En concédant ce bien immobilier évalué à plus d’un milliard FCfa, l’ex-DG souhaite obtenir l’arrêt des poursuites dans l’affaire Camair où il est accusé de détournement de deniers publics.
Le 24 avril 2015, Yves Michel Fotso a adressé une « offre de restitution » au procureur général près le Tribunal criminel spécial (TCS), Emile Zéphyrin Nsoga.
L’ancien administrateur directeur général de la Camair engageait ainsi un remboursement en nature et non en numéraire du corps du délit (somme que la justice lui reproche d’avoir détourné) qui lui est imputé dans l’affaire Camair. En effet, l’Etat du Cameroun et la liquidation de la Camair réclament 69 milliards FCfa à Yves Michel Fotso, la CBC, Bombardier, Chanas et autres.
Au terme des confrontations et dans le cadre d’un protocole d’accord transactionnel conclu entre le liquidateur de la Camair, Emile Christian Bekolo et Yves Michel Fotso, ce montant a été ramené à 20 milliards FCfa.
Selon cet accord, Yves Michel Fotso est débiteur à lui seul de 2 milliards FCfa, montant sur lequel il a transigé avec le liquidateur. En d’autres termes, on lui reproche le détournement de 2 milliards FCfa. Une somme qu’il consent à restituer en août 2013 contre l’arrêt des poursuites tel que le prévoit le protocole d’accord. Au moment où l’affaire est ouverte devant le TCS en février 2015, Yves Michel Fotso n’a versé que 665 millions FCfa.
Un règlement resté comme tel jusqu’à ce jour. Il lui restait à solder 1,085 milliard FCfa.
Toutefois, suite à la fermeture de ses comptes bancaires en septembre et octobre 2013 par le juge d’instruction Annie Noëlle Bahounoui (qui a mené l’information judiciaire de l’affaire Camair), Yves Michel Fotso s’est dit dans l’incapacité de restituer en numéraire le reste de l’argent qu’on lui réclame.
Laurent Esso
C’est alors que dans son « offre de restitution » du 24 avril 2015 soumise au procureur général près le TCS, il accepte de céder sa résidence de Bandjoun (son village natal) à l’Etat du Cameroun.
Expertisée par M. Ayissi Bessala, un expert judiciaire agréé en évaluation immobilière et foncière près les Tribunaux, cette villa avec piscine et jardin construite en 1996 est évaluée à plus de 1,08 milliard FCfa.
Cette « offre de restitution » a été soumise à l’appréciation du ministre de la Justice, Laurent Esso, qui doit marquer son accord ou non pour l’arrêt des poursuites contre la cession de ce bien immobilier appartenant à Yves Michel Fotso.
D’ores et déjà, l’avocat de la Camair, Me Epassi, le plaignant, a exigé sans détour un remboursement en numéraire. Ce à quoi Yves Michel Fotso ne s’oppose pas, « mais encore faut-il que la mesure de saisie injuste des comptes bancaires intervenue après et non pas avant la signature du protocole transactionnel, soit levée », glisse Me Michael Buehler, l’avocat de l’homme d’affaires.
Il pense que « rien n’empêche le liquidateur, organe de l’Etat agissant sous le contrôle du ministère des Finances, d’oeuvrer à ce que les comptes bancaires soient enfin débloqués. L’Etat ne peut pas d’une part inviter des accusés à restituer le corps du litige (selon les termes du protocole d’accord, l’exécution de celui-ci valait restitution du corps, Ndlr) et d’autre part, par des mesures illégales, les en empêcher », fulmine l’avocat allemand.
230 millions FCfa
Fort de cette « offre de restitution », la défense d’Yves Michel Fotso a sollicité la suspension de la procédure de jugement déclenchée depuis près de trois mois devant le Tcs. Le parquet général a fait savoir que la demande d’arrêt des poursuites formulée suite à cette « offre de restitution » est en « cours de traitement ».
Le dossier est donc sur la table de Laurent Esso. C’est la deuxième demande d’arrêt des poursuites pendante à la chancellerie formulée par Yves Michel Fotso. En janvier 2013 déjà, les avocats de l’homme d’affaires avaient versé 886.752.217 FCfa au trésor public.
Dans une correspondance adressée au ministre de la Justice, Laurent Esso, après cette opération, Me Mandeng et Me Achet avaient formellement demandé l’arrêt des poursuites contre Y.M. Fotso dans l’affaire de l’avion présidentiel où leur client avait été condamné à 25 ans de prison quelques mois auparavant.
Pour Fotso et ses avocats, l’argent versé à la trésorerie générale de Yaoundé représente le corps du délit qui leur est imputé dans ce dossier. Plus de deux ans après, Laurent Esso n’y a toujours pas donné une suite.
Visiblement séduit par cette possibilité qu’offre une disposition de la loi portant création du TCS qui est de rembourser et de pouvoir obtenir l’arrêt des poursuites, Yves Michel Fotso inaugure l’ère des restitutions opérées par le TCS. En novembre 2012, alors que le TCS se mettait à peine en place, Yves Michel Fotso rembourse 230 millions FCfa.
On lui reprochait d’avoir abusivement prélevé cette somme dans les caisses de l’Autorité aéronautique civile.
Cette fois-là, la demande d’arrêt des poursuites a prospéré. Laurent Esso y a marqué un accord favorable. Le 25 mai prochain, l’on connaitra le sort qui a été réservé à ce remboursement en nature (premier du genre au TCS ) effectué par Yves Michel Fotso.