Une affaire de corruption présumée secoue la justice camerounaise, mettant en cause le président de la Cour d'appel du Littoral dans un litige opposant le géant des télécommunications MTN au milliardaire Baba Danpullo.
C'est une affaire qui risque d'ébranler les fondements du système judiciaire camerounais. Selon des sources proches du dossier, le président de la Cour d'appel du Littoral, Arroye Betou, se trouve au cœur d'un scandale financier d'envergure impliquant le groupe MTN Cameroun et l'homme d'affaires Baba Ahmadou Danpullo.

L'affaire remonte à février 2025, lorsque la Cour d'appel du Littoral a rendu, le 24 février, une décision ordonnant la levée de la saisie des comptes de MTN Cameroun. Ces comptes avaient été bloqués depuis 2022 dans le cadre d'un litige avec le richissime homme d'affaires Baba Ahmadou Danpullo. Contre toute attente, quelques jours après cette décision, les comptes de l'opérateur téléphonique ont de nouveau été saisis, plongeant l'entreprise dans une situation financière délicate.

Selon plusieurs témoignages recueillis, un accord aurait été conclu entre le président de la Cour d'appel et les responsables de MTN quelques semaines avant la décision de février. En échange de la levée des saisies pratiquées sur les comptes de l'opérateur, une somme de trois milliards de francs CFA aurait été versée sur un compte bancaire à Paris.

Pour récupérer cette somme, le magistrat aurait effectué deux voyages éclair de trois jours chacun à Paris, dont le dernier remontant à peine à une semaine. Fait troublant, ces déplacements auraient été réalisés sans autorisation préalable de sa hiérarchie, comme l'exigent pourtant les règles administratives en vigueur.
D'après nos investigations, l'ouverture du compte bancaire destiné à recevoir les fonds se serait déroulée à l'agence Afriland First Bank de Paris, située au 88 rue des Courcelles dans le 8ème arrondissement. Le magistrat n'aurait même pas eu besoin de se déplacer à la banque, les formulaires lui ayant été apportés directement à son hôtel, où il les aurait signés, permettant ainsi des virements par des mécanismes sophistiqués mis en place par l'établissement bancaire.
Pour dissimuler son implication, le président Arroye Betou, connu pour tenir personnellement les audiences de contentieux, aurait exceptionnellement confié cette affaire sensible à une magistrate identifiée comme "Madame Ze". Cette manœuvre, qualifiée par certains observateurs de "ponce-pilatisme de très mauvais aloi", n'aura pas suffi à masquer les arrangements présumés.

La situation a pris une tournure inattendue lorsque Baba Danpullo a réagi avec une rapidité surprenante en obtenant un nouveau blocage des comptes de MTN, annulant de fait la décision du 24 février. Face à ce revirement de situation, le groupe MTN serait entré "dans une colère bleue", estimant avoir été floué après avoir versé une somme considérable.

Selon des témoins, le Président du Conseil d'Administration de MTN aurait été dépêché en urgence au Cameroun pour rencontrer le magistrat et lui demander des explications sur ces "promesses non tenues". Une rencontre houleuse se serait déroulée dans un restaurant huppé de Douala, "Le Fouquet", où la tension entre les deux hommes était palpable, la gestuelle des protagonistes ne laissant aucun doute sur l'animosité des échanges.

MTN réclamerait désormais la restitution des trois milliards de francs CFA versés, estimant que le résultat promis n'a pas été obtenu. Cette affaire intervient à un moment particulièrement délicat pour le magistrat, déjà fragilisé par plusieurs revers : des révélations compromettantes faites par un ancien collaborateur, des problèmes de santé ayant presque entraîné la perte de sa vue, et une récente notification de mise à la retraite.

Ce scandale vient raviver les critiques sur l'intégrité du système judiciaire camerounais. Arroye Betou, décrit par certains comme "le magistrat le plus corrompu du Cameroun", marcherait dans les pas de son prédécesseur Djonkouo, ancien vice-président de la même Cour d'appel du Littoral, révoqué pour des faits similaires de corruption impliquant également MTN.

L'affaire prend une dimension encore plus critique alors que les deux parties, MTN et Baba Danpullo, doivent se retrouver ce mercredi devant le tribunal. Cette nouvelle audience s'annonce explosive et pourrait révéler davantage de détails sur cette affaire aux multiples ramifications.

Si les allégations se confirment, cette affaire pourrait avoir des répercussions majeures tant sur la carrière du magistrat que sur l'image de la justice camerounaise dans son ensemble. Des sources proches du dossier évoquent déjà l'ouverture possible d'une enquête administrative, voire judiciaire, pour faire toute la lumière sur ces accusations de corruption.

Des organisations de la société civile ont d'ores et déjà appelé à une réforme en profondeur du système judiciaire camerounais, pointant du doigt les risques que font peser de telles pratiques sur l'attractivité économique du pays et sur la confiance des investisseurs étrangers.