Actualités of Monday, 27 January 2025

Source: Le jour n°4327 du 24 janvier 2025

Voici la raison de la crise à La vraie église du Cameroun

La pomme de discorde La pomme de discorde

Depuis quatre ans, cette association cultuelle est secouée par des contestations et des procès en justice nés au lendemain du décès de son fondateur. Le point.

Ce n’est pas encore la grande sérénité à La vraie église de Dieu du Cameroun. La crise qui secoue cette association cultuelle depuis quatre ans connait tout de même un calme apparent en ce début d’année. Mais il y a un mois encore, en décembre 2024, les esprits se sont échauffés. C’était à l’occasion de la tenue de la 58ème convention de cette assemblée à Mombo, dans le département du Moungo. Une fraction de fidèles de cette église a manifesté son mécontentement en bloquant la voie publique. Les forces de l’ordre mobilisées pour la circonstance ont violemment réprimé la manifestation. Plusieurs protestataires (une dizaine) hostiles à la tenue de ladite convention ont été interpellés. Ils ont été placés en garde à vue dans différentes unités de police à Mbanga et Nkongsamba, avant d’être libérés plus tard. Trois mois plus tôt, deux autres sympathisants de cette fraction ont été arrêtés à Douala. Ils ont été placés en garde à vue administrative à la prison centrale de New-Bell, sous ordre du préfet du département du Wouri, apprend-on. Ils ont recouvré la liberté après quinze jours.

Ces interpellations et ripostes des autorités font suite aux sorties épistolaires du ministre de l’administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, au sujet de cette crise. En effet, le ministre a servi en date du 28 février 2024, une mise en garde au pasteur Tchana Tchamy Dantse Landry contre toute attitude irresponsable de ses fidèles qui s’obstinent à troubler l’ordre public pour imposer leur candidat à la tête de la Vraie église de Dieu du Cameroun. « Les autorités administratives seront amenées à prendre les mesures conservatoires en cas de persistance de cette situation », a écrit Paul Atanga Nji. Les troubles au sein de l’assemblée cultuelle ne se sont pas estompés pour autant. En date du 24 mai 2024, le Minat est à nouveau monté au créneau. Dans une lettre aux préfets et gouverneurs des dix régions, le ministre demande aux autorités d’interdire toute manifestation illégale sollicitée ou organisée au nom de la Vraie église de Dieu du Cameroun par Tchana Landry ou tout autre individu non mandaté par le pasteur Abate Ndengue François, désigné comme le président exécutif de l’œuvre. « Au besoin, faire interpeller les fauteurs de trouble », prescrit le Minat.

Ordonnance du tribunal administratif

Seulement, dans le camp du pasteur Tchana Landry, on ne reconnait pas la légitimité du bureau exécutif de l’œuvre mentionné dans un acte du Minat. Pour cause, on soutient que ce bureau a été suspendu par le tribunal. Pasteur Tchana Landry et les siens ont en effet engagé deux procédures au tribunal administratif du Centre à Yaoundé contre l’Etat du Cameroun représenté par le Minat et contre l’église. Une première procédure sur la suspension des effets de l’acte du ministre qui reconnait un bureau exécutif de l’œuvre dans sa lettre du 28 février 2024. La deuxième procédure demandait l’annulation de cet acte du ministre. Le 29 novembre 2024, le tribunal s’est prononcé sur la première procédure. L’ordonnance n°33 suspend les effets de la lettre du ministre du 28 février 2024. Si le Pasteur Tchana Landry et ses proches jubilent à la suite de cette ordonnance, les membres du bureau exécutif de l’œuvre sont plutôt sereins.

Ces derniers s’appuient sur une disposition de la loi fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême pour justifier leur liberté de fonctionnement au sein de l’église. Blaise Bankoue, évangéliste et directeur adjoint de l’édition et de la Communication de la Vraie église de Dieu du Cameroun évoque l’article 111 de ladite loi qui dispose que « le pourvoi contre une ordonnance de sursis à exécution d’un acte administratif suspend de plein droit l’exécution de ladite ordonnance ». « Le pourvoi en cassation rend nul et de nul effet cette ordonnance. C’est ce que l’église et le Minat ont fait. Après cette ordonnance, la Vraie église de Dieu du Cameroun a saisi la chambre administrative de la Cour suprême pour un pourvoi en cassation de ladite ordonnance. Le Minat a fait de même. Ce qui veut dire que l’ordonnance 33 du tribunal qui suspendait les effets du bureau exécutif de l’œuvre est aussi suspendue. En conséquence, le bureau exécutif de l’œuvre est libre de ses mouvements au sein de la Vraie église de Dieu du Cameroun », explique-t-il.

