’emprisonnement contre les journalistes.
Le membre du Congrès précise qu’il a été saisi par des membres de la communauté camerounaise sollicitant une assistance. D’aucuns veulent voir là une démarche du lobby anglophone, à qui l’on prête une certaine puissance financière et qui met à profit ses entrées au sein du Département d’Etat et du Département de la Défense pour convaincre le pouvoir américain que le gouvernement camerounais s’illustre par ses multiples violations des droits de l’homme et ses brimades contre la communauté anglophone.