Actualités of Thursday, 7 July 2022

Source: Kalara

Yaoundé : Elle veut divorcer parce que monsieur ne l’a pas placée à l’Enam

Campus de l'Enam Campus de l'Enam

Après plusieurs années de mariage et deux enfants, une femme a saisi le tribunal pour dissoudre son union d'avec son époux. Elle accuse ce dernier de l'avoir privée de sexe depuis des moins, et aussi d'être devenu irresponsable. L’homme, qui s'oppose au divorce, accuse sa belle-famille d'être à l'origine de ses déboires en manipulant son épouse.


«Mon mari a déserté le lit conjugal il y a longtemps. Il préfère dormir au salon, sur un canapé, plutôt que de partager les mêmes draps avec moi. Il refuse de me faire l’amour. Quand je le lui réclame, il me couvre d’injures» . C’est par ces mots que Flavienne, la trentaine révolue, a amorcé son récit devant la barre du Tribunal de premier degré (TPD) de Yaoundé le 13 juin 2022. Elle est décidée de mettre un terme à son mariage avec Edy, le père de ses deux enfants. Drapée dans un Kaba tissu pagne, la jeune dame à la peau claire, reproche à Edy l’irresponsabilité, le manque de respect envers elle et ses parents, les violences conjugales, le manque d’attention et de dialogue dans le couple, et surtout le fait pour son époux d’avoir déserté le lit conjugal. Edy, qui dit aimer encore son épouse, s’oppose à ce divorce. Le couple s’est expliqué devant le juge, qui prône la réconciliation.

Flavienne dit qu’elle a fait la connaissance de son prince charmant alors qu’elle était âgée de 20 ans. Deux ans plus tard, après l’obtention de sa licence et la naissance de leur premier enfant, ils ont célébré leur mariage sous le régime de la monogamie et la communauté des biens. Elle avoue tout de même que son mari a toujours été un homme pas très ouvert au dialogue. «J’ai négligé ce détail en espérant qu’il allait changer avec le temps. Mais hélas !» a-t-elle regretté. La dame a dénoncé l’inaptitude de son époux à remplir ses devoirs conjugaux. Elle relate que son domicile conjugal est encombré par ses beaux-frères, qui l’empêchent de s’épanouir. «Il rationne 2500 francs seulement pour deux jours, avec la vie qui devient de plus en plus chère. Les enfants et moi-même ne mangeons pas à notre faim. Pourtant, il est cadre dans une grande société de la place et perçoit un salaire consistant».


Église reveillée

Flavienne déclare avec insistance que Edy la prive de sexe depuis des mois. Quand elle revendique ce qui, selon elle, lui revient de droit, elle reçoit des coups de poings et injures en retour. Fatiguée par les bastonnades, elle a déserté le domicile conjugal. Depuis son départ, Edy ne s’occupe plus ni d’elle, ni de leurs enfants encore mineurs. «Il n’a jamais essayé la réconciliation. La seule fois où il est arrivé dans ma famille où j’ai trouvé refuge avec mes enfants, il s’est battu avec mon père. Il refuse de voir sa progéniture dorénavant». Elle a expliqué que malgré les cas de maladie bien connu de son époux, ni elle, ni les enfants, ne bénéficient des commodités de l’assurance maladie accordée à son époux par son employeur. «Quand j’étais chez lui, j’étais l’ombre de moi-même. Maintenant que je suis chez mes parents, je carbure. Je ne veux plus de ce mariage» , tranche-t-elle.

Serein tout au long du récit de son épouse, Edy a fondu en larmes lorsque la parole lui a enfin été donnée. Il a commencé sa défense par les faits d’irresponsabilité que lui reproche Flavienne. Il s’est lui-même brossé le portrait d’un père responsable et d’un mari dévoué. Il affirme qu’il s’est toujours bien occupé de sa petite famille. Le problème selon lui, provient de sa femme, qui préfère manger dans les restaurants plutôt que de faire une bonne cuisine à la maison. Edy reproche également à son épouse le fait de s’être alliée à sa tante, épouse d’un pasteur d’une église de réveil. «Nous avons célébré notre mariage à l’église protestante. Mais, contre mon accord, ma femme fréquente déjà les églises de réveil. Elle y emmène aussi mes enfants!g» , s’est-il indigné.

Le père de famille, qui se présente également comme un homme politique, soutient que le départ de son épouse du domicile conjugal a été commandité par les membres de sa belle-famille. «C’est son père qui l’instrumentalise. Il m’a promis la mort et m’empêche de voir mes enfants. Mon épouse divulgue nos secrets de couple dans sa famille. Ce sont eux qui décident de tout chez moi» . Il dit s’être rapproché de sa belle-famille pour un arrangement. En vain. Madame refuse de regagner le foyer.

Conseils du juge

Edy explique en outre que la haine que lui voue son beau-père vient du fait qu’il n’a pas pu faciliter l’entrée de sa fille à l’Ecole nationale d’Administration et de la Magistrature (Eman). «Ses parents lui ont conseillé de ne pas me donner un troisième enfant tant qu’elle n’intègre pas cette prestigieuse école. Elle les a suivis et s’est fait poser un stérilet (contraceptif, ndlr) sans demander mon avis» . Néanmoins, Edy déclare qu’il aime encore son épouse, et demande à ce qu’elle rentre à la maison.

Après avoir entendu les interventions des époux, le juge, très conciliant, a donné quelques conseils dans le but de freiner où d’empêcher le divorce. S’adressant tout d’abord à Edy, le magistrat a expliqué au chef de famille que la violence est un aveu de faiblesse, une arme des freluquets, aux dires du juge. «Vous êtes tous les deux manipulés par vos parents. Aucun mariage n’est parfait. Fermez votre foyer aux parents et amis. Vos problèmes ne concernent pas les enfants. Organisez-vous et allez chercher votre femme» . Pour ce qui est du cas des beaux frères qui infestent son foyer, le juge propose de les renvoyer en famille et de leur venir en aide à distance.

À Flavienne, le juge a recommandé soumission et patience. «Le mariage, c’est la compréhension et l’entente permanente. Vous ne pouvez pas aller à gauche quand votre mari est à droite. Aucun couple ne peut évoluer s’il se laisse influencer par les tiers» , poursuit le juge. S’adressant aussi aux parents des époux présents à l’audience, le juge les a conviés à rester en dehors de ce foyer, pour le bien de leurs petits fils. «Laissez-les vivre leur mariage. Ils ont grandi. Si vous les aimez autant, donnez-leur plutôt des conseils pour que leur mariage dure autant que le vôtre» , a conclu le magistrat. C’est sur cette intervention que l’avocat de Flavienne a demandé un report de la cause pour donner la chance à Edy de reconquérir sa moitié. Un nouveau rendez-vous avec le juge est pris dans trois mois, pour apprécier l’évolution de la situation.