Un jeune homme est accusé d’avoir ôté la vie à son ami à l’aide d’un couteau, recueilli son sang et caché le corps de ce dernier sous le lit de sa chambre. Il nie les faits et attribue le forfait à un tiers toujours introuvable. Le parquet demande sa condamnation.
Qui a effectivement ôté la vie à M. Gabang Meli? Quelles sont les mobiles exacts qui ont motivé le criminel à poser cet ignoble acte? Seuls les juges en charge de l’examen du dossier pourront donner des réponses à ces questions et à bien d’autres qui laissent encore planer le doute dans cette lugubre affaire. Dans sa brève présentation des faits à l’origine de l’actuelle procédure, le ministère public a expliqué que l’accusé avait appâté le défunt en l’invitant à son domicile au quartier Tongolo à Yaoundé dans la journée du 31 novembre 2019. C’est dans ces circonstances floues que le drame est arrivé. Le défunt aurait été tantôt grièvement blessé avec une lame rasoir tantôt assassiné avec un couteau de cuisine. De toutes les façons, ce qui est constant dans ce dossier, c’est que M. Gabang Meli a succombé aux blessures reçues au cou et au dos.
Le magistrat du parquet, qui présente ces faits au juge, précise que dans le but d’effacer toute trace du crime, Mohamadou Bello avait pris le soin de nettoyer la mare de sang qui avait coulé sur le sol et sur le tapis blanc étalé dans sa salle de séjour. L’affaire qui aurait dû passer inaperçue, poursuit le ministère public, avait été finalement dénoncée une semaine plus tard à la gendarmerie par un voisin immédiat de l’accusé ayant suivi les cris de détresse de M. Gabang Meli et noté de la part du mis en cause des agissements suspects. Une descente des enquêteurs sur le lieu du forfait avait permis de découvrir que le sang du disparu avait été recueilli dans un récipient tel que le démontrent certaines photographies présentées à l’audience. Après une fouille systématique des locaux de Mohamadou Bello, les gendarmes avaient également découvert que ce dernier avait pris le soin de ligoter, d’emballé le corps sans vie de M. Gabang Meli dans un sac avant de le cacher sous le lit de sa chambre.
Déclarations contradictoires
Le 5 août 2022, Mohamadou Bello était devant le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi pour donner sa version sur les faits qui lui sont reprochés. En détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis près de trois ans, le jeune homme a rejeté les accusations faites contre sa personne. «C’est au cours d’une altercation opposant M. Gabang Meli à mon coiffeur dans mon domicile que le défunt avait été mortellement blessé au cou et au dos. Le différend portait sur une affaire d’argent. Je n’ai pas vécu la scène de son assassinat parce que j’étais reparti dans ma chambre pour nettoyer le sang des blessures que j’avais reçues en tentant de les séparer». Mohamadou Bello, qui a fait cette déclaration, a raconté que c’est en ressortant de sa chambre qu’il s’était rendu compte que M. Gabang Meli avait été assassiné et que son ami coiffeur avait fondu dans la nature.
Pris de panique, Mohamadou Bello dit avoir emballé et caché le corps sans vie de son visiteur sous le lit de sa chambre pour ne pas attirer l’attention des siens, surtout de sa mère, de peur qu’elle ne soit traumatisée par ce crime. A la question de savoir pourquoi n’avoir pas alerté le voisinage pour l’informer de ce qui s’était passé dans ton domicile, il a indiqué qu’au moment du drame, il n’y avait personne aux environs, pas même son fils, encore moins son épouse qui était sortie vaquer à ses occupations d’enseignante. Pourquoi n’avoir donc pas alerté la gendarmerie? Il a répondu que lorsqu’il s’apprêtait déjà à aller chercher son fils à l’école et informer la gendarmerie, les forces de l’ordre avaient pris d’assaut son domicile. «La maison familiale n’étant pas distante de la mienne, mes frères sont arrivés et ont défoncé la porte de mon domicile que j’avais barricadée. C’est moi qui ai montré aux enquêteurs où se trouvait le corps de Gabang Meli», a-t-il signalé avant d’être interrompu par le magistrat du parquet qui lui a fait savoir que certaines de ses déclarations de l’enquête préliminaire sont totalement contradictoires à celles faites devant le tribunal.
Sanction exemplaire
Pour soutenir son propos, le ministère public a indiqué que devant les enquêteurs, l’accusé avait reconnu devoir la somme de 20 mille francs à son ami coiffeur qui était venu réclamer son argent. C’est la raison pour laquelle ce dernier avait tenté de prendre en compensation son écran de télévision. Il s’en était donc suivie une bagarre entre son ami et lui. C’est au cours de cette altercation que M. Gabang Meli voulant protéger l’accusé, avait reçu de graves blessures. En réaction à cette remarque du parquet, Mohamadou Bello répond avoir oublié beaucoup de choses à cause du temps passé en détention. Il a ajouté pour sa défense que sa mère n’est jamais venu dans son domicile lui prêter main forte pour ôter la vie au disparu comme le prétend l’accusation. De même qu’il a nié le fait que le sang de M. Gabang Meli avait été recueilli dans un seau ou dans une assiette. Mais une fois de plus, il a été immédiatement contredit par le parquet qui a présenté au tribunal des photographies prises dans son domicile, laissant apparaitre un récipient contenant du sang.
Dans ses réquisitions, le magistrat du parquet a indiqué que dans la plupart des procès criminels, les accusés arrivent devant le tribunal avec l’intention de voiler la vérité. C’est le cas, dit-il, de Mohamadou Bello, qui tente d’empêcher aux juges de connaître ce qui s’est réellement passé le 31 novembre 2019. «Il a fallu confronter ses déclarations de l’enquête préliminaire à celles faites devant la barre pour le confondre. Il faut également noter la froideur avec laquelle l’accusé répond aux questions pendant son témoignage traduisant ainsi son mépris pour la vie humaine», a-t-il confié. Il a, par ailleurs, noté que les agissements de l’accusé consistant à effacer toute trace de sang dans la maison et dissimuler le corps sans vie de M. Gabang Meli démontre que Mohamadou Bello n’était pas à son premier forfait. Et pour le parquet, un tel comportement ouvre la porte à des spéculations de toutes sortes, notamment celles qui peuvent laisser croire que ce dernier appartient à un réseau de consommation de sang ou de commercialisation des ossements humains.
Le ministère public pense en outre que Mohamadou Bello est le seul acteur dans la commission de ce «crime crapuleux». Il soutient que ce dernier avait bien préparé son forfait en tendant au disparu une embuscade savamment montée pour lui ôter la vie dans la plus grande discrétion possible. D’après lui, l’ami coiffeur dont parle l’accusé dans cette affaire est un personnage imaginaire. Le ministère public est d’accord avec l’avocat de l’accusation qui qualifie Mohamadou Bello de microbe et de virus social qu’il faut mettre hors d’état de nuire en lui infligeant une sanction exemplaire.
L’avocat de la défense a, pour sa part, déclaré que certes, la disparition d’un être humain suscite de la consternation et la tristesse, mais il a demandé au tribunal ne pas suivre l’accusation qui s’appuie sur les suppositions. Il pense que le doute plane dans cette affaire où de nombreuses questions sont restées sans réponses tant à l’enquête préliminaire qu’à l’information judiciaire. «Il revient donc aux juges de tirer leurs conclusions sur la base de leur conviction personnelle», a conclu l’avocat. Mohamadou Bello sera fixé sur son sort le 2 septembre 2022.