Actualités of Monday, 12 June 2017

Source: camer.be

Yaoundé: le quotidien des travailleurs de nuit

Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

Exposés à bien de périls, ils ne bénéficient néanmoins pas de primes de risques. A 17h, alors que le soleil se couche pour la plupart sur une journée remplie, celle de Sandrine S. ne fait que commencer. Elle va regagner son domicile à 7h le lendemain.

Elle est serveuse depuis six mois dans ce snack-bar très fréquenté, juché sur une colline au lieu-dit Montée Jouvence à Yaoundé, qui n’ouvre ses portes que dans la nuit. Vêtue d’un polo sur lequel est inscrit au dos «fille de salle», Sandrine S. a du mal à circuler. Il est minuit passée et ‘’le soleil s’est déjà levé’’ pour les noctambules de la ville de Yaoundé. «C’est le samedi des bacheliers», apprend-on de la serveuse.

Des élèves qui achèvent la composition du baccalauréat. Sa cuvette de bière en main, elle essaie de garder les yeux ouverts, malgré l’éclairage et la fumée qui se dégagent de la salle aux allures de boîte de nuit. La musique d’un chanteur nigérian très à la mode que diffusent les hauts parleurs empêche de converser avec son plus proche voisin. Aucune piste de danse n’est prévue pour se trémousser. Ce qui sert de couloir est envahi par de jeunes gens qui, enlacés, dansent un «collé-serré», fument ou boivent.

Pour circuler, Sandrine S. se faufile entre les tables pour prendre les commandes des clients. Pendant qu’elle sert, elle bouscule quelques bouteilles de bière qu’elle a déjà installées sur la table. L’affluence est à son comble et le snack semble étroit. Cadre idéal pour des mains baladeuses. Sa voix qu’elle s’échine à rendre rauque et sévère ne décourage pas certains. C’est que la vue de ses formes rebondies ne laisse pas les hommes indifférents. Quand ce ne sont pas des attouchements de pervers ou de gens saouls qu’elle repousse violemment, il faut essuyer le mépris des clientes.

Ce samedi, la serveuse se fait insulter par deux clientes qui estiment ne pas avoir été bien servies. «Petite imbécile, tu n’es qu’une sale serveuse», lance une des clientes visiblement courroucée. Malgré les tentatives des voisins de table des jeunes femmes pour calmer la situation, les choses s’enveniment. Il faut l’intervention de la sécurité pour régler le problème.

Primes de travail

La sécurité est assurée par de «gros bras». À leur vue à l’entrée du snack, tout le monde se met en rang. Les visages fermés, ils ne semblent pas disposés à faire causette. Parmi eux, Maxime. Sous son polo de couleur orange estampillé «sécurité», un volume impressionnant de muscles. Il est videur. Maxime travaille de 21h jusqu’à 7h, jusqu’à ce que le dernier client s’en aille. Son travail consiste à sécuriser les biens et matériels du snack. «Quand un client est saoul, nous avons le devoir de le vider, de le mettre à l’extérieur du snack en toute sécurité», explique-t-il.

Les avant-bras herculéens de Maxime laissent entrevoir des cicatrices. Celles-ci sont des souvenirs de clients mécontents. En 20 années de service en tant que videur, il a été blessé plusieurs fois. «Toutes ces cicatrices sont des blessures de bouteilles cassées ou de couteaux. Quand tu vides un client, il est énervé et revient avec un couteau pour en découdre avec toi», raconte-t-il. «Parfois, le lendemain, tu reçois une convocation du boss. Le client dit qu’il avait une somme d’argent qui a disparu alors que ce n’est pas vrai», renchérit-il. Et pas de récompense du «boss» pour ces justes travailleurs.

Lorsqu’on parle de panier de nuit, Sandrine S. arrondit les yeux de surprise. «Le panier de nuit c’est quoi ?», demandet-elle sur un ton d’ingénue. Des primes, lui explique-t-on. Les primes, explique-t-elle, ne sont octroyées que par des clients généreux ou contents du service. Déclaration que confirme Maxime. «Tu peux avoir un ami ou bon client qui te «farote» avant de partir. A part cela, rien», fait-il savoir. Leur salaire varie entre 70 et 100 000 Fcfa. Ici, il leur est défendu de boire, de manger ou de s’asseoir pendant le service.

Mais pour Israel Mfouapon, gardien de nuit à Mvan, le problème ne se pose pas. En effet, la société de gardiennage qui l’emploie octroie des primes de nuit…, mais aussi de jour. «Les primes de nuit c’est 5 000 Fcfa et les primes de jour 3 000 Fcfa, après un an de service», affirme-t-il. Avec un salaire de 50 000 Fcfa et les risques encourus dans l’exercice de sa profession, ces primes sont du pain béni.