Président de conseil d'administration. Voilà un titre qui fait rêver tant de Camerounais, surtout ceux qui sont à la retraite. Normal. Le poste est juteux et son titulaire est rarement au-devant de la scène. L’actualité politico-judiciaire de ces dix dernières années montre aussi qu’ils sont à l’abri des démêlés avec la justice.
On a vu par exemple un directeur général d’une société condamné pour fautes de gestion et son président du Conseil d’administration, qui avait pour rôle d’évaluer justement sa gestion, vivre paisiblement sa retraite. Le poste tente donc tout le monde. Le chef de l’État l’utilise, tantôt pour caser ses fidèles, tantôt pour récompenser ses soutiens. C’est dans ce dernier registre qu’il faut classer la récente nomination d’Aminatou Ahidjo, la fille de l’ancien président du Cameroun, venue soutenir contre toute attente, le RDPC en 2013.
Pouvoir étendu
Paul Biya a fait de ce poste une sorte de maison de retraite. Qui se rappelle à quand remonte le nomination de Joseph Owona à la Société de Recouvrement des Créances du Cameroun (SRC); de Ayang Luc à l’Office national du cacao et du café (ONCC) ; de Joseph Pokossy Ndoumbé aux Aéroports du Cameroun (ADC); de Hamadjoda Adjoudi, à l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP), et de l’Université de Ngaoundéré, de John Ebong Ngolle à la Sonara; Jerôme Obi Eta à la Camwater ; René Ze Nguélé à l’Irad? Le chef de l’État a réussi même à nommer une seule personne PCA de deux entreprises.
Mieux, il a fait de Chief Mukete (à qui il a aussi donné le titre de sénateur) PCA de la CAMTEL. Et pourtant, le concerné est l’un des grands actionnaires d’une autre entreprise de la téléphonie mobile. Or, son travail à la CAMTEL consiste aussi à définir et orienter les politiques générales de l’entreprise.
Dans ces conditions, que valent donc ces PCA ?
Pour comprendre le rôle d’un président de conseil d'administration au Cameroun, il faut convoquer la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic. L’article 36 de cette loi précise que le conseil d'administration est composé de trois (3) membres au moins et de douze (12) au plus. Il comprend obligatoirement un représentant du personnel élu. L’on apprend aussi que le conseil d'administration élit son président parmi ses membres en dehors des représentants de l'administration de tutelle, à la majorité des deux tiers (2/3) des membres présents ou représentés.
Le président du conseil d'administration est élu pour un mandat de trois (3) ans renouvelables une (1) fois. Sur son pouvoir, le texte précise que le président du conseil d'administration a les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de l'entreprise, définir et orienter sa politique générale et évaluer sa gestion, dans les limites fixées par son objet social.
En particulier, et sans que cette énumération soit limitative, le conseil d'administration a le pouvoir de fixer les objectifs et d'approuver les programmes d'action conformément aux objectifs globaux du secteur concerné, d'approuver le budget et d'arrêter de manière définitive les comptes et les états financiers annuels, d'approuver les rapports d'activités, d'adopter l'organigramme, le règlement intérieur, le barème des salaires et les avantages du personnel proposés par le directeur général, de recruter et de licencier le personnel d'encadrement, sur proposition du directeur général, de nommer aux postes de responsabilité à partir du rang de directeur-adjoint et assimilé. C’est donc fort de ce pouvoir que l’on observe souvent des frictions entre les PCA et les DG.
Les saillies sont dans la presse. «En général, ces frictions interviennent lorsque le PCA veut empiéter sur les prérogatives du Dg, alors il y a certains Dg qui n’acceptent pas le diktat des PCA, d’où les crises », analyse un magistrat. Pour ce qui est des traitements des PCA, la loi prévoit que la fonction d'administrateur est gratuite.
Les administrateurs peuvent cependant bénéficier d'indemnités de session et du remboursement des dépenses occasionnées par les sessions du conseil d'administration, sur présentation des pièces justificatives. Dans les faits, il se fait bon d’être PCA. Mais, c’est également, l’un des postes où l’État viole allègrement les lois et les règlements du Cameroun. Selon les textes, les PCA ont un mandat de trois ans renouvelables une fois.