A la genèse de l’affaire

Seulement, le pasteur Tchana Landry assure que lui et les siens n’ont jusqu’à ce jour pas reçu de manière formelle la lettre de la Cour suprême qui indique qu’un pourvoi en cassation a été fait. « Selon la loi, la Cour suprême doit nous notifier. Ils disent que la lettre du Minat vaut plus que la lettre de la justice. Il y a d’autres procédures en justice encore en cours dans le cadre de cette affaire », indique le pasteur Tchana Landry qui ne désiste pas. Mais pour comprendre l’affaire, il faut remonter au décès du fondateur et premier Président du conseil d’administration de la Vraie église de Dieu du Cameroun, le pasteur Nestor Toukea, le 10 août 2020. Des fidèles relatent qu’une assemblée générale (Ag) s’est tenue à Mombo, dans le département du Moungo, le 13 février 2021 pour désigner son remplaçant. La réunion a abouti à la désignation d’un nouveau Pca, le révérent Tchana Tchani Dantse Landry. Une correspondance à titre d’information est adressée au ministre de l’Administration territoriale (Minat) avec en copie le procès-verbal de l’Ag de Mombo.

« Une équipe dissidente a fabriqué un autre procès-verbal qu’ils ont mis dans le dossier on ne sait par quel moyen. Le ministre a indiqué que le Pv n’était pas conforme. Le nouveau Pv parle de Conseil d’administration et de conseil spirituel, or ce dernier poste n’existe pas dans nos textes », a expliqué Me Honoré Tongnin, un fidèle, lors d’une manifestation le 24 mars 2024 à la chapelle de Nyalla à Douala. Il a en outre fait savoir qu’une affaire est pendante devant le tribunal. Pour Blaise Bankoue, le secrétaire général a assuré l’intérim du directoire après le décès du fondateur. « A l’Ag du 13 février 2021, deux charges ont été présentées. Les statuts ne le prévoyaient pas, mais le fondateur de son vivant avait laissé des écrits datés de 2005. Il avait suggéré qu’après sa mort qu’on divise les charges en deux : une charge spirituelle et une charge administrative (pour le Pca). L’église malgré tout a accepté. Aujourd’hui, ils rentrent dans les statuts alors que les statuts n’ont pas été respectés à l’Ag. Jusqu’au 3 juillet, le Pv de l’Ag n’était pas signé. Donc le Pv fait en catimini et déposé au Minat était un faux », défend l’évangéliste.

De multiples contestations

Une autre Ag convoquée par le secrétaire général le 9 février 2023 sera avortée à la suite d’un mouvement d’humeur de protestation deux jours plus tôt dans la cour de la sous-préfecture de Kribi 1er. Une autre manifestation en paroisse a eu lieu le jour-dit de l’Ag. Une autre Ag encore a été convoquée pour le 14 juin 2023 à Ayos dans la région du Centre. Elle sera interdite par le sous-préfet saisi. L’Ag se tiendra finalement le 17 juin. « L’interdiction ne frappait que la journée du 14 », précisent des fidèles. Dans une lettre datée du 28 février 2024 le ministre Paul Atanga Nji a dit prendre acte des changements intervenus au sein de la Vraie église de Dieu du Cameroun « à l’issue de l’assemblée générale extraordinaire d’Ayos tenue le 17 juin 2023, notamment la modification des statuts et règlement intérieur ainsi que la désignation des membres du Bureau exécutif de l’œuvre (…) ». Au plus fort de toutes ces ramifications, Blaise Bankoue soutient corps et âme que la paix est de retour au sein de la Vraie église de Dieu du Cameroun, reconnue par décret du président de la République le 31 décembre 1971. L’association cultuelle compte environ 500 assemblées et est étendue dans quatre continents à savoir l’Afrique, l’Asie, l’Europe et l’Amérique.